Oui, les médias sont en crise. Après avoir observé la fonte de leurs modèles de revenus publicitaires liée à l’irruption des Facebook et Google News, ils subissent de plein fouet une crise de confiance. Et si leur salut se trouvait dans la science-fiction ? Il leur faut devenir mutants.
Selon le dernier baromètre Kantar/La Croix, le média télévisé, historiquement préféré des Français, atteint un niveau de confiance de 38% soit une perte de 10 points par rapport à l’année dernière. La radio, elle, baisse de 6 points par rapport à 2018 (50%), tandis que la presse écrite perd huit points (44%). Internet est loin derrière avec un niveau de confiance à 25%. Enfin, comme le note Le Monde, « le sondage révèle une double fracture, générationnelle et sociale : 74 % des plus de 65 ans témoignent d’une appétence moyenne ou grande pour l’actualité, mais seulement la moitié des 15-24 ans s’y intéresse – un taux sensiblement équivalent à celui des moins diplômés (51 %) ».
Dans ce contexte, comment les médias doivent-ils se réinventer ? Des initiatives existent et peuvent montrer la voie. Nous avons identifié 3 tendances :
Le journalisme : arme d’impact
2018 a été, selon Niemanlab, l’année record des campagnes de dons pour financer les projets et enquêtes journalistiques. La radio publique américaine NPR a financé son podcast sur l’économie Planet Money tandis que la prestigieuse signature du journalisme britannique The Guardian a lancé son appel aux dons natifs sur ses articles. En mai 2018, après la diffusion d’un reportage sur la famine dans la région du Kasaï au Congo, Konbini News lèvera 500 000 euros de dons auprès de ses lecteurs. L’ensemble des dons est récolté pour Action Contre la Faim. En France, Konbini est l’un des pionniers de la presse d’information à utiliser sa notoriété de marque pour lever de l’argent pour une cause. Le média s’appuie sur sa communauté de jeunes lecteurs pour créer un impact. La capacité d’un média à jouer un rôle social ou à engager son audience et les communautés qu’il sert est un enjeu d’avenir. D’abord parce que cela permet de créer des liens uniques avec son audience. Ensuite, parce que le média démontre sa capacité à être moteur d’un changement. D’ailleurs, la création récente d’un accélérateur européen spécialisé dans l’émergence des « médias engageants » est sans doute la preuve que c’est bien là une tendance de fond. Toutefois attention aux organisations voulant franchir le pas. Alors que les citoyens deviennent de plus en plus exigeants et ont les moyens de faire pression, il ne suffit plus d’afficher des ambitions vertueuses : il faut aussi prouver que l’engagement est sincère et durable (70% de la Génération Z se dit prête à soutenir une marque activement si cette dernière « fait concrètement bouger les choses » ).
La transparence : valeur éditoriale
À l’heure de la concentration économique des médias, d’autres acteurs indépendants émergent. Ces derniers adoptent la transparence comme une des valeurs de leur charte éditoriale. À l’image de Pro Publica aux États-Unis ou encore Correctiv en Allemagne, ces médias se sont constitués en fondations et font de leurs enquêtes une mission d’intérêt général. En France, Disclose, une ONG-média, s’est récemment créée et a lancé des partenariats avec des médias pour diffuser leurs enquêtes en accès libre : Mediapart, Konbini, ou Rue89 par exemple. Cette nouvelle exigence de transparence sera-t-elle un rempart à la crise de confiance qui submerge les médias ? En tout cas, elle semble être une des réponses apportées.
Investir l’hyperlocal et les communautés
En Hollande, le média De Correspondent et son équivalent allemand Krautreporter sont nés respectivement en 2013 et 2014. Les deux médias ont été créés après deux campagnes de crowdfunding à succès. Leur concept ? Traiter des nouvelles tout en s’éloignant des sujets anxiogènes et du cycle rapide de l’actualité. Des journalistes-experts, appelés correspondants, traitent des sujets au long cours et régulièrement répondent aux questions des communautés de lecteurs. Ce lien direct qui est établi avec l’audience est aussi un modèle séduisant pour la presse locale. Désormais, cette dernière est appelée à changer d’échelle et couvrir des évènements hyperlocaux. C’est la stratégie adoptée par Tagesspiegel Leute, un journal allemand local, qui a dispatché 12 de ses journalistes dans 12 districts de la capitale pour raconter l’actualité. Le projet financé par le prestigieux fonds européen Digital News Initiative de Google dédié aux médias, a permis au journal de gagner +40% d’abonnements depuis son lancement.
Ce qui apparaît à travers ces trois transformations, c’est un changement de paradigme : l’abonnement à un média n’est plus un acte de consommation comme un autre, c’est une adhésion à des valeurs éditoriales et éthiques et à des aspirations. Cela confirme une tendance plus globale observée par le baromètre Havas : 75% des personnes sondées (à travers des dizaines de pays) attendent des marques qu’elles aient une contribution directe à leur bien-être ou à leur qualité de vie. Il est impératif pour continuer à exister que les médias prennent conscience de cette évolution. Alors que l’indifférence aux marques grandit, que la défiance règne et notre attention sur-sollicitée diminue, seuls les médias adoptant des valeurs qui engagent toute leur organisation dans cette redéfinition de leur rôle sociétal, sauront susciter notre préférence et sauront survivre dans cette nouvelle ère informationnelle.
Depuis plus de 5 ans, CosaVostra conseille les médias dans leur stratégie d’innovation digitale et de financement. Nous proposons notamment un service clés en main pour aider nos clients à définir et à structurer leurs projets innovants afin de les faire financer grâce aux mécaniques d’aide publiques (Fonds stratégique pour le développement de la presse) et privées (Digital News Innovation Fund de Google). Nouveaux modèles économiques, innovations journalistiques les plus pertinentes, partenaires technologiques les plus fiables : CosaVostra est devenu au fil des ans un hub de l’innovation média.
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