Double virtuel d'une streameuse

Live shopping : en Chine, des streamers virtuels assurent le service de nuit

Passé minuit, ce sont des avatars générés par IA qui vendent en direct produits ménagers, maquillages et côtelettes de porc sur Taobao et les autres plateformes de live shopping. 

Regarder des influenceurs vous vendre couches, mascaras et autres préparations culinaires jour et nuit, c’est la drôle de vie que vous pouvez mener en Chine. Cela se passe notamment sur l’application Taobao, l’équivalent d’Amazon, qui possède aussi une plateforme de streaming. Sur celle-ci, des influenceurs présentent à la façon d’animateur de téléachat toutes sortes de choses à acheter en un clic. Depuis quelques mois, ils se font relayer, la nuit notamment, par des êtres virtuels. Des streamers générés par intelligence artificielle, qui reprennent les mimiques et gestes de leurs collègues humains, comme de pointer du doigt vers le bouton « acheter » au moment opportun. Le mouvement de leurs lèvres correspond à ce qu’ils sont en train de raconter, même si on note quelques bugs, précise la MIT Technology Review qui s’est intéressée au phénomène. 

Passion téléachat

En France, la tendance du live shopping n’a pas vraiment décollé, malgré les tentatives des plateformes et des marques. Mais en Chine, le téléachat à la sauce réseaux sociaux est une industrie prospère. Les plus gros livestreamers peuvent générer l’équivalent de milliards d’euros de produits vendus en l’espace de quelques heures. Ce travail a toutefois un coût que les petites marques ne peuvent pas forcément se payer. Celles-ci voient donc dans les streamers virtuels un moyen plus low cost de profiter de la tendance. 

Plusieurs entreprises tech proposent donc ce service, à l’instar de Xiaoice et Silicon Intelligence, qui vendent leurs avatars environ 1000 dollars (940 euros). Les données à renseigner sont assez basiques : une minute de vidéo pour créer un double numérique d’une vraie personne, ainsi que le prix et le nom du produit à vendre. Le script, qui était auparavant écrit par une personne, est aujourd’hui lui aussi généré par intelligence artificielle avant d’être relu par un humain. Certains avatars plus perfectionnés (et donc plus chers) peuvent aussi lire les commentaires postés sur le chat du stream et y répondre, ou encore ajuster leur discours marketing selon le nombre de spectateurs. 

Sur Twitch, on trouve déjà des chaînes dont les animateurs sont générés par IA. Ils prennent les traits de Jésus, Trump ou encore Bob l’éponge, et sont capables eux aussi d'interagir avec le chat, mais ne vendent rien. 

Des « êtres virtuels » dans d’autres industries 

Sur la page web de Xiaoice, on peut lire des descriptions assez lunaires de ce que l’entreprise présente comme des « travailleurs virtuels » (entretenant au passage le mythe d'intelligences artificielles conscientes), qui ont « des capacités d’interaction émotionnelle et des compétences professionnelles. » Le live shopping fait partie des cas d’usage pour ces deepfakes. Mais on trouve aussi des cas plus incongrus comme une employée virtuelle d'un fonds d'investissement, le double numérique de l'économiste chinois, Lang Xianping ou encore les présentateurs d'une chaîne TV d'infos financières. Dans le monde du live shopping, ces êtres virtuels ont déjà des conséquences, rapporte MIT Technology Review. S’ils n’affectent pas les superstars de l’industrie, les streamers virtuels pourraient remplacer les streamers moins suivis, dont le retour sur investissement est moins important. Selon les chiffres, le salaire moyen des streamers a baissé de 20 % par rapport à 2022, et il est plus difficile de trouver du travail qu’auparavant. 

Les usines à êtres virtuels ne comptent pas s’arrêter là. Silicon Intelligence prévoit de doter ses avatars d'une intelligence émotionnelle, leur permettant d’adapter leurs mimiques aux commentaires du chat. Et surtout l’entreprise prévoit de générer d’ici à 2025, 100 millions de « travailleurs numériques » comme elle les nomme, contre 400 000 aujourd’hui.

Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.

Discutez en temps réel, anonymement et en privé, avec une autre personne inspirée par cet article.

Viens on en parle !
commentaires

Participer à la conversation

Laisser un commentaire