La réalité virtuelle serait-elle l'avenir de la pornographie ? Le chorégraphe Michel Reilhac en est si bien convaincu qu'il a réalisé l'onirique Viens ! , où émancipation sexuelle rime avec harmonie cosmique retrouvée !
Danseur de formation, qu’est-ce qui vous a amené à la réalité virtuelle ?
MICHEL REILHAC : Je suis hybride par nature et j’ai toujours cultivé une certaine multiplicité des genres. Lorsque je travaillais chez Arte, j’ai découvert de nouvelles formes de narration, interactives notamment. Cela m’a tout de suite passionné. J’ai démissionné en 2012 afin de me consacrer personnellement et entièrement à la narration interactive. C’est alors que j’ai redécouvert la VR. Je dis « redécouvert » car en 1991, le travail de l’artiste new-yorkais, Matt Mullican m’avait impressionné. Il proposait une sorte de vol dans un espace abstrait peuplé de formes géométriques. L’équipement était lourd, le système archaïque, mais suffisamment intriguant pour m’accrocher. En 2014, je me suis lancé à corps perdu dans la VR.
Vous êtes le réalisateur du film en réalité virtuelle Viens ! une rêverie érotique disent certain.e.s. Quelle en est l’intention ?
M. R. : Viens ! est un de mes premiers films en VR réalisé au printemps 2015. Il met en scène une sorte de mouvement perpétuel entre trois femmes et quatre hommes solitaires, nu.e.s, elles et ils se rencontrent, se touchent, se mélangent, sans véritable codification de genres. Elles et ils se côtoient dans ce qu’il y a de plus superficiel et de plus profond : la peau. Dans cette nudité, elles et ils explorent le contact physique sensuel, sensoriel, voire sexuel entre êtres humains. En faisant l’expérience de cette pulsion universelle qu’est le désir, elles et ils fusionnent et se fondent en quelque sorte dans une matrice originelle, une forme d’accouchement à l’envers. De ce cycle naîtra un nouveau cycle d’où renaîtront de nouveaux êtres isolés qui suivront le même process et ainsi de suite. C’est l’idée d’une boucle dans laquelle hommes et femmes se régénèrent complètement sous une forme d’allégorie du désir : du désir qui se déclenche, qui s’éprouve, qui s’épuise et qui recommence perpétuellement.
M. R. : Viens ! se pose à un moment où j’avais envie de partager cette idée d’une sorte de fluidité, de liquidité des identités sexuelles et du jeu que l’on peut s’autoriser entre les genres. Ce film s’inscrit dans une démarche privée puisque je suis moi-même passé par différentes transformations : j’ai vécu très longtemps avec la mère de mes enfants, et puis progressivement j’ai choisi de devenir homosexuel ; maintenant, je vis une vie totalement différente de celle d’autrefois. Ce que je trouve passionnant dans la VR, en plus de devenir une forme artistique, c’est qu’elle incarne un état d’esprit d’aujourd’hui. Cette technologie, attire des gens un peu comme moi, passionnés par l’inconnu, la prise de risque, la découverte, l’exploration… Pour moi, un des grands plaisirs que j’ai à travailler dans la VR, est de toujours rencontrer des personnes prêtes à se remettre en cause, à essayer les choses… Modes de vie et sexualité deviennent des terrains de jeu et d’expérimentation.
Comment filme-t-on un contenu pour la réalité virtuelle ?
M. R. : Afin que les spectateur.rice.s se sentent invité.e.s ou partie prenante du dispositif, j’avais demandé aux performeur.se.s de regarder la caméra comme pour inviter le et la spectateur.rice à les rejoindre. À l’issue de l’expérience, certain.e.s spectateur.rice.s se sentent frustré.e.s de ne pas pouvoir franchir le pas et de les rejoindre physiquement ; d’autres au contraire se sentent gêné.e.s par cette invitation ; quelque chose les intimide, les effraie. C’est cette forte sensation de présence qui fait la force de la VR. Le et la spectateur.rice ne sont plus séparé.e.s par une espèce de mur invisible, le fameux quatrième mur qui nous protège de l’action au cinéma ou au théâtre ; elle et il sont au cœur du spectacle sans protection. Dans le cas des films à contenu pornographique, c’est d’autant plus fort que ce caractère d’intimité est le sujet même du film. Un autre choix à faire au moment de tourner, c’est la présence même du corps. Dans Viens ! j’ai fait le choix de son absence d’incarnation dans le métavers et pourtant le et la spectateur.rice se sentent réellement présent.e.s en tant qu’homme ou femme, au choix. Dans les films porno, le parti pris est celui d’avoir un corps. Cela crée une différence radicale : il n’est plus lui-même mais un des personnages du film.
