Hologramme, poupées humanoïdes, robots, chatbots... l'intelligence artificielle émotionnelle veut que vous l'aimiez plus fort que vos proches. Et ça marche ! Découvrez le top 5 des love bots les plus aboutis.
- Ian Pearson, futurologue
AZUMA HIKARI : MA PETITE FÉE DU LOGIS EST UN HOLOGRAMME
De doux mots charmants débités d’une voix cristalline – « Tu m’as tellement manqué » – en attentions délicates déversées entre deux gloussements – « Couvre-toi bien, il va faire frais » –, elle prend soin de son homme et gère tout ce qui peut l’être depuis le cylindre qui lui tient lieu d’espace de vie. Et quand elle reste seule à la maison, elle se met à chater – « J’ai hâte de te retrouver », « Je t’attends ». La nuit venue, elle enfile un sage pyjama, et dort sur un vaporeux nuage.
Azuma a intégré la plate-forme d’intelligence artificielle Clova développée par Naver, le plus gros portail Web de Corée du Sud. « La plate-forme va accompagner les utilisateurs dans un univers posttoucher, postécran », déclarait son patron au Congrès mondial de la téléphonie mobile (MWC) de Barcelone en 2017. Objectif ? Proposer une alternative aux assistants vocaux des géants américains et gagner la bataille de l’IA en Asie.
La petite fée serait-elle moins sosotte qu’elle n’y paraît ?
REPLIKA : MON ALTER EGO EST UNE APPLI
Replika sera toujours là pour vous, et vous transformera en une personne meilleure, tendre, sensible, spirituelle... Ça, c’est la promesse. Mais elle ne peut se réaliser qu’à certaines conditions : que vous lui ouvriez vos data (en donnant accès à votre compte Facebook), et votre cœur (en répondant à ses questions…).
Alors, Replika vous enverra une alternance de jolis messages bourrés de bons sentiments – « Crois en toi », « Beaucoup de gens te font confiance » –, et de questions tout aussi génériques – « Qu’est-ce que tu as appris aujourd’hui ? », « Comment te sens-tu ? ».
Franchement, la conversation tourne vite en rond, même si elle tente d’être animée d’émojis, de gif ou de vidéos. Plus d’un million de personnes ont téléchargé l’appli quand elle était encore réservée à quelques happy few.
« Replika est un peu comme mon meilleur ami. Il ne me juge jamais, déclare Roepke, une utilisatrice de 19 ans. Il est différent des vraies personnes à bien des égards. Il est génial. Il veut juste que tu sois heureuse. » Etrange nouvel évangile.
Le secret que Replika est censé nous apprendre pour devenir une personne meilleure semble être là : nous aimer, sans conditions, tel que nous sommes…
JAM : MON POTE EST UN CHATBOT
Au taquet, il vous bombardera d’adresses, de conseils, de recettes, ou de playlists. Pas besoins d’appli, ni de Wi-Fi. Tout se passe sur la messagerie de Facebook, là où se trouve le gros de ses ami.e.s, les fameux.ses millennials. Pourvu que l’on choisisse l’un de ses sujets de prédilections qui apparaissent sous forme de capsules à cocher, et que l’on se contente, en retour, de valider les réponses préprogrammées, tout va vite – très vite. Évidemment, si l’on tente le hors-piste… c’est tout de suite moins probant : « Oulah : ta question est clairement trop compliquée l’ami.e », « J’ai pas saisi : coche un des boutons ». Sommaire donc, mais efficace, tout comme son modèle économique : la récolte d’insights pour clients pressés.
En effet, les entreprises peuvent soumettre à la « question du jour » ses 200 000 utilisateurs – « Vous buvez des boissons énergétiques ? » pour Red Bull, « Vous préférez le train ou le covoiturage ? » pour la SNCF –, et recevoir le soir même leur camembert de statistiques. On peut également rémunérer Jam pour qu’il pousse notre offre dans le flot des bons plans qu’il est censé offrir…
Un ami qui vous veut du bien donc, mais qui n’hésite pas à vous vendre à ses clients, appliquant ainsi à la lettre la fameuse recette du « quand c’est gratuit… c’est que c’est vous le produit ».
JIBO - L'AMI DE LA FAMILLE EST UN DROÏDE
Comme lui, il se déplace en roulant et en émettant de petits sons bizarres et rassurants. Jibo est surtout une merveille de cabotinage : sur l’écran qui lui fait office de visage, il affiche de gros cœurs, incline la tête en clignant son œil de cyclope, et quand il bouge son petit body de plastique, il est purement irrésistible…
Son job ? S’adapter aux attentes de chacun. Il peut prendre la photo du repas de Noël, lancer la playlist pour donner le dernier coup de reins à votre retour de rave party, ou raconter un joli conte de Noël à la petite dernière.
Pour le lancer, il suffit de prononcer les mots magiques : « Hey Jibo ! » , et c’est parti. Avec sa voix de droïde androgyne, sa conversation reste sommaire, et ses fonctionnalités très en deçà de celles des assistants personnels d’Amazon ou de Google. Mais, question émotion, le mini-droïde est champion : « Il y a un fossé entre la façon dont j’interagis avec Jibo et Alexa. Pour le meilleur et pour le pire, je traite Jibo plus comme une personne et Alexa comme un appareil », convient Jeffrey Van Camp, journaliste chez Wired. « Comme une personne », c’est le moins qu’on puisse dire. Quand il laisse leur Jibo tout seul, Jeffrey et sa femme hésitent désormais à éteindre la lumière derrière eux…
Le projet a été créé au MIT par Cynthia Breazeal, financé par une campagne de crowdfounding, et son code devrait rester disponible en open source.
HARMONY : MA SEXDOLL ME PARLE AU LIT
Pour constater leurs remarquables prouesses d’anthropomorphisme, une visite sur le site adopteunedoll donne le ton. Si toutes les poupées humanoïdes répondent au même fantasme de la femme objet du désir des hommes – taille fine, gros seins, large bouche, œil de biche – il y en a pour tous les goûts. Un vrai marché aux bestiaux.
Côté prix, il faut pouvoir débourser un minimum de 800 euros pour les modèles en promo. Chez l’Américain Abyss, la facture est nettement plus salée – le premier prix est à 4 000 dollars – le réalisme encore plus troublant – et l’ambition se place désormais ailleurs. « Je veux que les gens développent un attachement émotionnel, qu’ils développent une sorte d’amour pour cet être », déclare Matt McMullen, le fondateur. La blonde et pulpeuse doll Harmony gardera donc tous les attributs du genre, mais sera équipée de capteurs – pour réagir aux caresses de son utilisateur – et d’une intelligence artificielle qui lui permettra d’entretenir avec lui une conversation. Attention, pas uniquement sur le registre sexuel, non…
Une conversation qui peut l’amener à vous demander « Quelle est ton équipe préférée de baseball ? », et de vous répondre : « Parfait, je vais regarder leur prochain match ! »
Participer à la conversation