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Les JO du futur auront lieu en 2021 et vous n'êtes pas prêts de vous en remettre

Courses de drones et spectateurs branchés en direct live : en rassemblant tout ce que la planète sport compte d'innovations techno, les promoteurs du méga-projet Futurous ambitionnent de réinventer l'événement sportif mais aussi le sens du show. Ready ?

Tous ensemble, tous ensemble... tous ?

Clairement, les mega-events du sport ont réussi leur pari. Leur meilleure performance ? Fédérer des audiences internationales et cartonner ! À coups de milliards de dollars, de sponsors, de com’, les Jeux olympiques, la Coupe du Monde de football, le Super Bowl nous ont habitués à acclamer tous ensemble les performances de nos superchampions. Dans cet univers impitoyable, un petit nouveau voudrait proposer une formule radicalement différente. Le projet Futurous veut nous faire basculer dans le XXIème siècle en nous faisant goûter aux nouvelles disciplines sportives, celles nées des technologies : courses de drones, tournois de jeux vidéo, démonstrations de robots, épreuves d’athlétisme réalisées avec des exosquelettes ou bien encore des sports inédits comme le foot en réalité virtuelle.

Un rêve de geek surconnecté ? Non, celui de Philippe Blanchard, ancien directeur de la gestion de l’information du très sérieux Comité international olympique. « Le projet est né de plusieurs frustrations que j’ai éprouvées quand je travaillais au CIO, explique-t-il. En 2007, on a constaté que l’âge moyen du téléspectateur était de 48 ans et qu’il augmentait d’année en année. On a proposé de changer le format des jeux pour permettre une plus grande interaction avec le public et ajouter de la culture et de l’art à l’événement. Mais le président de l’époque n’a pas retenu notre solution. » Philippe Blanchard quittera son poste en 2011 pour travailler sur l’Exposition universelle de 2020 à Dubaï. Il a gardé ses idées dans un coin, et est bien décidé aujourd’hui à monter les JO du futur.

Les JO du futur : rendre mainstream des disciplines d'un nouveau genre

Le contexte est favorable. Tandis que les JO tergiversent encore – faut-il, oui ou non, intégrer l’eSport dans leurs compétitions ? – les tournois de ce type se multiplient et drainent déjà près de 200 millions de spectateurs chaque année. Et les villes ont bien senti le mouvement. En 2016, Dubaï a organisé le premier Grand Prix de drones qui sera remporté par un jeune pilote de 15 ans. La même année, Zurich a accueilli la première session du Cybathlon. L’événement proposé par le National Centre of Competence in Research Robotics (NCCR Robotics) permet à des para-athlètes de s’affronter lors d’épreuves sportives bioniques, de courses d’exosquelettes aux compétitions de constructions avec prothèses robotiques.

Enfin, la création de nouvelles pratiques comme le surf droning – du kitesurf où le tractage est assuré par un drone – ou la danse en apesanteur dans des souffleries géantes démontrent que les nouvelles technologies font sans cesse naître de nouveaux sports. L’ensemble de ces innovations se retrouvent évidemment dans la note d’intention de Futurous. Mais pour Philippe Blanchard, ces compétitions d’un nouveau genre ont aussi, et peut-être surtout, pour objectif de changer le regard du public envers ces technologies. « Au cours de nos différentes consultations, nous nous sommes rendus compte que les nouvelles technologies font peur, surtout en Europe, explique-t-il. De manière caricaturale, on peut dire que les cols bleus craignent de voir leur travail remplacé par des robots et les cadres pensent qu’ils vont être concurrencés par des intelligences artificielles. Il est donc nécessaire de mener un effort de vulgarisation et de réflexion sur l’usage des nouvelles technologies. Et quoi de mieux que les compétitions sportives pour attirer le grand public vers ce domaine ? »

