
Steve Bannon, ancien « haut conseiller et chef de la stratégie » de Donald Trump a accordé un entretien à France Culture. Il y annonce une campagne présidentielle plus sanglante que jamais et sa totale détermination à faire gagner le camp des populistes. En Amérique. En France. Ailleurs...
Steve Bannon, le spin doctor de la droite dure
Jeudi 27 février 2020, dans la matinale de France Culture, on pouvait écouter Steve Bannon. En moins de 30 minutes, il a donné à comprendre les mécaniques d'une campagne présidentielle américaine en général, et celle de 2020 en particulier. Une machine à broyer, entre combats de chiens et captation des imaginaires. Ambiance Fight Club et gros sous. Amateurs de sensations fortes bienvenus !
Mais qui c’est encore que ce Steve Bannon ? En résumé, l’un des plus ardents combattants de la droite dure américaine. En 2016, il a gagné ses galons de spin doctor en assurant la direction exécutive de la campagne présidentielle de Donald Trump.
On était à 90 jours du vote, le candidat républicain était largué à plus de 10 points derrière Hilary Clinton. Son QG puait la défaite. En trois mois, Trump allait passer la ligne d’arrivée, victorieux... de peu certes, mais victorieux. Steve Bannon fanfaronne volontiers à ce propos : « J’aime beaucoup la pression. »
Évidemment, un tel tour de passe-passe ne repose pas sur un seul homme. Mais il faut reconnaître à Steve la combinaison remarquable de deux talents : c’est un infatigable combattant et un homme qui sait faire buzzer. Et quand il réunit les deux, cela donne ce qui se fait de mieux en matière d’infowar. Quand, de 2012 à 2016, Steve était président exécutif de Breitbart News LLC, la société mère de Breitbart News, il ne s’en cachait même pas. Nous sommes « la plateforme de l'Alt-right » clamait-il, dans son style direct et cash.
Steve Bannon en 2020, ça va être sanglant !
Le 14 février dernier, Steve Bannon a donc reçu le journaliste Frédéric Martel chez lui, dans sa maison de Washington DC. Elle se situe en plein quartier chic, entre la Cour suprême et la Maison Blanche. Que ceux qui veulent y voir un message ne se gênent pas... Steve le reconnaît lui-même. Ici, on vise le cœur du réacteur, on tient un siège, on mène campagne.
Et l’objectif est clair : faire gagner la droite dure. Comment ? Par tous les moyens possibles. Bannon le proclame : « Si vous pensez que 2016 était dure, [2020] va être la campagne la plus dure, la plus méchante de l’histoire de la politique américaine, y compris celle de 1860 quand le président Lincoln l’a emporté avant la guerre civile. »
Des messages courts, nerveux, qui font passer à l’action
À 66 ans, le bonhomme connaît sa routine. D’abord, garder le contact. Depuis un studio situé en sous-sol de sa maison, tous les jours, il balance un podcast. Bannon aime à se faire passer pour un influenceur comme les autres. Deux millions d’auditeurs. Pas mal. En termes de contenu, on fait dans le compact et le nerveux. « Les gens n’ont pas le temps. » Mais il faut quand même les galvaniser, les faire passer à l’action : « Je crois à l’engagement. »
En 25 minutes max, Steve leur distribue la bonne parole, et fait dire ce que chacun doit retenir. Des phrases chocs, des images frappantes, et des superlatifs. Et ça vaut aussi pour son entretien sur France Culture.
Faire reposer sa story sur de super personnages
À quelques mois du scrutin du 3 novembre, son adversaire est évidemment déjà désigné. Pour Steve, c’est limpide, l’élection présidentielle se joue à un contre un. Entre Bloomberg et Trump. « Les autres, leurs comptes est réglé, ils sont déjà morts », prophétise-t-il.
Michael Rubens Bloomberg, ancien maire républicain de New York et candidat à la présidentielle devenu démocrate, est donc l’homme à abattre. Et Bannon ne fait pas dans le quartier, il tire à vue tous ses éléments de langage.
« On n’a jamais vu une 'chose' comme Bloomberg arriver. »
La « chose » aurait déjà misé 100 millions de dollars pour s’offrir la destitution de Trump. La « chose » aurait déjà réussi à détruire l’un des piliers de la droite dure, la NRA – pour National Rifle Association, l’association qui lutte pour le droit de posséder et de porter des armes. « Il a mené une vaste campagne dans chaque ville, avec des mères de famille et des avocats démocrates hyper remontés...», détaille Steve, et de citer, pour exemple, Letitia James, première femme afro-américaine élue démocrate à New York au poste de procureure générale.
À écouter Bannon, Michael Bloomberg a donc tous les atouts des supers méchants qu'on voit dans les films de superhéros : il est fourbe, déterminé, et il est surtout super méga riche, dans le top 20 des plus grosses fortunes du monde, une fortune qui grossit à vue d’œil. « Il connaît les données mieux que tout le monde, il apporte les capitaux, la stratégie, et pas l’argent des donateurs, mais de l’argent à lui. »
Il aurait posé sur la table deux milliards de dollars. Direct. On n’a jamais vu une « chose » pareille, et au regard de ce Godzilla hyper prédateur, Trump et ses Républicains passeraient presque pour de petits joueurs fauchés... tout prêt, si prêt, du petit peuple donc.
Demandez le programme...
Steve Bannon n’est pas inquiet. Il faudra juste se battre, et « il n’y aura pas de prisonnier ». Mais, affirmatif, Trump va gagner. Et en rejouant exactement le même coup qu’en 2016 : avec les électeurs de Bernie Sanders.
Si Bloomberg, comme avant lui Hilary Clinton, ne mise pas sur le vieux candidat démocrate, Trump rechantera la même partition à ses électeurs déçus. « Venez avec nous ! » car les ennemis, les vrais, ne sont autres que les mondialistes néolibéraux de Wall Street. Et Steve de conclure : « C’est eux le problème. »
Bon. Ça c’est le plan. Reste à le mettre en exécution. « On est au mois de février, les histoires personnelles, les histoires de coupe-gorges vont continuer, ça va être méchant, ça va être cruel. »
Toujours plus haut...
Steve Bannon vise plus loin. Dans sa maison de Washington, la « maison du populisme » comme il dit, il a déjà reçu la crème internationale des représentants de la droite extrême : le brésilien Jair Bolsonaro, l’indien Narendra Modi, Marion Maréchal – dont le projet d’école lui a inspiré un projet de monastère.
L’idée ? Soutenir le populisme sur tous les continents. Car l’enjeu est de pouvoir renforcer des projets sur bien des fronts. Il le sait. Si Trump n’avait pas été élu, le Brexit n’aurait jamais pu aboutir.
Bref.
Si vous n’avez pas entendu l’intervention de Steve Bannon sur France Culture, on vous recommande chaudement de prendre un petit moment. Cela vous donnera une vision – partielle certes – de ce qui devrait faire le buzz dans les semaines qui nous sépare du 3 novembre prochain. Et ça promet de répondre à la formule magique : de la haine, du LOL et du fake. À votre podcast donc. Il vous en coutera moins de 30 minutes, à peu près le temps que prennent les auditeurs du podcast de Steve Bannon qui vous le confirmerait sans complexe : un auditeur averti en vaut au moins deux.
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