
Qualifiée de « problème de santé publique » par l’OMS, la pollution sonore est un fléau invisible. Mais pour Gordon Hempton, bioacousticien, la combattre va de pair avec un apprentissage de l’écoute et une reconnexion à ses émotions et à la nature.
La pollution sonore, invisible dans les sociétés modernes
Le monde est de plus en plus bruyant. Et l’explosion démographique, la mécanisation et le tourisme de masse y sont pour quelque chose. « Le problème, c’est que la pollution sonore échappe à l’œil et semble ainsi moins importante qu’un tas de déchets, alors qu’elle est tout aussi dévastatrice », souligne Gordon Hempton, bioacousticien. Et le silence, il sait ce que c’est. C’est son métier de le chercher lui qui a connu l’enfer des acouphènes pendant plus d’un an, quand, à la suite d’une infection, il a perdu l’audition. « J'ai été plongé dans un bourdonnement incessant, reprend-il les yeux remplis de larmes, et cela a duré 18 mois ». Une épreuve dont il est sorti avec une conviction : il est urgent de rendre la pollution sonore visible.
Les nuisances sonores, des conséquences pour la vie sauvage
Les déserts, les parcs naturels et les forêts, autrefois préservés, sont eux-aussi touchés par le bruit des quads, des tronçonneuses ou encore des vols d’avions ou d’hélicoptères. Ces vingt dernières années, le National Park Service, l’agence fédérale chargée de la gestion des parcs américains, dénonçait un accroissement du bruit dans ces zones protégées et ses conséquences sur la vie sauvage. En moyenne, durant la journée, il ne passe pas cinq minutes sans qu'un de ces parcs soit victime d’anthropophonie.
Labéliser le silence, pour mieux le préserver
Face au diktat du bruit Gordon Hempton a choisi de sanctuariser le silence. Depuis 2005, sa fondation One Square Inch of Silence écoute la forêt de Hoh dans l'État de Washington. Si le projet semble poétique, la démarche est scientifique. Hempton répertorie les endroits où aucun bruit humain n’est présent pendant quinze minutes d’affilée. Aujourd'hui, il lance l’alarme. Il n’a trouvé sur le globe que 50 zones répondant à ses critères de silence. « L'ouïe nous sert à capter les sons qui nous donnent des informations vitales sur notre environnement. Mais depuis la révolution industrielle, l'homme évolue dans des centres urbains. Ces forteresses sont aussi des prisons, puisqu'elles nous isolent de la nature », explique-t-il.
Pour écouter mieux, il faut se reconnecter à ses émotions
« Chaque endroit sur cette Terre détient sa propre signature sonore. La pluie, la rivière, le vent, le chant des oiseaux... toutes les vibrations qui émanent de ces sanctuaires sont ressenties par nos corps et captées par nos oreilles », prétend-il. Et pour cet Américain aux airs d’Alan Grant dans Jurassic Parc et au rire facile, faire confiance à ses émotions, nous guidera vers un monde plus viable. Lui, c’est à 27 ans qu’il a eu cette révélation. Durant l’été 1980, alors qu'il est sur la route en direction de l'université du Wisconsin, il se sent fatigué et décide de faire un arrêt près d'un champ. Il s'allonge dans l'herbe, ferme les yeux et écoute le bruit des insectes, du vent et bientôt du tonnerre qui gronde au-dessus de lui. « L'air était moite mais agréable sur la peau. J'ai ressenti la forme du paysage et la sensation de l'eau de pluie couler sur mon visage », raconte-t-il. « J'ai, pour la première fois, eu une connexion avec le langage primaire des hommes : les émotions ».
Alors le silence est d’or, certes, mais pourra-t-on lui redonner un peu d’espace ?
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