La foodtech européenne a attiré plus de 9,5 milliards d’euros d’investissements selon le rapport de DigitalFoodLab. C'est trois fois plus que l'année d'avant.
Après un an de stagnation, la foodtech européenne a particulièrement attiré l'œil (et le portefeuille) des investisseurs en 2021, pointe le nouveau rapport du cabinet d’étude DigitalFoodLab. « Il y a quelque chose de spécifique en Europe, estime Matthieu Vincent, cofondateur de DigitalFoodLab. les investissements ont été multipliés par 3, contre 2,5 à l’échelle mondiale. » Tour d’horizon des tendances à tirer de ces multiples levées de fonds.
L’explosion (illusoire ? ) du quick commerce
67 % des investissements dans la foodtech européenne concernent le seul secteur de la livraison. Et une bonne partie va aux services dits de quick commerce, la livraison de course en quinze minutes, qui a raflé 2,9 milliards d’euros avec notamment les levées records de Gorillas et Flink : environ 1 milliard d’euros chacune. « C’est du jamais vu, surtout sur un secteur aussi récent », estime Matthieu Vincent. Le secteur se consolide à grande vitesse avec plusieurs acquisitions (celles de Glovo et Volt) et des entrées aux capitaux de gros acteurs (Carrefour qui a investi dans Cajoo, par exemple).
Le quick commerce attire les gros sous, mais il s’est aussi vite fait repérer par les régulateurs. Plusieurs villes en France comme Paris, Lyon et Rouen commencent à élever la voix contre les dark stores, les entrepôts de ces acteurs qui se sont parfois installés illégalement dans les centres-villes. Par ailleurs, ce modèle qui lève des milliards est loin d’être rentable et brûle beaucoup de cash. Multiplier ses dark stores et les coupons de réduction afin d’attirer de nouveaux clients coûte cher et ne rapporte pas lourd.
L’explosion du quick commerce a tendance à masquer de nouvelles tendances de livraison comme les repas prêts à préparer de Gousto ou prêts à manger et 100 % végans de Allplants.
Les protéines alternatives se multiplient
La foodscience – les nouveaux produits alimentaires – est la seconde catégorie (loin) derrière la livraison avec 960 millions d'euros levés en 2021 pour les startups européennes de ce secteur. Mais c’est elle aussi qui totalise le plus grand nombre d’investissements. Les stars de ces nouveaux produits restent les protéines alternatives. DigitalFoodLab note la diversité de technologies existantes dans ce domaine : entre les substituts à base de plantes du suisse Planted ou du français La Vie, la viande cultivée en laboratoire du néerlandais Mosa Meat, ou encore la fermentation de précision du britannique Formo. Les investissements dans ces nouveaux produits pourraient s’accélérer davantage dans les années à venir pour que les nouveaux concepts passent en phase d’industrialisation, projette le rapport.
Retour de bâton pour les cloud kitchens et restaurants virtuels ?
C’était l’un des modèles en vogue durant les premiers temps de la pandémie : les restaurants virtuels et leurs cuisines fantômes (ou cloud kitchens) qui préparent des repas uniquement pour les plateformes de livraison. Tantôt pour des restaurants ayant pignon sur rue, tantôt pour des marques 100 % virtuelles créées from scratch en quelques semaines. Mais cette catégorie rencontre des difficultés en Europe suite à l'assouplissement des règles sanitaires. Alors qu’aux États-Unis les investissements dans les cloud kitchens continuent de croître, note DigitalFoodLab. Certains acteurs ont dû légèrement revoir leur modèle. À l’instar de « Taster et Not So Dark, qui ont levé en début d’année pour ensuite changer leur modèle, qui était a priori d’ouvrir des cuisines qu’ils géreraient eux-mêmes vers un modèle de franchise où ils "louent" leurs marques à des restaurants indépendants qui préparent les repas des marques Taster et Not So Dark dans leur propre cuisine », pointe Matthieu Vincent.
En revanche, les cantines virtuelles comme Foodles bénéficient-elles d’un boom de leur demande. Cette startup française, qui a levé 31 millions d’euros fin 2021, propose des frigos connectés installés dans des entreprises (en remplacement ou en complément d’une cantine).
Moins voyant mais plus utile : la numérisation des restaurateurs reprend du service
C’est un secteur moins gourmand en matière d’investissement que le quick commerce, et moins « révolutionnaire » en apparence que les cloud kitchens, mais il attire un certain nombre de nouvelles startups prometteuses et totalise tout de même 850 millions d’euros d’investissements. « L’intérêt pour ce secteur avait commencé avant la pandémie, puis avait été mis sur pause, mais il est reparti en 2021 », observe Matthieu Vincent. On y trouve des entreprises comme Choco, une plateforme allemande de mise en relation des restaurateurs, traiteurs, boulangers… avec les fournisseurs. Ou la nouvelle licorne irlandaise Flipdish, qui permet aux restaurateurs de gérer leurs propres livraisons sans avoir à passer par les grosses plateformes.
« Ce sont des startups qui répondent à des demandes simples des restaurateurs comme de passer commande avec un smartphone, service qui n’était pas possible avec les acteurs traditionnels », commente Matthieu Vincent.
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