Ils sont paralysés, aveugles ou atteints de Parkinson – et ce sont tous des cyborgs. Le documentaire I am Human projeté le 2 mai 2019 au festival de Tribeca à New-York dresse leur portrait et suit les expérimentations médicales destinées à réparer ou augmenter leur cerveau. Entre espoir médical et espoirs transhumanistes d’entrepreneurs de la tech, c'est fascinant... et angoissant.
Deux gros boulons ressortent du crâne de Bill. Ils permettent de fixer les câbles qui relient les électrodes placées dans son cerveau à un ordinateur. Bill n’est pas un personnage de science-fiction. Il est l’un des protagonistes du documentaire I am Human, réalisé par Taryn Southern et Elena Gaby, projeté pour la première fois au festival de Tribeca à New-York le 2 mai.
Permettre aux personnes tétraplégiques de bouger à nouveau
Bill, la cinquantaine, est devenu tétraplégique suite à un accident de bicyclette. Il est paralysé du buste jusqu’aux pieds. Son seul espoir de bouger de nouveau un membre : une expérience « façon Star Trek » selon ses propres mots. Il teste le système mis au point par un laboratoire de neuro-sciences. Celui-ci permet de capter les signaux envoyés par son cerveau lorsqu’il a l’intention de faire un mouvement et de les transmettre aux électrodes qui se trouvent dans son bras droit. Le but de cette expérimentation, qui dure depuis plusieurs mois, est de redonner à Bill une partie de l’usage de son bras et de sa main.
Le documentaire suit aussi le quotidien d’Anne, atteinte de la maladie de Parkinson. Elle a également accepté une chirurgie cérébrale lourde pour qu’on lui implante des électrodes. En stimulant certaines zones de son cerveau, cette méthode expérimentale promet d’alléger ses symptômes.
Stephen, troisième protagoniste du film, est devenu aveugle du jour au lendemain à cause d’une maladie dormante depuis sa naissance. Il pourrait, grâce à un implant placé derrière son œil et relié à des électrodes dans son cerveau, retrouver une vue artificielle partielle.
Un million de cyborgs en 2029
Bill, Anne et Stephen font partie des centaines de milliers de patients déjà équipés d’interfaces cerveau-machine. Ils sont les premiers cyborgs, en quelque sorte. En 2029, des experts prévoient que leur nombre atteindra plus d’un million.
Le documentaire suit et interroge ces trois patients, et les médecins et ingénieurs qui les accompagnent. De la difficile décision de l’opération aux toutes premières expérimentations en passant par leurs questionnements philosophiques. On regarde, ému, les protagonistes retrouver une partie de leur capacité perdue. Mais on découvre aussi, effrayé, que ces technologies n’attirent pas seulement patients et médecins.
Un multi-millionnaire veut « débloquer le cerveau »
Elles sont aussi prisées par des entrepreneurs de la tech qui veulent doter les humains de superpouvoirs. À l’image de Bryan Johnson, le fondateur multi-millionnaire de Kernel, une entreprise qui développe des interfaces neuronales. Il considère que nous sommes à l’aube de la prochaine « révolution de la race humaine » et que celle-ci se passera dans le cerveau. Les technologies qu’il imagine permettront, selon lui, de « débloquer le cerveau » et d’ « étendre nos capacités cognitives » – nous pourrions comprendre ce que ressent quelqu’un d’autre par exemple.
Ce n’est pas le seul à vouloir « débloquer le cerveau ». Elon Musk, PDG de Tesla, et Mark Zuckerberg ont déjà annoncé leur intention de créer des interfaces cerveau-machine. L’un des neuroscientifiques interrogés dans le film rappelle que l’algorithme le plus puissant à ce jour pour déchiffrer le cerveau vient de… Google.
La révolution des interfaces cerveau-machine est déjà en route
Ce n’est pas demain la veille que le commun des mortels sera doté d’un implant lui permettant de lire les pensées de l’autre ou de se sentir plus confiant. Mais les réalisatrices du documentaire suggèrent que l’on s’y intéresse dès maintenant. Car la révolution des interfaces cerveau-machine est déjà en route – certains objets connectés mesurent les signaux électriques simples du cerveau – et change notre manière d’être humain. La question est soulevée par Nita Farahany, professeure de droit et de philosophie qui apparaît dans le documentaire. « Combien d’entre vous ont l’impression que leur « moi profond » se trouve dans le cerveau ? », demande-t-elle à ses élèves. Un certain nombre de mains se lèvent. « Que se passe-t-il si on implante des équipements à l’intérieur de votre cerveau ? Qui y a accès ? Qui peut les changer ? Quelle protection avez-vous ? Quelle protection voulez-vous ? Vous êtes mal à l’aise ? Pourtant, c’est la direction que nous sommes en train de prendre. » Glaçant.
La réalisation grandiloquente d’I am Human, à base de musiques mélodramatiques inquiétantes et de propos prophétiques, peut parfois agacer. Mais il faut quand même regarder ce documentaire qui pose d’intéressantes questions sur la définition de l’espèce humaine face à l’avènement des neuro-technologies.
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