Memes-factory

Pump.fun, l'usine à crypto-mèmes qui engrange des millions de dollars

Pour quelques dollars et quelques clics, Pump.fun permet de lancer des memecoins. Une véritable usine à crypto-blagues, où les utilisateurs sont attirés par un mélange de cupidité et de goût du « fun ». 

À peine connecté sur Pump.fun, on est assailli d’images flashy et de bannières clignotantes qui rappellent l’âge d’or du wizz et l’époque de MSN. En guise d’acceptation des conditions d’utilisation, il faut cliquer sur un bouton d’accueil « I’m ready to pump ». Comprenez : je suis prêt à spéculer. Dans la cryptosphère, en effet, le « pump » désigne l’explosion soudaine et brutale d’une cryptomonnaie à la hausse. Sauf que sur Pump.fun, les cryptomonnaies sont des mèmes. Des centaines de milliers de mèmes. 

À contre-courant des projets sérieux qui promettent de révolutionner la finance grâce à la blockchain, Pump.fun fait le pari inverse : ouvrir un espace sur Internet pour trader des mèmes, sans autre but que celui de « s’amuser ». Pour jouer, il suffit d’insérer un coin dans la machine. En l’occurrence, du Solana, une cryptomonnaie prisée pour sa rapidité d’échange et ses faibles frais. Bienvenue dans le monde des « pumpers ». Ce qui les motive ? La même chose que les créateurs de mèmes Internet, le fun. L’argent (virtuel) en plus. 

Devenir développeur de crypto-mème en 2 minutes 

La particularité de Pump, c’est qu’au-delà de la simple plateforme de trading, le site recrée la recette qui a fait le succès des réseaux sociaux : rendre les utilisateurs complices et accros, en les incitant à créer eux-mêmes du contenu. Fort de ses 130 000 abonnés, le compte X de Pump.fun résume son produit : « Launch a coin that is instantly tradeable for under $2 in one click » (Lancez une pièce instantanément échangeable pour moins de 2 $ en un clic). Alors que la finance décentralisée est difficile à maîtriser, pump.fun propose un outil clé en main au design enfantin. En deux minutes, n’importe qui peut ainsi se targuer d’être « développeur de cryptomonnaie » après avoir créé son petit monstre cryptographique. Ensuite, il suffit de croiser les doigts et d’espérer que d’autres traders l’achètent pour qu’il « pump ». 

Car dans cet étrange PMU du futur, la concurrence est acharnée. Les tokens défilent à l’infini, comme sur une machine à sous, et nourrissent ce qui ressemble à un réseau social pour traders attardés. À l’instar de TikTok, la plateforme a en effet développé un algorithme qui recommande des memecoins selon votre profil, et vous propose des amis virtuels en fonction de vos affinités. Dans le chat, les discussions de comptoirs ne volent pas haut et se focalisent sur le potentiel multiplicateur des cryptomonnaies. Qui sait, peut-être que derrière ce token de chat déguisé en Batman se cache la prochaine pépite qui vous rendra riche ?  

Les mèmes surfent sur les tendances. Pendant les Jeux olympiques de Paris, les cryptos thématiques ont fleuri au gré des exploits des champions et des polémiques. Des memecoin comme « blue french guy » ou « cool turkish hitman » se sont hissés dans le top du classement des tokens les plus populaires, en atteignant plusieurs centaines de milliers de dollars. Ce qui fait le succès d’un memecoin ? Difficile à dire. Car ce grand fourre-tout, les variations des cours ne semblent répondre à aucune logique. D’autant que le site est envahi par des comptes de bots, des robots de trading bricolés par les plus débrouillards pour se faire un billet. 

15 000 cryptos par jour : quand l’usine à memecoin tourne à plein régime 

« Pump, c’est pour faire du volume » résume le trader Rusk0f au média The Big Whale. Traduction : Il vaut mieux miser sur 100 tokens pour espérer tirer un seul ticket gagnant. Car en réalité, très peu de ces memecoins bon marché dépassent les quelques milliers de dollars de capitalisation, contrairement au Dogecoin ou au PEPE, ces memecoins historiques qui pèsent plusieurs milliards. Pump.fun privilégie clairement la quantité au détriment de la « qualité ». En tout, 1,6 million de cryptomonnaies ont été créées par les utilisateurs depuis le lancement de la plateforme en janvier 2024. 

Parmi elles, seules quelques « élues » (1%) finissent par prendre leur envol et atterrissent sur des plateformes d’échange reconnues comme Binance ou Coinbase, synonyme de jackpot pour les investisseurs. Un trader ayant misé sur le $BILLY, cryptomonnaie en l’honneur d’un petit chien mignon, a ainsi vu sa mise passer de « 900$ à 100 000$ », rapporte le New York Times. Mais le revers de la médaille du « pump », c’est le « dump » : l’effondrement brutal du cours de la cryptomonnaie. Un sort qui concerne au moins 99% des investisseurs. 

100 millions de dollars de profits en 6 mois : le bon filon de Pump.fun 

Le vrai gagnant, comme souvent, se trouve du côté du casino. Sous ses airs déjantés, Pump.fun mène un business bien rodé, particulièrement lucratif. Depuis avril 2024, l’entreprise a réalisé un profit quotidien oscillant entre 500 000 et 2 millions de dollars par jour. Soit presque 100 millions de dollars cumulés selon les données de DeFiLlama. Le tout, rien qu’avec les seuls frais que la plateforme prélève, et qui s’élèvent à 1%. Trois jeunes anglais anonymes se partagent cet énorme pactole via une société opaque domiciliée au Royaume-Uni. 

Pour l’un d’entre eux, la raison du succès est « très simple ». « Pump.fun capte le cycle d'attention », explique-t-il dans un podcast. La plateforme aspire en effet une partie de l’immense flux d’argent qui irrigue le marché des cryptos. La logique est semblable à celle des réseaux sociaux qui capitalisent sur la manne des annonceurs publicitaires. Sur X., le CEO estime que la posture de Pump est avant-gardiste : « Les "early adopters" ressemblent à une nouvelle vague, comme les utilisateurs de Facebook en 2004, les détenteurs d'iPhone en 2007, ou même les acheteurs de bitcoins en 2009 », se réjouit-il  

Pour un autre des fondateurs, la mission de Pump.fun est presque d’utilité publique. « Nous voulions créer un endroit où les gens peuvent acheter des memecoins en toute sécurité », faisant allusion aux nombreux hacks que subissent les cryptomonnaies. Pourtant, la « safe place » n’en est pas vraiment une. La profusion de tokens de stars du porno et autres blagues de mauvais goût inondent en effet le site. Feu de paille ou vraie tendance ? Chez Pump.fun, on s’en fout, et annoncer sa propre fin fait d’ailleurs partie du jeu. Avec un mème… évidemment. 

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