Observation d'une étoile gachée par des strilles blanches provenant des satellites Starlink

Les télescopes spatiaux victimes de photobombing de la part des satellites d'Elon Musk

© NSF National Optical-Infrared Astronomy Research Laboratory.

Jusqu'à 6 % des observations de certains télescopes sont entravées par le réseau Starlink du milliardaire américain. Un phénomène amené à s'aggraver avec le déploiement de méga constellations de satellites.

Des galaxies lointaines traversées de stries et des constellations entières salies de bandes et lignes floues... À première vue, des images endommagées suite à une anomalie technique. Mais le problème est ailleurs. En cause : la prolifération de satellites artificiels de sociétés privées, à l'instar de Starlink d'Elon Musk.

Les satellites d'Elon Musk polluent les télescopes spatiaux

Les satellites constituaient déjà une gêne pour les observatoires au sol, mais une étude publiée par Nature Astronomy a révélé qu'ils gâchaient également les observations des télescopes spatiaux. En 2021, 5,9 % des images captées par le mythique télescope Hubble, lancé par la NASA et l'agence spatiale européenne, ont souffert de photobombing. En cause ? Les traînées des satellites artificiels. Une situation qui devrait encore s'accentuer. À ce jour, le réseau Starlink a déployé plus de 3000 satellites en orbite. Un nombre qui, en comptant ceux déployés par la concurrence (OneWeb ou Amazon), devrait être multiplié 10 d'ici la fin de cette décennie.

Interférences des satellites Starlink au passage de la comète Neowise. © Daniel Lopez/elcielodecanarias.com

En mai 2019, le lancement du premier lot de satellites Starlink avait provoqué un tollé chez les astronomes craignant pour leurs campagnes d'observation. En réponse, Elon Musk, fondateur et directeur général de SpaceX, leur avait suggéré de contourner le problème en « déplaçant les télescopes en orbite ».

Les satellites privés, une menace pour l'observation astronomique

Fausse bonne idée, Elon. Dans les faits, Hubble, lancé en orbite depuis 1990 pour éviter les interférences (bruit des communications et pollution lumineuse), est lui aussi impacté par les satellites Starlink. Pour quantifier l'effet des constellations de satellites sur Hubble, Sandor Kruk, astronome à l'Institut Max Planck de physique extraterrestre (Allemagne) et ses collègues ont analysé des images prises entre 2002 à 2021. La probabilité de voir un satellite dans une image Hubble de 2009 à 2020 n'est que de 3,7 %, contre 5,9% en 2021, une augmentation qui serait selon eux imputable à Starlink. Lors de l'analyse, 1 562 satellites Starlink étaient en orbite. Une autre société, OneWeb, avait également lancé 320 satellites.

Si l'impact pour les observations optiques s'impose immédiatement, une inquiétude plane également sur les observatoires radio (radioastronomie). En effet, les satellites comme Starlink ne réfléchissent pas seulement la lumière, ils émettent également des ondes.

Regarder le cosmos à travers un champ de satellites

Face à la pression, certaines sociétés utilisent désormais des matériaux moins réfléchissants ou peignent certains éléments des satellites en noir. Néanmoins, les panneaux solaires continuent de poser problème. C'est le cas avec BlueWalker-3, un satellite de huit mètres sur huit, qui brille autant que l'étoile la plus lumineuse du ciel. José María Diego fait partie des astronomes qui ont récemment découvert grâce à Hubble l'étoile la plus lointaine jamais observée, Earendel. Selon lui, la multiplication des satellites est un problème insoluble : « Il va falloir vivre avec et ça ne fera qu'empirer. Je dis cela à moitié en plaisantant, mais nous allons devoir aller observer de la face cachée de la Lune. » Une solution aurait pu être de cesser les observations dans les zones du ciel où se trouvent les satellites. Mais si la position des satellites commerciaux est connue, la tâche s'avère compliquée. En effet, les satellites Starlink changent régulièrement de position, puisqu'ils doivent communiquer entre eux et appliquer des corrections d’orbite automatiquement pour maintenir un maillage régulier.

La nécessité de réglementer

Face à ce qu'elle considère comme une menace pour l'observation astronomique, l'Union Astronomique Internationale (UAI) et la Société Espagnole d'Astronomie ont plaidé auprès des Nations Unies pour la mise en place d'un groupe de travail chargé d'établir des directives internationales applicables à tous les pays. D'autres organisations comme l’American Astronomical Society (AAS) ou la National Science Fundation (NSF) ont opté pour une approche plus pragmatique. « Se battre contre elles (les sociétés spatiales) est perdu d’avance. Il y a plus à tirer d’une approche collaborative », a indiqué Yuri Beletsky de l’observatoire américain de Las Campanas (Chili) dans El Païs. Une voie qui semble porter ses fruits puisqu’un accord entre SpaceX et la NSF a été trouvé en janvier 2023.

Notons que l'observation spatiale n'est pas la seule impactée par la prolifération des satellites. La Federal Aviation Administration américaine veut infliger à SpaceX une amende de 175 000 dollars pour avoir lancé 53 satellites Starlink en août 2022 sans soumettre d'analyse anticollision au préalable.

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Peggy Baron

Chaque jour je m'installe à la terrasse de l'actu et je regarde le monde en effervescence. J'écris aussi bien sur les cafards cyborg que sur le monde du travail, sans oublier les tendances conso.
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