
Nous voilà bel et bien dans l'ère de la surveillance de masse. Si vous en doutiez encore, les rassemblements contre les violences policières aux États-Unis en sont une nouvelle preuve. Ils sont le théâtre d’un déploiement de technologies orwelliennes.
Les drones pour contrôler les rassemblements
Le 29 mai, le journaliste Jason Paladino signalait sur Twitter la présence d’un drone Predator, un appareil normalement dédié aux opérations militaires. L’engin a survolé la ville de Minneapolis pendant près d’une heure trente lors d’une manifestation en soutien à George Floyd. L’information a fait le tour du web provoquant un vent d’inquiétude. D’autant que, coïncidence, le même jour, Donald Trump suggérait sur Twitter que l’ordre de tirer pourrait être donné contre les manifestants de Minneapolis. Le drone n’était toutefois pas armé. Le service des douanes et de la protection des frontières, propriétaire de l'engin, a répondu qu’il captait une vidéo en direct afin d’aider la police fédérale à mieux appréhender la situation. Les Predator sont équipés de caméras pouvant capturer des images à plus de 7 500 mètres de hauteur. L’engin n’est en fait que la partie visible de l’iceberg, estime le media OneZero. Selon son décompte, 1 100 agences de police américaines sont équipées de drones.
NOW: @CBP Predator Drone #CPB104 circling over Minneapolis at 20K feet. Took off from Grand Forks Air Force Base. #Minneapolisprotests #surveillance #planespotting pic.twitter.com/hVYF4GXe1Y
— Jason Paladino (@jason_paladino) May 29, 2020
Une flopée de caméras de surveillance
Certaines sont directement fixées sur les tenues des policiers présents lors des manifestations, d’autres sur des feux de circulation, ou sur le toit des voitures de police. L’ONG Electric Frontier Foundation (qui défend la protection des libertés sur internet) en fait l’inventaire dans un billet de blog. La police américaine utiliserait également des images capturées par les sonnettes d’Amazon Ring. En 2019, plusieurs médias avaient montré l’existence de contrats entre Ring et plus de 400 services de police américains.
Les réseaux sociaux pour faciliter la dénonciation
Les forces de l'ordre peuvent également puiser dans la mine d’images publiées par les manifestants eux-mêmes sur les réseaux sociaux. Plusieurs services de police dont celui de Seattle ont lancé des appels pour obtenir des images d’infractions commises pendant les rassemblements. Le réseau social NextDoor, qui réunit les voisins d’un même quartier, est notamment utilisé. La fonctionnalité « Forward to Police » (créée en 2016) permet aux utilisateurs de transmettre leurs publications aux forces de l’ordre. De quoi dénoncer en toute facilité. La police de Dallas a développé une application baptisée iWatch Dallas app permettant aux internautes de signaler les manifestants enfreignant la loi. C’était sans compter sur la riposte des amateurs de K-pop (oui, vous avez bien lu). Ces derniers ont inondé l’application d’images de leurs artistes préférés afin de troller cette opération de surveillance de masse. Un jour plus tard, la police de Dallas annonçait que l’application était indisponible à cause d’ « un problème technique ».
guys download the app and fucking FLOOD that shit with fancams make it SO HARD for them to find anything besides our faves dancing https://t.co/zqjVHLWnZG
— allie ? #BLM, ACAB (@YGSHlT) May 31, 2020
La reconnaissance faciale pour identifier les manifestants
Toutes les images récoltées via les drones, caméras de surveillance et réseaux sociaux prennent de la valeur lorsqu’elles passent à la moulinette de la reconnaissance faciale. Cette dernière permet d’identifier une personne en comparant sa photo aux images disponibles sur le web et dans les bases de données des services de police. Il est difficile de savoir précisément quelle usage la police américaine a de cette technologie. Aucune loi ne l’oblige à être transparente à ce sujet, rappelle le blog The LowDown.
En février 2020, Buzzfeed prouvait que Clearview AI, fournisseur de logiciels de reconnaissance faciale, travaillait avec plusieurs centaines de services de police américains. Le media OneZero a lui obtenu des documents montrant que certaines villes dont Los Angeles, New York et Chicago ont signé des contrats avec la société Dataworks Plus, qui développe le même type de systèmes. Plus récemment lors d’une conférence de presse virtuelle, le commissaire d’Harrisburg en Pennsylvanie a affirmé que la reconnaissance faciale pourrait permettre d’identifier la femme qui a brisé la fenêtre d’une voiture de police et frappé un policier lors d’une manifestation.
Et en France ? Drones et caméras de surveillance sont également utilisés pour surveiller les manifestations. La Quadrature du net s'inquiète de l'importante progression des technologies de surveillance policière suite à la crise du Covid. Cette dernière a banalisé l'usage de drone pour contrôler le confinement, de caméras intelligentes pour vérifier le port du masque etc.
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