
Absurdes, débiles ou carrément trash, elles ne reculent devant aucun excès pour capter notre attention, elles inondent nos réseaux sociaux. Comment naissent les publicités souvent trompeuses de jeux mobiles ?

Une femme battue et présentée comme moche et se refait une beauté pour plaire à son mari qui l’a rejetée, un criminel doit décider entre faire un plan à trois avec deux filles ou bien devenir le nouveau parrain de la mafia ou bien encore une jeune fille pète dans un jacuzzi et transforme ses amies en zombie… Vous êtes forcément tombé sur ces vidéos étranges, souvent trash et ultra sexistes censées faire la publicité d’un jeu vidéo sur mobile. On les trouve avant de regarder une vidéo YouTube, sur Facebook, intercalées entre deux posts Instagram ou Twitter. Elles se multiplient et se remarquent par leur mauvais goût. Un compte Twitter, intitulé Mobile Game Hell a décidé de toutes les recenser, pour notre plus grand plaisir.
Un marché juteux à 116 milliards de dollars
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ces pubs bas-de-plafond créées pour la plupart en interne par les studios de développement, ne représentent absolument pas le contenu des jeux dont elles parlent. Elles ont pour seul objectif d’attraper un maximum de (très) jeunes internautes et de les inciter à télécharger l'application. En découvrant qu’il ne s’agit pas du tout du même produit, une majorité d’entre eux la désinstalleront aussitôt. Mais ça n’est pas grave : les studios responsables de ces productions cherchent surtout à ferrer ce qu’on appelle les « baleines ». Il s’agit d’une extrême minorité de joueurs qui vont dépenser beaucoup d’argent pour arriver au bout du jeu. Cette stratégie est largement payante. En 2021, l’industrie du jeu vidéo sur mobile a généré 116 milliards de dollars. Rien qu’en février 2022, les joueurs les plus engagés ont dépensé 6,6 milliards de dollars en microtransactions. Il faut dire que la grande majorité de ces apps ont des mécaniques de gameplay très frustrantes qui limitent les utilisateurs dans leur progression. Ces derniers sont alors incités à dépenser pour débloquer plus de contenu et donc progresser plus rapidement. Ces mécanismes sont proches de ceux des machines à sous présentes dans les casinos. Elles présentent les mêmes problèmes éthiques.
Et l'Oscar du pire scénario est attribué à...
Pour attirer le chaland sur des jeux médiocres, dans un milieu extrêmement concurrentiel, les studios ont donc progressivement plongé dans une surenchère outrancière qui vire à l'absurde. Dés les premières secondes, les vidéos sont ultra sexualisées, mettent en avant des logiques d’humiliation, surtout vis-à-vis des femmes et utilisent un humour pipi caca sans limite. On retrouve souvent les mêmes « ficelles scénaristiques » comme par exemple celle de la femme qui doit se venger d’un mari qui l’a rejetée en se refaisant une beauté.
Le cas du « joueur idiot » est un autre scénario classique de ces publicités. La vidéo montre une énigme qui pourrait être résolue en deux secondes avec une accroche du type « seuls 9 % des joueurs vont réussir ». Un doigt censé représenter un joueur sur mobile tente plusieurs possibilités et rate à chaque fois son coup. L’idée est bien évidemment de flatter l’intelligence des spectateurs, mais aussi de les frustrer pour qu’ils aient envie de télécharger le jeu et de « faire mieux » que le joueur de la vidéo.
Il y a le sempiternel scénario à choix multiples, souvent mal traduit, censé promouvoir des jeux narratifs. Enfin, certains studios demandent à des influenceurs de faire semblant de commenter une partie sur un ton exagérément enjoué. Le youtubeur Rayton explique très bien comment fonctionne cette mise en scène souvent fort bien payée.
Toutes ces vidéos forment une « grammaire » du trash qui ne concerne d’ailleurs pas que les publicités pour jeux mobiles. Le journaliste de BFMTV Raphael Grably a mis en avant la troisième vidéo la plus regardée sur Facebook par les Français. Il s’agit d’une pub outrancière se moquant allègrement des femmes obèses et faisant la promotion d’une page intitulée « femme heureuse » et dont le but semble être de provoquer le clic.
Briser le 4ème mur
On connaît tous le fameux adage de Friedrich Nietzsche : « Si tu plonges longtemps ton regard dans l’abîme, l’abîme te regarde aussi. » Cette citation pourrait s’appliquer aux pubs pour jeux mobiles qui sont presque devenues conscientes d’elles-mêmes. Il n’est donc pas rare de tomber sur une vidéo qui « dénonce » ces publicités trompeuses pour mieux vous vendre un jeu basé sur une mécanique de play to earn (jouer pour gagner de l’argent).
Un acteur se détache toutefois du reste du peloton. Il s’agit de Merge Mansion, un jeu plutôt quelconque dont les publicités sont des petits bijoux d’inventivité et d’absurde. On y voit une jeune fille tenter de parler à sa mystérieuse grand-mère qui fait tout pour éviter une confrontation. Le contenu de ces saynètes n’a bien évidemment rien à voir avec le produit final, mais à ce niveau de qualité, on est prêt à passer l’éponge.
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