Twitter s’enthousiasme pour @RedTheBot, un bot censé donner l’orientation politique d’un message. Est-ce que cela marche vraiment ? Son créateur a bien voulu répondre à nos questions. 

« @RedTheBot, analyse ce tweet ». Depuis quelques mois, les twittos répètent cette formule ad nauseam généralement en-dessous d’un tweet polémique. Pour quoi faire ? Pour activer un bot qui se prétend être spécialisé dans « l’analyse politique de Tweet ».  Les résultats sont assez amusants, mais on voudrait bien savoir s'ils sont réellement fiables. Même son créateur semble penser que... "c'est plus compliqué que ça".

Concrètement, @RedTheBot est une petite IA qui va chercher les cent derniers comptes ayant likés un tweet. À partir de là, elle passe en revue leurs abonnés pour y retrouver d'éventuelles personnalités politiques ou médiatiques. @RedTheBot affiche alors le top 10 de ces personnalités et le tout serait censé donner l’orientation politique de l’auteur du tweet original. Vous n'êtes pas certain d'avoir compris ? Ne vous inquiétez pas... c'est le cas de la très grande majorité des twittos.

1 500 « invocations » par jour

Mais dans le contexte de Twitter, on comprend pourquoi un tel outil a la cote. En invoquant le bot, on peut montrer que l’auteur du tweet est majoritairement liké par des gens qui suivent surtout des personnalités d’extrême droite, d’extrême gauche ou du centre. Dans le milieu militant, cette fonctionnalité est très souvent utilisée pour disqualifier un tweet ainsi que son auteur qui est immédiatement classé dans une case politique. RedTheBot possède aussi un aspect ludique. L’invoquer est presque devenu une blague ou un mème que l’on va faire pour tout tweet dépassant les 100 likes. Pour le moment, le compte est mentionné 1 500 fois par jour en moyenne. Un chiffre qui pourrait grossir en vue de la présidentielle. 

Une liste de 170 personnalités suivies

Le créateur de @RedTheBot, Redouane, est un ingénieur en informatique de 30 ans qui aime s’amuser avec de la donnée Twitter sur son temps libre. Il n’avait pas anticipé le succès de sa fonctionnalité. Pendant longtemps, @RedTheBot se contentait de raconter des blagues ou de corriger des fautes d’orthographe. Pas de quoi percer. Et puis il y a 4 mois, il décide de se lancer sur un projet politique. « Ce n’est pas un sujet qui m’intéresse vraiment, explique-t-il, mais je voyais souvent passer des tweets à connotation politique sur le réseau et je trouvais que les propos n’étaient pas toujours très clairs. On sait rarement d’où les gens parlent, qui les suivent, s’ils véhiculent plus des idées de droite ou de gauche. Du coup je me suis dit que ça pourrait être intéressant de tâcher de montrer leur orientation politique ». 

Pour cela, @RedTheBot se base essentiellement sur cette liste de « personnalités suivies » qui a été réalisée par Redouane lui-même. « Pour le moment c’est une liste finie de 170 comptes certifiés qui ont été sélectionnés de manière subjective pour représenter les différents points de vue politiques, explique-t-il. On y trouve surtout des hommes politiques ou des gens des médias permettant de voir si le tweet est plus liké par l’extrême droite, la gauche du type France Insoumise ou bien par les soutiens du gouvernement. »

À côté de la plaque

Le succès de @RedTheBot ne doit toutefois pas éclipser le fait que l’IA reste très limitée. Redouane reconnaît lui-même que sa méthodologie est imparfaite. « Je dois limiter mon analyse à une centaine de comptes, car sinon ça me demanderait trop de ressources, explique-t-il. Ça veut dire qu’un tweet qui a été liké plus de 10 000 fois n’est analysé que sur une centaine de likes, ce qui est sans doute léger. » Au-delà de la méthode, @RedTheBot peut aussi générer de faux positifs dans l’interprétation de ses résultats. Il est possible qu’un tweet en particulier soit liké par des utilisateurs majoritairement classés à l’extrême droite par exemple, sans que l’auteur original du tweet se revendique lui-même de ce bord politique. 

C’est ici la grosse limite du bot et que les utilisateurs semblent ignorer. Redouane a d’ailleurs publié un article médium, peu lu selon lui, pour prévenir des limites de sa création. Mais il reconnaît aussi une certaine impuissance dans ce domaine. « Je sais que les données utilisées par le bot sont fiables, mais je ne rentre pas dans tout ce qui est interprétation, précise-t-il.  Tout le monde est libre de penser qu'une personne est d'extrême droite si elle est suivie par des personnes d'extrême droite. Est-ce que c'est vrai ? Est-ce que c'est faux ? Je n’ai pas trop envie d'y penser en fait. Moi, je suis là juste pour proposer ces informations. »

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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