Bien installé en Asie du Sud-Est et aux États-Unis, le live shopping peine à s’installer en France. Pour autant, de plus en plus d’entreprises adoptent cette version modernisée du télé-achat avec pour objectif d’améliorer l’expérience vécue par leurs clients. Alors, peut-on envisager un live shopping à la française ?
Octobre 1987, le télé-achat, ou téléshopping, fait son arrivée en France. Le principe est simple : des objets sont présentés par des animateurs enthousiastes afin de susciter l’envie d’achat chez les téléspectateurs. Ces derniers peuvent appeler un numéro de téléphone, ou se connecter par Minitel afin de commander l’objet en question.
Cette pratique d’achat à distance s’est installée en France, et reste d’actualité pour un certain nombre de chaînes de télévision. Mais avec la révolution numérique, les choses ont radicalement changé pour ce secteur. Et ce notamment de l’autre côté de la planète, en Chine, où le live shopping se développe au début des années 2010. La promesse de ce téléshopping 2.0 ? Permettre aux consommatrices et consommateurs de vivre une expérience d’achat interactive et immersive. Et pour la remplir, quoi de mieux que l’incarnation ?
Que ce soit sur un site marchand, une application ou autres réseaux sociaux, le client potentiel assiste donc à une démonstration en direct et peut interagir avec les autres spectateurs connectés. S’il est convaincu, un clic, et c’est acheté !
Une pratique qui a connu un réel engouement ces dernières années : entre 2017 et 2020, le live shopping connaît une croissance de 280 % selon un rapport de McKinsey. Et si 67 % des Français montrent un intérêt pour ce canal de vente, il reste encore peu développé sous nos latitudes. Frédéric Cavazza, consultant et conférencier en accélération numérique, nous donne quelques pistes pour développer une pratique du live shopping made in France : un thème qui sera abordé au cours de la Paris Retail Week.
Qu’est-ce que le live shopping et quelle audience est attirée par cette pratique ?
Frédéric Cavazza : Le live shopping, c'est du commerce distant qui passe par soit un site web, soit une application mobile, avec l’impératif d'avoir un visuel, donc un flux vidéo en direct. Toutes les configurations sont possibles. Certains font des live shoppings 24h/24, d’autres font des ventes flash qui durent 15 minutes mais, en moyenne, les sessions durent entre 30 minutes et deux heures. Ce qui change, c'est là où on va le consommer et ce qu'on va pouvoir faire avec. Si vous regardez ce type de contenu à la télévision, c'est un flux descendant. Il n'y a pas de flux retour, vous ne pouvez pas interagir. Tout ce que vous pouvez faire, c'est décrocher votre téléphone et passer commande. Par Internet, que ce soit à travers un site web, une plateforme sociale ou une application mobile, il y a un flux retour. Donc le spectateur va pouvoir éventuellement émettre un commentaire, interagir, notamment voter, et acheter le tout en temps réel. Donc c'est quand même beaucoup plus riche. À priori, il n'y a pas de règle dans la mesure où ce qui va surtout attirer l'audience, c'est l'offre.
Quels sont les canaux qui attirent le plus les consommateurs ?
F. C : Historiquement, ce sont les smartphones. En effet, le live shopping est une pratique qui a explosé en Chine pour des raisons diverses, mais notamment car la population chinoise utilise principalement les smartphones et très peu les ordinateurs. L’application Weixin, qu'on appelle WeChat, met régulièrement les contenus liés au live shopping en avant. Même chose pour Taobao, une plateforme de vente entre particuliers. Ces applications ont donc la capacité de recommander massivement le live shopping à leur audience.
En Occident, on a vu des grosses plateformes marchandes comme Amazon essayer de lancer le live shopping à leur façon. Les mêmes moyens de production que ce qu'on trouve à la télévision sont mis en place, avec un plateau et un animateur, mais cette fois-ci tout se passe sur le site internet : vous pouvez y accéder via une invitation à vous connecter.
J'imagine qu'un distributeur a tout intérêt à ce que le plus de monde possible puisse accéder à son live shopping, sauf s'il s'agit de ventes privées, auquel cas il est plus avantageux d'avoir un compte. Carrefour par exemple, a organisé des sessions de live shopping évènementialisé, tandis qu'Auchan était sur quelque chose de beaucoup plus spontané avec des personnes dans les rayons. Des marques comme BLACK+DECKER ont, de leur côté, insisté sur les sessions de questions-réponses.
Pourquoi tarde-t-il à s’imposer en France ?
F.C : En France, on a le téléshopping depuis plusieurs années, et beaucoup d'ordinateurs. Ce n'est pas le même équipement qu’en Asie. De plus, historiquement, la Chine a une très grande tradition du commerce oral et notamment des vendeurs de marché. Certains vendeurs de marché se sont donc tout simplement convertis et font maintenant leur vente à travers leur smartphone. C'est vraiment purement culturel, et c’est pour cela qu’essayer d'importer le concept tel quel en se disant que, s'il fonctionne en Chine, il fonctionnera en France c'est faire face à un mur. Il y a une grande barrière technique, culturelle et de nombreuses spécificités à prendre en compte. Toutefois, le live shopping est déjà présent en France. Il existe toute une palanquée de prestataires capables d'assurer la technique et qui le font extrêmement bien, ce qui permet de développer un bon savoir-faire chez les annonceurs. La technique est au point. Simplement, les Français ont leurs habitudes de commande. Cela fait 40 ans qu'ils commandent en ligne, d'abord avec le Minitel et maintenant sur Internet. Nous sommes donc sur des modes achats asynchrones, c'est-à-dire qu'on consulte un catalogue, on choisit ce qu'il nous plait et on achète. C'est pour cela que live shopping reste minoritaire.
Comment attirer les Français vers cette pratique ?
F.C : Ce qui pourrait être développé c'est l'événementialisation, notamment si les marques font des tarifs attractifs. Mais les soldes sont encadrées en France, il faut donc choisir le moment opportun dans une période bien précise. Il serait intéressant par exemple d'événementialiser l’ouverture des soldes via un live shopping en invitant des personnalités publiques et en proposant des offres très intéressantes sur une gamme de produits. Là, ça fonctionnerait, mais ça perturberait peut-être les soldes en points de vente.
Je pense que le problème des distributeurs, c'est de vouloir faire des live shoppings toutes les semaines avec un passage en revue de tous les produits pour que tout le monde se connecte et achète tout. Seulement ça ne fonctionne pas comme ça. À force de faire des évènements spéciaux et à vouloir créer l'exception, l'audience se lasse. Il y a des rendez-vous qui sont à mon avis tout à fait intéressants à travailler en live, comme par exemple les nouvelles collections des marques de vêtements. Ce qui est intéressant pour la marque, c'est de créer l'évènement en invitant une personnalité publique comme Carrefour a pu le faire avec Kev Adams et de se concentrer sur une gamme précise. Cela lui permettra d’avoir un minimum de contenu pour alimenter par la suite les plateformes sociales : faire des petites synthèses de l’évènement, diffuser des extraits afin de le prolonger sur une à deux semaines sur les réseaux sociaux pour éventuellement teaser un nouveau live shopping à venir… autant de petites choses qui pourraient permettre à cette pratique de s’enraciner sous nos latitudes !
La Paris Retail Week se tiendra du 19 au 21 septembre à Paris Expo, Porte de Versailles.
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