Pour éviter un crash aérien, les chercheurs analysent le comportement du cerveau des pilotes. L’ambition est de créer un cockpit adapté à leur fonctionnement neuronal.
La peur panique des compagnies aériennes est le crash. Pour éviter les drames, l’analyse se porte sur le pilote et sa capacité à faire le bon geste au bon moment. Non pas le mouvement le plus rapide, le plus inné ou le meilleur grâce aux nombreuses heures de vol mais celui qui sera le plus logique pour le cerveau.
Des chercheurs basés à Toulouse, au sein de l’Institut supérieur de l'aéronautique et de l'espace, tentent actuellement d’identifier les meilleurs moyens de limiter l’erreur humaine. Leurs travaux portent sur l’analyse comportementale de certaines parties du cerveau et les mécanismes neuronaux qui, fatalement, vont conduire à l'accident.
Ces travaux aboutissent à un constat clair : l’activité cérébrale peut servir à établir de bonnes pratiques de pilotage. Pour ce faire, les chercheurs développent des interfaces hommes-machines également appelées BCI (pour Brain Computer Interface) dont la vocation est d’établir un dialogue homme-machine.
Le cerveau parle, et dit beaucoup de choses
« L’erreur humaine est souvent provoquée par un état psychologique particulier. Mais la psychologie n’explique pas tout. Le cerveau livre des informations sur la capacité d’un pilote à comprendre le danger ou une situation complexe et à explorer les solutions qui se présentent à lui » nous explique Frédéric Dehais, enseignant-chercheur à l'ISAE Supaero et expert en neuroergonomie pour la sécurité aérienne.
Si un pilote n’a pas réalisé le bon geste au moment, ce n’est donc pas par manque d’expérience mais parce que son cerveau a été saturé d’informations. Dans une situation critique, un capitaine de vol peut en effet ne pas entendre les alarmes qui ululent dans son cockpit. Il sera concentré sur son pilotage ou sur un problème plus urgent sans comprendre qu’un autre risque de survenir.
Vous êtes perdus ? c’est normal. Pour comprendre, prenez l’exemple d’un conducteur qui discute au volant de son automobile avec son passager. Une situation dangereuse se profile à plusieurs mètres, le conducteur va se concentrer sur son freinage, anticiper les moyens d’éviter l’accident et parer au plus pressé. Pendant ce temps nécessaire, il va totalement occulter la conversation avec son passager.
Son comportement est la résultante de son activité cérébrale qui va hiérarchiser les tâches. Dans le cas d’un pilote d’avion, son cortex préfrontal va s’éteindre, coupant toute capacité à littéralement entendre une alarme sonore. « Nos propres simulations, lorsque nous avons mis des pilotes en situation très difficile, ont démontré que dans 30% des cas, les pilotes disent ne pas avoir entendu d’alarme car leur cerveau préfrontal s’était éteint. Ils n’entendaient donc pas, car ils s’étaient concentrés sur un point plus urgent », précise le chercheur.
Un cerveau connecté à la machine
Pour prévenir les accidents, le cockpit du futur agira comme une sorte d’écosystème avec le navigant. L’habitacle sera davantage truffé de capteurs dont l’objectif est d’interagir plus directement avec l’humain. On parle par exemple de moyens de déterminer la manière dont le pilote tient son manche pour déterminer sa fatigue. En gros, la machine sait déterminer s’il tient réellement la barre ou s’il se laisse porter par elle. Dans ce dernier cas, ce sera un signe évident de fatigue.
Autre avancée. Le commandant de bord est amené à être doté d’oreillettes. Ces dernières, en contact direct avec l’os extérieur de l’oreille vont communiquer plus rapidement à la partie du cerveau concernée pour envoyer une alerte, un point à surveiller, une attention à conserver… Bardé de ces éléments censés l’alerter en temps réel au plus proche de son activité cérébrale, le pilote va ainsi être capable de réagir au mieux.
Le principe directeur de ces travaux est donc de rendre les navigateurs plus efficaces, moins sujets aux erreurs. L’idée n’est pas de les remplacer même si certaines compagnies aériennes réfléchissent à la suppression du co-pilote ou aux moyens de rendre les avions autonomes.
Vers des taxis volants autonomes ultra sécurisés ?
« En 2009, un pilote américain a posé son Airbus sur l’Hudson river. Il y avait une avarie sur son appareil qui l’a poussé à faire un choix. Plus tard, des simulations ont montré que ce n’était pas la meilleure des stratégies. Il aurait en effet pu se diriger vers un aéroport proche. Mais personne n’était à sa place et ne peut prédire ce qu’il aurait fait. Il a choisi une option et aucune perte humaine n’a été engendrée. Dans ce cas, le robot ne peut pas remplacer un humain, même si celui-ci n’opte pas pour la meilleure voie », explique Frédéric Dehais.
The Lilium Jet – The world's first all-electric VTOL jet
Pour autant, ces interfaces homme-machine sont appelées à aller au-delà de l’aéronautique et atteindre l’automobile, les trains ou bien encore les systèmes de contrôle de la sécurité nucléaire, les réseaux à risque… Ces mêmes questionnements vont ainsi se poser consécutivement au développement des véhicules autonomes, y compris volants. « Dans la mesure où ces engins seront davantage automatisés, le contrôle humain devra être plus précis, rapide et intuitif », ironise le chercheur. A l’avenir, les véhicules seront donc éventuellement pleinement autonomes, intelligents, bref bons à tout faire, à condition que leur propriétaire puisse reprendre la main en un rien de temps.
Participer à la conversation