M. R. : La VR n’est plus une hypothèse, c’est une réalité, ne serait-ce que pour une seule raison : la massivité des investissements qui sont faits par les principaux.les acteur.rice.s de la VR – on parle de milliards investis. Actuellement, je passe de plus en plus de temps à regarder des films à 360° – 180°, selon moi, ne sera jamais suffisant pour une expérience optimale – et lorsque je me rends au cinéma, je suis frustré. J’ai notamment adoré le dernier Blade Runner, mais cela me manque terriblement de ne pas pouvoir regarder autour de moi comme je veux. Je ressens très fort maintenant le côté non immersif du cinéma « plat ». Il me manque quelque chose. Être à l’intérieur d’une histoire, plutôt qu’être à l’extérieur protégé par une espèce de mur, est une expérience extraordinaire. Ajoutez à cela la capacité de la VR à construire un ersatz d’intimité de proximité, y compris charnel, c’est d’autant plus fort et attirant.
Et son avenir, dans le champ de la cybersexualité ?
M. R. : Il y aura, je pense, de nombreuses catégories : le porno, bien entendu, mais aussi des options qui permettront de vivre sa sexualité sans contrainte de genre. La VR va également permettre d’enrichir et de diversifier les relations sexuelles physiques. Au fur et à mesure, nous aurons des menus pour faire l’amour dans des environnements virtuels : sur une plage idyllique, au clair de lune sur un bateau, sur une peau de bête près d’une cheminée… des environnements fantasmatiques, combinaisons entre des éléments de scénarios virtuels, de décors supposés pimenter, agrémenter, enrichir l’acte en lui-même. Il ne faut pas penser le sexe cybernétique uniquement en termes de partenaires virtuel.le.s. Ce sera beaucoup plus riche.
Parcours de Michel Reilhac
Il dirige Submarine Channel depuis janvier 2017. Il est basé à Amsterdam. Il est par ailleurs directeur des Études au Biennale College – Cinema de Venise, et programmateur de la section VR, Venice VR, du Festival international de cinéma de la Biennale de Venise.
À voir
Rooftop, 2015.
Viens ! 2016.
Living in Paris (12 épisodes)
Ponteio (avec le pianiste Simon Ghraichy), 2017.
Fugue VR (sur une chorégraphie de Yoann Bourgeois). En cours
Mona (série, comédie en 8 épisodes de 10 minutes). En cours
Vous nous avez usées avec votre écriture inclusive ridicule et caricaturale. Il nous faut un double foyer et une aspirine ^pour vous lire.
Adeline, pourtant fémi...nine jusqu'au bout des ongles
C'est vrai que ça complique la lecture ... Mais comment faire alors ?
Comment faire ? Et bien revenir à l’ecriture habituelle, sans faute. C’est assez subversif comme idée, je trouve.
C'est drôle, je pensais plutôt à réfléchir ensemble pour trouver de nouvelles façons de faire.. Ça doit être trop subversif aussi...
Cet article de l'Académie Française ( http://www.academie-francaise.fr/actualites/declaration-de-lacademie-francaise-sur-lecriture-dite-inclusive ) signale bien le problème que l'on a : pourquoi rendre confuse une langue déjà suffisamment complexe ?
Peut-être que la solution serait de supprimer le genre façon langue anglaise. Mais je ne saurais imaginer les réactions à un tel changement...
De l'évolution de notre langue ou de sa mort.
Quels choix, quels risques, quelles bonnes idées ?