
Humans of Capitalism propose un délicieux concentré des maux capitalistes, entre exploitation, surconsommation et selfies détraqués.
Pour se moquer du monde du travail, Twitter a Disruptive Humans of LinkedIn. Et pour rire des effets secondaires du capitalisme, Instagram a Humans of Capitalism.
Là où les capitalistes vont pour mourir
Ici, vous pourrez contempler un bateau géant traverser une petite ville hollandaise (la ville fait approximativement un tiers de la taille du paquebot), les épouvantables conditions d'élevage de poules entassées dans de minuscules cages, ou d’insupportables influenceurs faisant semblant de nettoyer une plage avant d'abandonner les sacs de déchets sur place.Avec ses quelques 3500 publications, le compte Humans of Capitalism agrège le pire des causes et effets de notre système libéral. Parmi les pépites : une influenceuse mode qui détaille le coût de sa tenue (sa veste en cuir vaut 8000 dollars) ; un minuscule bidonville logé contre un hangar Amazon ; une femme qui pose en tenue de sirène et doit être soutenue par un employé immergé dans l'eau de la piscine ; un homme qui se rue sur sa voiture surdimensionnée pour la protéger de la grêle ; des golfeurs qui peaufinent leur swing sur fond de méga feu. Et bien sûr, le grand classique : une foule que la sécurité d'un centre commercial peine à contenir tant l'envie de mettre la main sur le dernier iPhone est forte.
Le pendant sombre du Humancore
Rien de très glorieux donc dans ces publications qui encapsulent à merveille les failles inhérentes à notre système économique, publications toujours accompagnées de la mention : #humansoflatecapitalism, les Humains du capitalisme tardif. Le compte n'est pas sans rappeler l'esthétique corecore, qui présente le monde dans ce qu'il a de plus tristement risible et absurde. En ce sens, Humans of Capitalism est le pendant sombre du Humancore, qui documente les Humains avec bienveillance, comme s'ils étaient de petits animaux mignons. Avec cette dernière mouvance, il s'agit de chroniquer « des humains en train d'être des humains », en capturant des gestes du quotidien, typiquement humains, aussi banals qu'attendrissants : se prendre les pieds dans ses lacets, rêvasser à la terrasse d'un café.
Catharsis collective
Ensemble, les #humancore ou #peoplewatching et le compte Humans of Capitalism constituent donc une sorte de double narration de l'époque, reposant sur un ressort typique des Internets : la loupe grossissante. Au-delà de l'exercice scrupuleux de compilation semi-anthropologique, le compte Instagram Humans of Capitalism sert-il une fonction ? Tout dépend du rôle que l'on accorde au rire. De la même manière que le fundie snarking (le fait de se moquer en ligne des chrétiens fondamentalistes) est salué pour ses vertus thérapeutiques par certaines personnes traumatisées par leur éducation religieuse rigoriste, rire ensemble du capitalisme peut s’apparenter à un défouloir et un remède éphémère contre l'angoisse existentielle. Une fois le rire passé, il ne restera (peut-être) plus qu'à se soulever.
thanks for sharing