Application de portable pour scanner ses aliments

Génération Code-barre : je scanne donc je suis

© Neustockimages via Getty Images

Face aux scandales sanitaires, à la défiance des industriels, les consommateurs se réfugient le nez dans leur smartphone et scannent frénétiquement objets, cosmétiques et aliments qu'ils laissent rentrer dans leur vie. Au point de ne plus s'en défaire ?  

« Attends, je regarde sur Yuka » . Qui n'a pas entendu cette phrase de l'un de ses amis, vous arrachant la pâte à tartiner des mains au supermarché. Le verdict tombe : pas de nut' ce soir devant la série Marie Kondo sur Netflix. En cause, la note Yuka : « mauvaise ». Impossible d'y échapper, ces applications qui scannent les paquets de nos produits sont partout. Nous nous accrochons à ces applis comme une moule à son rocher, rassurés d'avoir enfin mis la main sur un référant fiable, qui indique avec transparence la composition des crèmes à étaler que ce soit sur nos tartines ou notre visage. 

Un succès qui fait école : 7,5 millions de consommateurs

Le phénomène est massif. Selon l'étude « Le phénomène Yuka ou le business de la défiance », de l'Observatoire Société et consommation (une société d’études et de conseil en stratégie), en 2018, 18 % des Français (soit 7,5 millions) « utilisent une ou des applications mobiles permettant de disposer d’informations sur les qualités des produits alimentaires vendus dans les magasins ». Selon une autre étude Kantar TNS Food 360 12% des femmes utilisent ces applis dans le domaine de la beauté et 33% d'entre elles sont addicts.

Côté applis, difficile d'avoir une idée quantitative précise, mais elle se multiplient depuis deux ans. Yuka en tête avec 7 millions d'utilisateurs depuis 2016. Open Food Facts, sur son blog, revendique 500 000 utilisateurs de l'app mobile. Côté beauté, c'est aussi la ruée vers le scan. Clean Beauty revendique 500 000 utilisateurs. D'autres applications se sont positionnées sur le créneau comme Inci BeautyQuelCosmetic de l'UFC-Que Choisir, Think Dirty ou encore CosmEthics

Appli de notation : de quoi parle-t-on exactement ?  

L'utilisation de ces applications est d'une simplicité enfantine. Après les avoir installées sur votre smartphone, vous les ouvrez, vous scannez le code-barre du produit que vous voulez acheter, et le résultat tombe. Elles vous donnent la composition, le présence d’allergènes et parfois l'origine géographique des produits. La plus connue, Yuka, au symbole de carotte, note les produits de 1 à 100, leur attribue un code couleur et une mention allant d'excellent à mauvais. 

Bonne grosse défiance

Comment expliquer le succès de ces applis de notation ? A priori, nous peinons tous sérieusement à décrypter les étiquettes (coucou le carbonate d'ammonium, le benzophenone et le propylparaben). Ajoutez à ça un ou deux scandales sanitaires (du type lasagne au cheval), la mise en lumière de composition problématique et un flou artistique sur les lieux et les conditions de production... mélangez bien et vous obtiendrez une défiance massive du public. Selon une étude Kantar TNS/ Sial de mars-avril 2018, menée dans 10 pays d'Europe, huit consommateurs sur dix souhaitent plus de transparence sur les produits alimentaire

 

Attention aux erreurs

Si ces chiffres nous rassurent et mettent en lumière des incohérences, il ne faut pas non plus invoquer « Saint code-barre » trop vite. Comme nous l'avions déjà décrypté au sujet de Yuka, les bases de données utilisées ainsi que le protocole de notation choisi peuvent biaiser les résultats. Et les applications révèlent des contradictions. Un produit peut être considéré comme cancérigène sur une appli et tout à fait inoffensif sur une autre. Autre problème, les systèmes basés sur les codes-barres sont surtout destinés aux distributeurs et un tiers des formules change tout les 10 ans.  

 

Tirer la qualité vers le haut 

Alors finalement, pourquoi scanner si l'on n'est pas sûr de la qualité ? Selon un rapport de l'Observatoire Société et Consommation, scanner, c'est aussi avoir du pouvoir. « (...) Le succès de ces applications apparaît (...) davantage comme le fait de populations qui veulent peser dans la vie des marques et influencer leur positionnement vers plus de qualité.» Un outil de plus donc, pour le consomm'acteur. Car le boycott de certains produits ou marques incite à tirer vers le haut la qualité. 

Pour autant, la transparence à outrance n'est pas nécessairement bénéfique. Une enquête de Madame Figaro rappelle qu'il y a dix ans « on a fait le procès des parabènes, ils ont été remplacés dans l’urgence par des conservateurs moins sûrs et plus allergisants ». Prudence donc. 

commentaires

Participer à la conversation

Laisser un commentaire