
L’euphorie des NFT est-elle vraiment retombée ? Pas si sûr. Quelques projets Web3 tiennent encore la ligne, défiant l'air du temps. Fungiball en fait partie, misant sur la passion du sport et un écosystème toujours en
quête de maturité.
À mi-chemin entre fantasy sport, cartes à collectionner et cryptomonnaie, cette start-up française propose une version gamifiée et tokenisée du tennis. Une nouvelle manière de vivre sa passion pour le sport, mais aussi une vitrine des paradoxes du Web3.
Le talent, à la carte
Lancé fin 2023 par Jean Matias, entrepreneur passionné de raquette et de blockchain, Fungiball s’inspire du modèle Sorare, adapté ici à la petite balle jaune. Chaque carte numérique représente non pas un joueur entier, mais une compétence spécifique : coup droit, service, mental, revers… Ces fragments de talent sont associés à des joueurs pros (ils sont 300 sous contrat avec la plateforme), et prennent de la valeur en fonction des performances réelles lors des tournois. Autant vous dire que le détenteur de la carte « mental » d’Alexander Zverev en quart de finale de Roland Garros a dû grincer des dents.
Ainsi, quand un joueur brille dans une compétition, les cartes associées à ses atouts rapportent des points. Une logique de fantasy sport, mêlée à des mécanismes de collection et de stratégie. « Ce qu’on propose, c’est une nouvelle manière de vivre sa passion du tennis, plus interactive, plus impliquante » , résume Jean Matias. La plateforme revendique aujourd’hui plus de 11 000 utilisateurs, un chiffre d’affaires de 500 000 euros et 2,2 millions levés depuis son lancement.
Une bulle qui n’a pas complètement éclaté
Fungiball arrive sur un terrain contrasté. L’écosystème Web3, après l’euphorie de 2021, a connu une série de revers : chute des cryptos, déboires réglementaires, désintérêt progressif du grand public. Mais certaines niches, comme les jeux blockchain et les cartes de collection numériques, continuent de fédérer des communautés engagées. Le marché mondial du blockchain gaming reste estimé à 5,69 milliards de dollars à horizon 2025.
Dans ce paysage, Fungiball souhaite continuer à miser sur la gamification de la performance sportive, en cherchant à séduire un public plus jeune et connecté. « Le tennis a une audience vieillissante. Nous, on s’adresse aux 18-45 ans, plus mobiles, plus numériques », précise le fondateur. Le jeu attire des profils variés : fans de sport, amateurs de fantasy games, mais aussi joueurs de poker et investisseurs, certains n’hésitant pas à miser plusieurs milliers d’euros.
Des cartes, des tokens…, et des questions
Si le modèle intrigue, il soulève aussi des interrogations légitimes. D’abord sur le plan économique : l’achat de cartes repose sur l’usage de cryptoactifs, dans un cadre encore flou juridiquement. S’agit-il d’un jeu de stratégie, d’un produit financier, d’un pari ? La frontière est mince. En France, l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) s’intéresse de près à ces formats hybrides, pendant que l’Autorité nationale des jeux (ANJ) se charge de vérifier les licences et la légalité des jeux d’argent. Seulement, ces instances peinent à suivre la cadence bouillonnante du marché. Autre point essentiel : l’impact environnemental des cryptos. Les blockchains, selon leurs protocoles, peuvent être énergivores. Fungiball fonctionne sur Polygon, une solution réputée moins gourmande que d’autres. Reste que dans un contexte de sobriété numérique, la légitimité de ces usages sera sans doute de plus en plus débattue.
Fungiball reflète bien l’esprit du Web3 version 2025 : un mélange d’expérimentations, de microcommunautés engagées, de nouvelles formes de propriété numérique… Mais aussi un secteur qui navigue entre promesses technologiques et contraintes du réel, entre innovation financière et protection des utilisateurs. Toujours est-il que Fungiball révèle l'appétit d'une génération pour de nouveaux modes d'engagement. Reste à voir si cette tokenisation du talent sportif créera de nouveaux liens entre fans et athlètes, ou si elle ne fera que numériser d'anciennes pratiques spéculatives. Le match ne fait que commencer...
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