Une femme présent un produit sur le TikTokshop aux Usa

Aux États-Unis, TikTok shop pourrit l’algorithme de la plateforme

La plateforme est soupçonnée de mettre volontairement en avant les créateurs utilisant la fonctionnalité TikTok Shop, lancée cet automne aux États-Unis. Quitte à envahir les spectateurs de produits dont ils se fichent. 

L’algorithme de recommandation de TikTok est si pertinent que certains lui confèrent une sorte de pouvoir divinatoire. Mais ce dernier est remis en question depuis le lancement de la fonctionnalité « TikTok Shop », qui permet à quiconque de vendre un produit directement via le réseau social, aux États-Unis cet automne. La fonctionnalité est aussi disponible en Indonésie et au Royaume-Uni, mais pas encore en France. Plusieurs utilisateurs américains se plaignent de voir leur page « For You » (qui fait défiler les vidéos spécialement recommandées pour vous) envahie par des produits de mauvaise qualité pour lesquels ils n’ont strictement aucun intérêt. 

Business Insider fait l’hypothèse que TikTok promeut volontairement les vidéos et lives qui utilisent cette fonctionnalité. Grace Secrist, une créatrice de contenu spécialiste de la mode et de la beauté, a confié au média avoir atteint plus de 1 million de vues grâce à une vidéo où elle vendait un t-shirt assez banal, contre 2 000 à 3 000 vues pour des vidéos classiques. Toutefois TikTok n’a pas souhaité confirmer cette hypothèse. 

1 200 spectateurs pour la présentation d’un stylo à 1 dollar

John Herrman, journaliste au New York Magazine, a donc voulu la tester lui-même. Il a mis en vente un stylo-bille utilisé trouvé sur son bureau à 1 dollar via la plateforme lors d’un live. Il s’est retrouvé avec 1 200 spectateurs. « J'avais l'intention de m’adresser à environ trois personnes ; en fin de compte, mon live ennuyeux pour un produit sans valeur a réuni plus de 1 200 spectateurs et a été "aimé" par 157 d'entre eux. D'après le tableau de bord de mon compte, il s'agissait d'un résultat hors-norme. Mon live a été plus vu que 99 % des lives provenant de comptes ayant le même nombre de followers (c'est-à-dire pratiquement aucun). Je soupçonne fortement que la raison de cela est que je vendais quelque chose, que j'utilisais les fonctionnalités d’e-commerce que l'entreprise s'efforce de promouvoir et qu'elle récompense les utilisateurs pour leurs tentatives », écrit-il. 

Un nouveau signal de la « surmerdification » du Web

La plateforme a déjà prouvé qu’elle était capable de faire d’un produit plutôt banal un énorme blockbuster. C’est le cas d’un pull à l’effigie d’une collection de pots de cornichons qui a généré près de 2 millions de dollars de revenus à Jessica Slone, la créatrice du compte « Bad Addiction Boutique », qui aux dernières nouvelles aurait vendu 43 000 exemplaires de son sweat à 44 dollars. 

Bien évidemment, la fonctionnalité attire les hustle bros de YouTube, ces pseudo-entrepreneurs du Web à l’affût des magouilles les plus intéressantes et à partager leurs conseils fumeux. Ces dernières semaines, ils étaient nombreux à poster leurs vidéos tutos pour gagner de l’argent grâce à TikTok Shop. 

Cette omniprésence de la consommation sur la plateforme et de produits sans grand intérêt est le signe de ce que le journaliste Cory Doctorow appelle dans Wired l’ « enshitification » de la plateforme, que l’on pourrait traduire par surmerdification. Un processus que suivent la plupart des plateformes. Au début, elles parviennent à attirer les utilisateurs en rendant leur proposition indispensable (dans le cas de TikTok, c’est sa capacité à vous servir exactement ce que vous voulez). Puis, lorsque les utilisateurs sont captifs, le but de la plateforme va être d’attirer des créateurs de contenus, mais aussi des marques et des vendeurs (qui vont lui rapporter une commission grâce à leurs ventes). Elle se sert donc de son algorithme “For You” et de sa bonne réputation pour montrer aux vendeurs que cela vaut le coup de vendre via son canal. Les spectateurs ne sont plus sa propriété et assistent eux à une « surmerdification » progressive des contenus qu’on leur sert. 

Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.

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