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Les médias sont-ils les nouvelles agences de com ?

Ils connaissent leur audience, sont experts de leurs sujets, et ils commencent sérieusement à faire de l'oeil aux annonceurs. Alors les médias de marque faits par des médias... comment ça marche ?

Face aux agences de brand content, de nouveaux acteurs s’imposent dans le paysage publicitaire. Les médias sont de plus en plus nombreux à proposer de créer du contenu pour les marques. Derniers en date, Ganz, « l’agence de content thinking » de Prisma Media, et le 14 Haussmann du Figaro dirigé par Benjamin Lassale, lancés à moins de trois semaines d'intervalle. Ces entités, les studios, cohabitent avec les rédactions, sans pour autant en faire partie. « L’appellation est intéressante. Buzzfeed aux États-Unis a lancé le terme qui, depuis, s’est répandu. Il existe une sorte de pudeur, de distinction. C’est un travail d’agence à ceci près que nous, médias, avons à la fois l’expertise sur les sujets que l’on traite, en plus de la connaissance de notre propre audience», analyse Jérôme Ruskin, fondateur d’Usbek et Rica.

« Je n’ai pas de problème à travailler avec des marques », affirme Jean-Dominique Siegel, coéditeur et directeur de la publication du magazine We Demain. À partir du moment ou j’essaye de faire un média généraliste qui raconte la mutation du monde, il me semblait intéressant que l’on puisse écrire cette mutation sur d’autres secteurs ». We Demain travaille aujourd’hui régulièrement avec Leroy Merlin ou Bouygues Construction La « revue pour changer d'époque », créée en 2012, produit des articles pour l’enseigne de déco et bricolage, mais aussi pour la rubrique dédiée, « Ma Maison Demain », sur le web. Côté print, Leroy Merlin a acheté 24 pages dans la revue sur le thème de la maison de demain. « Mais, précise le directeur de la publication, éditorialement, ils n’ont pas de droit de regard. Je ne suis pas un magazine bourré de pub. J’en ai peu. Je vends 12 000 exemplaires, je n’ai pas envie qu’on se désabonne ! Ils viennent voir We Demain pour qu’on fasse du We Demain. Donc, s’ils me demandent de ne pas en faire, ça ne m’intéresse pas. »

Expertise journalistique

Dans un contexte d’hyper concurrence, de défiance envers la publicité et la programmatique, les marques voient dans les médias un gage de sérieux, de qualité. Au 14 Haussmann, l’agence média du Figaro, on se targue de pouvoir compter sur 500 journalistes experts. « Lorsque l’on a des problématiques de marques, on se rapproche des journalistes pour nous aider dans la compréhension des secteurs. Un quart d’heure, une demi-heure ou 45 minutes sont l’équivalent de deux jours de recherche d’un planneur stratégique sur Google. Les cerveaux humains sont toujours un peu plus rapides ».

Les médias sont aussi plus légitimes que les agences de communication pour aller chercher du contenu exclusif. « On vient de finir un hors série sur le futur de la signalétique. Parce que nous sommes We Demain, nous avons obtenu une interview de la ministre des Transports Élisabeth Borne et le président de l’Assemblée nationale François de Rugy. C’est un tirage à 2 000 exemplaires pour la fédération, mais c’est intéressant. La seule condition [au brand content], c’est que je ne veux pas faire n’importe quoi », résume Jean-Dominique Siegel.

Vers une évolution du business model des médias

Médias et marques semblent avoir trouvé une alliance qui bénéficie à chacune des parties. « Avant, les médias traditionnels avaient la vente au numéro ou l’abonnement. Une régie commercialisait de la publicité. Les ventes représentaient environ 30% et la pub 70%. Cette répartition reste la même mais le rapport s'est inversé », analyse Jérôme Ruskin.

Success story

« Il nous manquait un outil d’inspiration qui nous permette d’avoir un lien fréquent auprès des clients et des prospects français, avec une prise de parole à fréquence régulière », explique Aurélie Radenac, responsable communication de Castorama. Alors, l’enseigne de bricolage a lancé un appel d’offres (remporté par le studio de L’ADN, NDLR) qui a donné naissance à son média :  18h39. « Le fait de travailler avec une équipe de journalistes rend le contenu plus juste pour porter le point de vue de la marque Casto sur la maison. » Le site publie une trentaine d’articles par semaine et une dizaine de vidéos. « Les chiffres sont en constante augmentation depuis le début », explique Adèle Ponticelli, la rédactrice en chef qui chapeaute une équipe d’une dizaine de personnes. Côté marque, on revendique 12,5 millions de visites depuis la création du site en septembre 2015. « Le média a été construit avec des valeurs communes. Par contre, j’ai ma casquette Casto et Adèle sa casquette de journaliste. On défend notre point de vue, notre seul mot d’ordre est d’apporter de la qualité au lecteur.»

Les médias, un allié des agences ?

Chez W, on ne s’inquiète pas vraiment et on voit plutôt les médias comme de potentiels alliés, ultra spécialisés, qui complètent les compétences des agences. « On les a déjà missionnés en partenariat pour développer du contenu sur des verticales que les titres développent ou pour monter sur des pitchs. Cela permet de combiner une expertise marque et une expertise projet » précise Grégoire Weil, directeur général adjoint et responsable du contenu. « Ce que les médias vendent, ce sont des écosystèmes fermés. Ils monétisent une audience qu’ils connaissent. Ils sont là pour vendre une patte, une grille de lecture. Comme les marques sont relativement agnostiques sur les stratégies de contenu, l’avantage compétitif que conservent les agences, c’est la connaissance des marques. »
commentaires

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  1. Bonjour, merci pour cet article. Voilà une tribune que j'avais publié sur Linkedin sur le sujet "Pas là pour nourrir des lions" : https://www.linkedin.com/pulse/pas-l%C3%A0-pour-nourrir-des-lions-antoine-constantin/

    Au plaisir d'échanger

  2. […] Des compétences qu’ils sont venus prouver aux Cannes Lions cette année. En même temps, les médias se transforment en agences créatrices de contenus sur-mesure et […]

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