
Des sociétés comme Neuralink (Elon Musk), Facebook Brain8 ou Google Brain en font leur promesse : demain il sera possible d’allumer la télévision, la radio ou d’ouvrir sa voiture par la pensée en se connectant à un réseau Internet local. Alors, le brainternet : science ou fiction ?
Dans les années 1980, l’auteur de science-fiction Iain M Banks imagine le « neural lace », un implant cérébral pour relier les cerveaux entre eux. En mars 2017, Elon Musk s’inspire de la fiction pour lancer Neuralink, une société dont la promesse est de concrétiser ce projet de cordon neuronal.
A peu près au même moment, Marck Zuckerberg dévoile son intention de créer une interface cerveau-machine au sein de la cellule de recherche fondamentale de Facebook : Building 8 (B8). Pour Elon Musk cependant, l'enjeu est plus vaste : il souhaite augmenter les capacités cérébrales et cognitives de l’humain pour le doter d’outils performants face aux intelligences artificielles.
En septembre 2017, une équipe de chercheurs de la Wits University à Johannesburg double tout le monde avec l'annonce du projet Brainternet : ils parviennent à connecter les signaux électriques émis par un cerveau humain à un petit ordinateur Raspberry Pi, ouvrant ainsi la possibilité d’observer l’activité cérébrale via le réseau.
L’homme n’a jamais été aussi près de réaliser son rêve d’établir un continuum entre le biologique et le technologique. Alors, demain, le cerveau sera-t-il un objet connecté comme les autres, un simple nœud dans le monde plus vaste du World Wide Web ? Pourquoi vouloir à tout prix connecter les cerveaux entre eux ? Quelles sont les applications possibles et les enjeux éthiques ?
L’homme qui contrôlait le cerveau des singes
Comme souvent lorsqu’on parle de « nouvelles technologies », l’intention ne l’est pas complètement : le concept d’ICM - interface cerveau-machine date des années 1970 et les premières recherches en laboratoire ont débuté à la fin des années 1990.
Elles se développent en parallèle de champs d’étude comme les neurosciences, l’observation de l’activité cérébrale, et les découvertes concernant la plasticité cérébrale. Les premiers protocoles expérimentaux sont effectués par le professeur Miguel Nicolelis, au Brésil au début des années 2000, sur des crânes de rats et de singes.
En 2008 grâce à un implant placé dans le cerveau d’un singe, il réussit à faire en sorte que l’animal contrôle à distance un bras robotisé situé... au Japon !
Le cerveau rencontre l’Internet des objets
Depuis quelques années, l’objectif des chercheurs est de recueillir le signal électrique produit par le cerveau humain et de parvenir à l’associer à l’intention exprimée par la personne. Pour cela, ils ont mis au point des implants cérébraux avec stimulation électrique profonde.
Tout l’enjeu est d’associer les signaux émis à des zones précises et à des fonctions. Cette deuxième étape nécessite des compétences en machine learning, un autre champ scientifique qui connaît des avancées sans précédent. L’objectif est ensuite de re-router les influx nerveux pour permettre une interaction avec les machines.
Des applications principalement médicales et thérapeutiques
En laboratoire, le développement des recherches sur le fonctionnement du cerveau et des implants a des objectifs thérapeutiques : les impulsions électriques permettent de stimuler les personnes atteintes de maladie de Parkinson, les individus déprimés chroniquement ou encore ceux qui souffrent de troubles obsessionnels compulsifs. Ces recherches constituent également une perspective formidable pour les personnes lourdement paralysées, ou amputées : les neuro-prothèses pourraient leur permettre de bouger à nouveau.
Interrogé dans l’émission La Méthode scientifique sur France Culture, le chercheur Jérémie Mattout insiste cependant sur plusieurs limites importantes : « Pour parvenir à des résultats viables il faut encore inventer des capteurs bio-compatibles que l’on puisse laisser longtemps dans le cortex. Il faut aussi comprendre quelles régions implanter pour un bon décodage, et enfin il faut un retour de signal de qualité ».
Quant à son collègue Fabrizio de Vico Fallani, il précise qu’à ce jour aucune expérience n’a été menée sans assistance et supervision : « Aujourd’hui on a des expériences où le cerveau et la machine s’hybrident, l’impulsion est déclenchée par le cerveau et relayée par un bras robot mais on doit encore travailler sur la manière de réguler la pression de la main par exemple, pour ne pas broyer un objet. Et quand la démonstration est faite, c’est toujours de manière très contrôlée, en laboratoire.»
Mais alors, allumer l’interrupteur ou effectuer ses recherches en ligne par la simple pensée c’est pour quand ?
Brainternet : la nouvelle frontière ?
« Il pourrait être possible pour moi de penser en mandarin et pour vous de ressentir immédiatement en espagnol »
Regina Dugan
(Ancienne responsable de la cellule Building8 de Facebook)
Aujourd’hui les grandes entreprises privées se sont également lancées dans la course à la recherche fondamentale. Google souhaite par exemple décrypter les causes du vieillissement en analysant le génome. Avec Brain8 (B8), Marc Zuckerberg envisage de créer une interface pour que les cerveaux puissent communiquer entre eux par la pensée. Quant à Elon Musk et son projet Neuralink, l’idée n’est pas seulement de connecter les cerveaux humains aux machines; l’entrepreneur entend doter l’Homme de capacités cérébrales et cognitives supérieures pour lui offrir la possibilité de s’augmenter. Il imagine même que nous pourrons à terme sauvegarder nos souvenirs sur un disque dur externe.
« Dans ce projet d’Elon Musk il y a plus de fiction que de science »
Jean Gabriel Ganascia
Pour Jean-Gabriel Ganascia ((Informaticien spécialiste de l'IA et professeur à l'Université Pierre et Marie Curie, membre du conseil Scientifique de l’Observatoire B2V des Mémoires), ces annonces relèvent pour le moment plus de la fiction que de la science : « Si on greffe un disque dur sur un cerveau, il faut déjà comprendre comment sont codées les informations dans le cerveau. Ensuite il faudrait savoir où se situe la mémoire pour savoir où brancher le disque dur. Or il n’y a pas une seule forme de mémoire unique, il y en a plusieurs types : photographique, procédurière… »
Pour ce professeur spécialiste de l’intelligence artificielle (IA), qui appelle d’ailleurs à démythifier les annonces faites autour de l’IA et de ses prédictions, il faut faire la distinction entre les effets d’annonce ronflants et l’état actuel de la recherche fondamentale et appliquée. Et de s’interroger sur les scrupules éthiques des géants du net, qui semblent à la fois pompiers et pyromanes, et en agitant des peurs qui nous masquent les vrais dangers...
Bref, allumer un interrupteur par la pensée ce n'est pas encore pour après-demain !
© Sonia Rentsch
[…] peut espérer qu’à moyen terme les puces neuronales imaginées par Elon Musk [ndlr : qui permettraient d’augmenter nos capacités cognitives] […]
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