femme chinoise porte un masque et regarde son smartphone

Pourquoi vous devriez vous intéresser de plus près à WeChat

© william87 via Getty Images

L’application fourre-tout de Tencent est utilisée par 1,2 milliard de Chinois. Son modèle de « super application » est à observer de plus près car il pourrait se voir ailleurs.

Les Chinois ne peuvent plus s’en passer

Les chiffres d’utilisation de WeChat donnent le vertige. 1,2 milliard d’utilisateurs mensuels. Un taux de pénétration de plus de 90 % en Chine (63 % pour Facebook aux États-Unis à titre de comparaison). En août, Donald Trump a signé un décret interdisant toutes transactions des entreprises américaines avec WeChat. Ce qui signifie notamment qu'Apple devrait supprimer WeChat de son App Store. La réponse des Chinois ? 95 % préfèrerait se passer d’un iPhone plutôt que de WeChat, selon un sondage réalisé par le réseau social Weibo.

En huit ans d'existence, l’application s’est imposée comme un mode de vie. Vérifier la météo, parler avec ses amis et collègues, commander un taxi, faire du shopping, jouer, payer ses courses, réserver un restaurant, acheter un billet de train… Un utilisateur peut passer sa journée entière sans jamais sortir de l’application, comme le montre Fabernovel dans une étude publiée en septembre 2019. Au départ WeChat n’était qu’une messagerie, mais depuis la création des mini-programmes, des applis version allégée intégrées à WeChat, en 2017, la plateforme est devenue une application à tout faire.

WeChat a même inventé un nouveau geste : le secouage de smartphone. À l’origine, cette fonctionnalité baptisée « Shake » a été créée pour mettre en relation deux utilisateurs de WeChat au hasard. Mais elle est aujourd’hui utilisée pour obtenir des bons de réduction, payer…

WeChat est une super app, et ce modèle pourrait être dupliqué ailleurs

Avec WeChat, Tencent a inauguré le modèle de super application. Une application mère qui accueille d’autres mini-applis, qui vont de la commande de taxi au système de traçage des cas de Covid-19 en passant par un mini-jeu créé par Fendi. Aujourd’hui plus de 4 millions de mini-programmes existent dans WeChat. Ils sont utilisés par 450 millions d’utilisateurs actifs chaque jour, estime Fabernovel dans une seconde étude consacrée à WeChat. C’est évidemment un vecteur très prisé des marques : 95 % des sociétés de e-commerce ont leur mini-programme.

Ce modèle de super app très populaire en Asie pourrait faire des émules en Europe et aux États-Unis. Apple a annoncé le lancement des App Clips dans la prochaine version iOS (iOS 14). Il s'agit de versions allégées d’applications qui se lanceront en scannant un QR code au moment de payer un service par exemple. Le paiement se fera via Apple Pay, qui fera donc office de super app. Elles pourront aussi se lancer via Message, Plan et Safari. SnapChat a lui aussi inauguré cet été son interprétation des mini-programmes, avec les Snap Minis, des applications accessibles directement via sa plateforme.

C’est le moyen le plus efficace pour la Chine de contrôler Internet, y compris en dehors de ses frontières

La censure s’opère quotidiennement sur WeChat, explique Libération. Certains mots comme « Tiananmen », en référence au massacre estudiantin de 1989, ou « Liu Xiaobo », l’écrivain chinois et Prix Nobel de la paix mort en captivité en 2017 sont interdits. Et ce contrôle s’exerce en partie à l’étranger. Dans une récente enquête, le New York Times raconte comment le gouvernement chinois garde le contrôle sur sa diaspora via WeChat, qui selon le quotidien a bien plus de poids que TikTok. L’application est devenue indispensable à la communauté chinoise vivant à l’étranger pour communiquer avec son pays d’origine. Le problème est qu’en utilisant l’application, les Chinois s’enferment dans « une super bulle de filtre unique », étroitement liée aux récits de la propagande officielle, raconte le New York Times. Des articles de la presse internationale y sont censurés, de nombreuses théories de complots et fake news en tout genre y circulent. L’application aide ainsi le contrôle de l’Internet chinois à s’exporter au-delà de ses frontières.

Les utilisateurs conscients d’être victimes de propagande et de censure en utilisant WeChat ne comptent pas s’en débarrasser pour autant. Car comme le résume cette utilisatrice interrogée par le New York Times, l’appli est devenue une nécessité. « S’il y avait une vraie alternative je changerais d’application mais c’est ce qu’il y a de terrible avec WeChat : il n’y a pas d’alternative. C’est trop lié à la vie quotidienne. Pour le shopping, les paiements, le travail, il faut passer par l’application. Si vous en utilisez une autre, vous vous retrouvez seul.»

Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.
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  1. on sait ce que l'on doit faire pour ne pas devenir dépendant du virtuel.

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