Un humain avec un masque de pigeon en veste

Dark patterns : comment les sites d’e-commerce vous poussent à l'achat

© PeopleImages via Getty Images

Témoignages mensongers, boutons culpabilisants… Les sites de e-commerce usent et abusent des dark patterns, ces astuces qui vous encouragent à dépenser. Une étude de l’université de Princeton a quantifié ce phénomène.

C’est bientôt les vacances et en réservant votre hôtel sur Booking, vous allez sans doute lire cette petite accroche stressante « 24 autres personnes regardent cette page ». Le site utilise cette technique - et de nombreuses autres - pour nous inciter à réserver notre voyage au plus vite. Dans le milieu du design utilisateur (UX), on nomme ces méthodes les dark patterns. Des messages, notifications, codes couleurs et autres pièges qui manipulent l’internaute pour le pousser à rester sur un site ou à acheter. Des chercheurs de l’université de Princeton (New Jersey, États-Unis) ont voulu quantifier ce phénomène. Ils ont épluché 11 000 sites d'e-commerce grâce à un algorithme et ont identifié des dark patterns sur 1 267 sites, soit 11 % d’entre eux.

Les sites web les plus populaires sont ceux qui utilisent le plus les dark patterns, notent les chercheurs.  

Les pseudo bonnes affaires de faux clients

Toutes les méthodes sont bonnes pour vous faire dégainer votre carte bancaire. Y compris les moins honnêtes. Sur ThredUp, un site américain où les utilisateurs peuvent acheter et revendre des vêtements de seconde main, les chercheurs ont constaté une forte utilisation de message pop-up du type « Maria de Washington vient d’économiser 95 euros en achetant ce blouson en cuir ». Sauf que Maria de Washington n’a jamais acheté ce blouson, car Maria de Washington n’existe pas. Cette notification a été générée aléatoirement par les développeurs du site ThredUp à partir d’une liste de noms, de produits et de villes. Ce type de dark patterns est trompeur, estiment les chercheurs. Il utilise de fausses informations pour inciter l’internaute à l’achat. Une vingtaine des sites observés par l’étude utilisent des dark patterns trompeurs.

Contacté par le New York Times, un porte-parole de ThredUp précise que les données concernant les économies réalisées par les acheteurs étaient réelles, mais les noms et les villes ne l’étaient pas pour respecter la vie privée de leurs clients. Lorsque le quotidien américain lui demande si les notifications concernent bien des achats récents : silence radio.

« Non merci, je préfère payer plein pot ! »

D’autres dark patterns cherchent à culpabiliser l’acheteur. Sur le nombre de sites scrutés par les chercheurs, 160 utilisent le « Confirmshaming » , une méthode pour inciter l’internaute à faire le « bon » choix. Cliquer sur un bouton « Non, merci ! Je préfère faire partie du club des gens qui paient plein pot » si vous refusez d’adhérer à une offre d’abonnement par exemple.

L’un des dark patterns les plus utilisés par les sites de e-commerce reste les alertes sur la rareté d’un produit pour augmenter sa désirabilité. Généralement, il s’agit de messages indiquant qu’il ne reste qu’une quantité limitée du produit ou que ce dernier est très demandé. Certaines de ces notifications sont, encore une fois, trompeuses. Sur le site Orthofeet.com (où l’on trouve des chaussures orthopédiques), les chercheurs ont remarqué que l’alerte « Dépêchez-vous, derniers produits en stock ! » apparaissait systématiquement pour chaque produit. Idem pour le site de vêtements bon marché Fashionnova.com qui indique constamment « les produits de votre panier sont très demandés ».

Aider les régulateurs à appréhender les dark patterns

Les chercheurs veulent que cette étude et l’algorithme qu’ils ont développé pour identifier automatiquement les dark patterns servent aux régulateurs gouvernementaux. L’idée est de les aider à mieux appréhender ces méthodes d’incitation à l’achat parfois mensongères.

« Toutes les méthodes identifiées dans notre étude ne requièrent sans doute pas l’attention des gouvernements. Mais l’utilisation de dark patterns devrait être plus transparente afin que les e-consommateurs soient plus conscients de la manière dont leurs comportements sont orientés », explique au New York Times Arvind Narayanan, professeur en sciences de l’informatique à Princeton et auteur de l’étude.

Pour le moment, peu de lois s’attaquent directement aux dark patterns. Dans l’Union Européenne, le Règlement général sur la protection des données (RGPD) protège uniquement les internautes des méthodes trompeuses de collecte des données personnelles. Aux États-Unis une proposition de loi visant à interdire les dark patterns a été déposées en avril par la sénatrice du Nebraska Deb Fischer et le sénateur de Virginie Mark Warner.

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Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.

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