Un show plus interactif, plus multidisciplinaire, plus inclusif

« Le spectacle du monde ressemble à celui des Jeux olympiques : les uns y tiennent boutique, d’autres paient de leur personne, d’autres encore se contentent de regarder. » Quelque 2 500 ans après, le commentaire de Pythagore n’a pas pris une ride, et Futurous veut changer la donne. Pour cela, il s’agit de favoriser au maximum l’implication du public, et de lui donner le pouvoir d’interagir tout au long de l’événement. « Si vous venez assister à une course de drones, vous devez être en mesure de rencontrer les différentes équipes bien sûr, leur poser des questions sur la conception de leur machine, mais aussi soutenir ces derniers en direct, continue Philippe Blanchard. Grâce à une application, vous pourrez décider de donner des points à votre équipe favorite afin qu’elle puisse bénéficier d’un parcours plus aisé par exemple. » Certaines épreuves comme l’escalade sur un mur cinétique (évolutif tout au long de l’escalade des athlètes) pourraient donner la possibilité aux spectateurs de modifier l’apparition ou la disparition de prises. Les fans les plus motivés pourront également aider financièrement les équipes via des opérations de crowdfunding. En dehors des compétitions, il sera possible de se faire livrer des repas par drone ou d’assister à des conférences. En plus des sport explainers qui seront là pour expliquer les subtilités de chaque discipline, des scientifiques, des ingénieurs ou des philosophes évoqueront les futurs enjeux de la réalité virtuelle ou de l’intelligence artificielle. D’autres événements s’intercaleraient : des hackathons ou des défis d’ingénierie portant sur des robots bipèdes ou des véhicules pilotés par des interfaces cerveau-machine. 

Du côté des athlètes, Futurous devrait aussi changer la donne. Puisque l’événement prévoit de mettre en avant l’excellence académique, les équipes seront organisées par universités ou centres de recherche et regrouperont sportifs, techniciens et ingénieurs de toutes nationalités. À l’inverse des Jeux olympiques, ces dernières seront aussi mixtes. « La plupart des épreuves que nous prévoyons seront paritaires au niveau des sexes et des handicaps, précise Philippe Blanchard. Si l’on organise une compétition de drone surfing, la machine sera alternativement pilotée par un athlète valide puis par un para-athlète qui échangeront leur rôle sur la planche. À terme, on veut montrer que la technologie est capable de compenser les handicaps et de favoriser une réelle collaboration au sein d’une société harmonieuse. »

Un autre rapport à la performance

Futurous veut aussi repenser le calcul des performances. « C’est une réflexion qui anime toutes les instances sportives, explique Philippe Blanchard. Bien sûr, les records attirent les foules et font vendre, mais alimenter cette fascination mène aux limites physiologiques des corps et aux dérives du dopage. Futurous veut aller sur un autre terrain. Si vous comparez deux courses de drones à deux ans d’intervalle, les règles et le matériel vont évoluer et la question des performances n’a plus de sens. Ce qui compte au final, c’est d’arriver le premier dans une compétition donnée. »

Mais Futurous s’engage à questionner également un autre type de performance : celle de ses résultats économiques en repensant le rapport des « mega-event » avec les villes qui les accueillent. En effet, les Jeux olympiques par exemple sont de plus en plus perçus comme un événement imposé aux populations. Leur organisation demande entre 6 et 12 milliards de dollars en fonction des infrastructures à construire et, malgré des promesses en matière de retombées économiques et touristiques, reste un gouffre financier sur le long terme. Afin d’éviter ces écueils, Futurous va proposer aux citoyens de voter en ligne pour appuyer la candidature de leur ville et pouvoir s’impliquer en amont. Mais c’est surtout au niveau du budget que l’événement fera la différence. « On estime que les premiers jeux Futurous coûteront environ 350 millions de dollars, indique Philippe Blanchard. À terme, on ne veut pas dépasser le plafond des 700 millions de dollars. » Pour rester dans les clous, Futurous se veut plus souple dans son organisation et propose aux villes de piocher trois épreuves parmi cinq « galaxies » portant sur l’eSport, la robotique et les exosquelettes, les drones, la réalité virtuelle et augmentée et les sports 2.0. Cette manière de faire permettra d’utiliser des infrastructures déjà existantes sans que les villes soient condamnées aux travaux forcés. De quoi sans doute entretenir une relation saine entre ces jeux du futur, les pouvoirs publics et les citadins. Pour vérifier si toutes ces promesses seront tenues, pas la peine d’attendre un futur hypothétique. Les premiers jeux Futurous devraient se tenir d’ici à 2021. Auparavant, l’organisation devrait lancer une première manifestation au premier semestre 2019 afin de présenter les différents candidats des deux prochains jeux. La compétition ne fait que commencer.


À CONSULTER :  futurous.org


Cet article est paru dans la revue 16 de L'ADN consacré aux nouveaux rituels. Vous en voulez encore ? Vous pouvez commander votre exemplaire ici.

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.
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