
Faut-il laisser les cryptomonnaies à Donald Trump ? Pour remporter la victoire, Kamala Harris va devoir inventer une posture démocrate compatible. Mais le Bitcoin peut-il être vraiment progressiste ?
Pour beaucoup d’experts, les cryptomonnaies sont devenues un enjeu important de l’élection présidentielle américaine. « Ce sera le premier cycle électoral américain dans lequel la politique relative aux cryptomonnaies jouera un rôle majeur », prophétise Lewis McLellan, qui travaille pour le think tank bancaire OMFIF. « #Democrats4Bitcoin », « Crypto4Harris » … Sur les réseaux sociaux, de nombreux soutiens de Kamala Harris l’appellent à s’emparer du sujet des actifs numériques.
Tandis que les communautés en ligne s’affrontent à coups de crypto-mèmes politiques, les équipes de campagne s’activent pour trouver une posture sur ce sujet clivant, à défaut d’être réellement convaincues. À commencer par celle de Donald Trump. L’ancien président était, il y a peu encore, farouchement opposé à toute forme de « monnaie » alternative au dollar. « Le Bitcoin est une arnaque », martelait-il sur Fox News. Depuis, l’ancien président en a fait son dada, dans un revirement inédit. Cette stratégie lui a valu le soutien des magnats de la Tech, dont Elon Musk, pro-crypto notoire et adepte du Dogecoin, mais aussi d’autres milliardaires de la Silicon Valley, comme Marc Andreessen.
Le crypto-vote pourrait-il faire gagner Kamala Harris ?
À l’inverse, Kamala Harris s’est montrée réservée et prudente. Mais désormais, son propre camp l’appelle à agir. Vingt-sept personnalités démocrates lui ont adressé une lettre vantant les bénéfices d’une posture pro cryptos pour gagner les États les plus disputés. « Les cryptomonnaies sont au cœur des préoccupations des électeurs dans les swing states », affirment-ils. « Une approche équilibrée […] qui stimule l'innovation tout en protégeant les consommateurs, serait très positive pour les décideurs comme pour les candidats ». Ces démocrates reprennent au passage les éléments de langage des lobbyistes des cryptomonnaies, à l’instar de Coinbase.
Et pour cause : plusieurs d’entre eux ont reçu des dons substantiels de la part de groupes d’intérêts liés aux cryptomonnaies. C’est le cas de Shomari Figures (2,4 millions de dollars) ou de Yassamin Ansari (1,4 million). Ces généreux dons interrogent sur le rôle des industriels des cryptomonnaies dans l’influence électorale. Plus modérée qu’un Trump qui promet la lune aux bitcoiners, Kamala Harris cherche encore une posture progressiste. Selon son conseiller politique, l’actuelle Vice-Présidente devrait malgré tout « soutenir l’industrie crypto » en cas de victoire. Au risque de froisser les cryptosceptiques, bien plus nombreux dans son camp que chez les alliés de Donald Trump.
« Bitcoin est synonyme de justice sociale et d’égalité »
Reste une question qui dépasse les calculs politiques : le Bitcoin peut-il réellement être progressiste ? Comment rendre les cryptomonnaies compatibles avec les valeurs des démocrates ? Comme le relève Nastasia Hadjadji, autrice de No Crypto. Comment Bitcoin a envoûté la planète, le Bitcoina plutôt tendance à « épouser parfaitement la matrice politique de l’extrême droite ».
Toutefois, certains partisans de Kamala Harris ne sont pas de cet avis. Ils croient sincèrement au pouvoir émancipateur de la pièce virtuelle. « Je pense que les démocrates et les progressistes seront les plus grands défenseurs de Bitcoin », écrit Michelle sur X, qui se présente comme une autrice féministe, et qui soutient à la fois le Bitcoin et la candidature de Kamala Harris. « Bitcoin est synonyme de justice sociale et d'égalité. Je crois que la droite “bruyante” le sait et qu'elle tente de nous en détourner. Nous sommes en avance ».
En cas de victoire, Kamala Harris pourra-t-elle maîtriser cette industrie, ou en deviendra-t-elle tributaire ? Certains précédents alertent. Reid Hoffman, le fondateur de LinkedIn, a ainsi donné 7 millions de dollars pour la campagne de Kamala Harris, avant d’exiger l’éviction d’une collaboratrice de Joe Biden antitrust. Le sénateur Bernie Sanders s’en était offusqué. « Cela n’est pas acceptable », a-t-il écrit sur X.
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