cadis au milieu d'un parking

Karl Marx vs. Jeff Bezos. Combat dépassé ?

Avec Seenk
© David Clarke via Unsplash

Même les marques prônent des discours anticonsuméristes. On aura tout vu ? Pas si sûr. Qu’il s’agisse d’un simulacre de responsabilité opportuniste ou d’un tournant majeur du capitalisme, une chose est sûre : ce n’est que le début.

Titre aguicheur, promo du jour, pack de 12. Vous vous êtes forcément déjà laissé piéger par le toujours plus – et par l’auto-flagellation qui s’en suit inexorablement. Cela ne fait pas de vous un Panurge, juste un humain désirant confort, loisir et plaisir. Léger paradoxe : vous êtes en même temps sensible à l’impact social, culturel, économique et écologique de vos actes d’achat. Peut-on réellement utiliser Uber ET pester contre la pollution ? Se meubler Ikea ET déplorer la déforestation ? Liker à tout va ET vilipender l’ultra-connexion ? Les marques sont au cœur du dilemme : elles sont à l’origine du problème… mais peuvent-elles aussi devenir la solution ? Le planning stratégique de Seenk ouvre le débat.

slogan

« Don’t buy our cars »

Et c’est un fabricant de voitures qui vous le dit. Dans son spot vidéo, Volvo va même jusqu’à s’approprier la réplique de l’anticonsumériste Fight Club : « les choses que vous possédez finissent toujours par vous posséder ». En bref, n’achetez plus : louez ! Ou comment vous donner l’impression de vous détacher de la voiture… tout en vous faisant rouler dedans.

Même mécanique pour WeTransfer, qui vous enjoint à vous déconnecter, à aller courir dans les champs de blé, à vous laisser border par les vagues, à vous épanouir dans l’art. Paradoxal pour un pure player ? Pas si la promesse est un partage de document ultra-rapide pour vous re-brancher encore plus vite.

Dans les deux cas, les marques critiquent l’emprise du système capitaliste sur nos vies. Le principe est le même : s’opposer à la consommation pour mieux en profiter. C’est le paradoxe Banksy : critiquer le système et en même temps en vivre.

Tous pourris !

Pas si vite. Des marques agissent sincèrement pour transformer le système. La MAIF devient par exemple la première « entreprise à mission », inscrivant noir sur blanc un objectif sociétal dans ses statuts. 32 grands groupes signent le « Fashion Pact » pour une mode plus équitable. Ikea lance une offre de location de meubles. Evian propose une fontaine à eau connectée pour réduire la consommation de plastique. Même le luxe adhère à la location et à la réparation de vêtements.

Bienvenue dans la « guilt-free consumption » ou consommation win-win-win pour les intimes. Triple win ? Prenons Tesla. Ses voitures sont électriques (win pour Mère Nature), design (win pour le statut social) et se vendent comme des petits pains (win pour Elon Musk). De quoi acheter le cœur léger tout en profitant d’une expérience inaltérée.

Seul bémol à ce tableau idyllique : le prix. Il vous en coûtera 91 000 € pour une Tesla Model S. Sans option. Et que penser quand Evian sort une bouteille réutilisable en édition limitée conçue par le designer Virgil Abloh lors de la Fashion Week ? Si consommer responsable demeure l’apanage d’une élite, le changement va s’avérer, au mieux, infime.

La fin des concessions

Entre belles promesses et solutions inaccessibles, l’équation semble insoluble. Pour nous aider à la résoudre, écoutons les conseils éclairés du plus mathématicien des philosophes, Edgard Morin. « Face à la complexité, il faut penser global. »

Sa maxime est d’autant plus vraie à l’ère de la post-vérité. La défiance envers les marques progresse. Celles qui ne créent pas l’unanimité ont tout à perdre. Chacun s’essaye à démêler le vrai du faux, de différencier progrès réel et discours révolutionnaire mais sans grand impact. Les planètes doivent être alignées sous peine de backlash. Seules celles qui proposent des solutions concrètes et adoptent une approche systémique autour du sens qu’elles souhaitent donner à leur marque estompent totalement les doutes.

Pour Hegel, le futur est la réconciliation des idées opposées dans le présent. L’avenir des marques réside peut-être dans le fait d’écouter et même de travailler avec leurs détracteurs pour réussir leur transformation. Jeff Bezos devrait-il inviter les post-marxistes à sa table ?

Article

En 2014, déjà, la Trendsetter Lidewij Edelkoort annonçait la nécessité pour le système industriel de la mode de se réinventer complètement.

Une tribune signée par le planning stratégique de l'agence Seenk

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