Surveillance smartphone

Activation des appareils connectés à distance… Un outil technologique de plus pour surveiller la France

© Mario Gogh

Le 5 juillet, les députés ont voté l’activation de téléphones à distance afin de tracer certaines personnes dans le cadre d’enquêtes judiciaires. Une technique qui s’ajoute à un arsenal technologique de surveillance de plus en plus présent en France. 

Plus besoin d’installer des micros chez vous, ni de placer des bornes de géolocalisation, nos multiples appareils connectés font très bien l’affaire. Après validation du Sénat en juin, l’Assemblée nationale a voté en première lecture mercredi 5 juillet l’activation à distance des téléphones (ou autres appareils connectés). Celle-ci permet de déclencher géolocalisation, micro et caméra dans le cadre d’enquêtes judiciaires. Cette mesure fait partie d’une loi visant à modifier la procédure pénale

La technique des téléphones-mouchards est déjà utilisée par les services de renseignement, mais elle est désormais étendue à des enquêtes judiciaires, à condition d’avoir l’autorisation d’un juge. Elle doit également être limitée dans le temps : une période de 15 jours, renouvelable une fois. 

Géolocalisation possible pour les crimes et délits passibles de 5 ans d'emprisonnement 

Tous les citoyens ne sont pas concernés par cette intrusion. Puisque le téléphone pourra être activé à distance uniquement dans le cadre de certaines enquêtes judiciaires. La géolocalisation à distance peut concerner tout crime et délit passible d’au moins 5 ans de prison. La captation d’images et de son n’est possible que pour les enquêtes concernant les crimes organisés et le terrorisme, précise LCP.

Par ailleurs, certaines professions seront épargnées par cette nouvelle mesure : les avocats, les magistrats, les parlementaires, les médecins et les journalistes. Certaines professions travaillant également sur des sujets sensibles s’inquiètent de ne pas apparaître sur cette liste, à l’instar des chercheurs ou des journalistes non-détenteurs de la carte de presse, car c’est une condition pour être épargné par ces écoutes. 

La question (pas si risible) des sextoys 

Ces précautions ne rassurent pas la gauche de l’hémicycle qui a voté contre la loi, ni les organisations qui défendent les libertés numériques. Des députés LFI se sont notamment inquiétés du fait que tout objet connecté pourrait servir de mouchard. Y compris, a priori, les sex-toys. Un amendement visant à les exclure a été proposé par le député Ugo Bernalicis (LFI), avant d’être moqué par le ministre Eric Dupont-Moretti, qui ne voit pas bien techniquement comment c’est possible (il devrait lire de temps en temps la presse spécialisée). La multiplication d’objets connectés grand public, captant images et sons, méritait sans doute que l’on s’attarde sur cette question. 

Par ailleurs, d’autres inquiétudes concernent l’extension de la loi à d’autres infractions dans les années à venir. « L’expérience nous montre qu’une fois qu’une mesure est autorisée, des lois successives viennent ensuite élargir son périmètre », explique Noémie Levain, juriste pour La Quadrature du net, à Reporterre.

Drones, vidéosurveillance algorithmique et reconnaissance faciale

Si la loi irrite tant certains partis et observateurs, c’est aussi qu’elle s’ajoute à un arsenal technologique déjà bien fourni pour surveiller les citoyens en France. Le cas des drones tout d’abord qui malgré leur encadrement assez strict, sont très régulièrement utilisés pour survoler au-dessus d’événements de plus ou moins grande ampleur, autorisés par les préfectures. Autre outil récemment banalisé : la vidéosurveillance algorithmique, qui permet de détecter des comportements dits suspects dans l’espace public. En mars 2023, les députés votent pour son utilisation lors des JO de 2024. 

Enfin, la reconnaissance faciale – qui faisait pourtant figure d’épouvantail après une utilisation démesurée pendant la crise du Covid – fait un retour dans les textes de loi. Le 14 juin, le Sénat a voté un texte autorisant l’utilisation de la reconnaissance faciale dans l’espace public à titre d’expérimentation. « Le texte prévoit une exploitation a posteriori des images par les services de renseignement ou la police. Qui, de fait, existe déjà : en 2021, 498 871 requêtes ont été effectuées dans le traitement des antécédents judiciaires », notait le journaliste spécialiste de ces questions, Olivier Tesquet, sur Twitter. Mais la loi prévoit également son utilisation « à la seule fin d’assurer la sécurité de grands évènements sportifs, récréatifs ou culturels [...] particulièrement exposés à des risques d’actes de terrorisme. » Le texte doit être désormais examiné à l’Assemblée.

Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.

Discutez en temps réel, anonymement et en privé, avec une autre personne inspirée par cet article.

Viens on en parle !
Podacast : En immersion
commentaires

Participer à la conversation

Laisser un commentaire