Application Spotify utilisée sur un smartphone

Baby White Noise, Musique Pour Dormir… Pourquoi des « artistes » aux noms génériques envahissent Spotify

© Fixelgraphy via Unsplash

Leur musique n’a pas grand intérêt mais ils maîtrisent parfaitement l’art du SEO.

Connaissez-vous Baby White Noise ? Ne cherchez pas, il ne s’agit pas d’un obscur groupe de rock indé. Baby White Noise n’existe pas en dehors de Spotify. Pourtant l’un de ses titres (deux minutes et 16 secondes de bruit blanc, un chuintement censé apaiser les bébés) cumule plus de 8 millions d’écoutes sur la plateforme.

Comme Music for Dogs, Music for Cats ou le plus pointu Hair Dryer for Background Noise (sèche-cheveux pour bruit de fond), cet « artiste » prend le nom d’une recherche régulièrement tapée sur la plateforme pour générer un maximum d’écoutes, explique le média One Zero. Un moyen de collecter quelques deniers.

Relaxing Jazz for Pets

La plateforme n’est pourtant pas connue pour être lucrative. Les musiciens qui y sont diffusés n’empochent que 0,004 centime par écoute. Mais multiplié par quelques millions, cela représente des dizaines de milliers d’euros. Pas de quoi devenir multi-millionaire non plus. Sur un mois, ce type d'artiste peut gagner entre quelques centaines et quelques milliers d'euros, estime One Zero

Pour être mieux référencés par l’algorithme, certains choisissent des adjectifs souvent utilisés pour qualifier une musique : « relaxing » ou « relaxante », par exemple, d’autres préfèrent se concentrer sur une activité « Musique pour le Yoga Mindful Mama », ou sur un genre de musique « LoFi Chill ». D’autres combinent les possibilités : « Relaxing Jazz for Pets ». Au programme : souvent le même genre de musique d'ambiance instrumentale sans grand intérêt. 

600 fois le même morceau, qui dit mieux ?  

Les titres des chansons sont eux aussi optimisés avec moult mots-clés, et les morceaux souvent téléchargés en multiples exemplaires pour mieux remonter dans les résultats de recherche. Relaxing Music, écouté par plus de 500 000 auditeurs mensuels, cumule par exemple 616 exemplaires du morceau Stream in the forest With Rain (un melting-pot de bruits d'oiseaux et autres bruissements de feuilles d'arbres). Ce même artiste a publié plus de 100 albums en 2020 sur la plateforme.

Selon One Zero la plateforme regorge de ces artistes au nom générique et aux titres répétitifs. Certains se font aider par des entreprises spécialistes du SEO (search engine optimization) ou l’art d’être bien référencé par les moteurs de recherche. Submit Music est l’une d’elles. Son métier consiste notamment à choisir des noms d’artistes, de chansons et d’albums adaptés aux algorithmes des plateformes comme Spotify.

Une playlist pour tout 

Spotify ne fait pas grand chose contre ces spammers professionnels, explique le média américain. Car la plupart n’enfreignent pas les règles de la plateforme. Le spécialiste du streaming a même d’une certaine manière encouragé ce type de pratiques en créant des playlists « pour dormir », « pour étudier », « pour travailler » etc. Et en favorisant l’écoute par fonctionnalité plutôt que par artiste. 

La vision de Daniel Ek, le fondateur de la plateforme, a toujours été d’encourager la quantité de titres publiés sur sa plateforme. Quitte à noyer les artistes intéressants dans une marée de comptes génériques optimisés pour son algorithme. 

Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.

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