Capture d'écran Teezyli, illustration de Nirbion

Des artistes piègent des bots Twitter qui volent leurs oeuvres pour en faire des t-shirts

Plusieurs artistes en colère mènent des expériences sur le réseau social pour piéger les bots et dénoncer cette infraction au copyright.

Si vous publiez un dessin trouvé sur Twitter avec la mention « J’aimerais beaucoup l’avoir sur un t-shirt » (en anglais de préférence), il est possible qu’un bot exauce votre souhait et qu’un beau col V avec l'illustration soit en vente quelques heures plus tard. Sauf que les individus derrière ces bots ne s’encombrent pas de savoir s'ils ont le droit d'utiliser et de commercialiser ces contenus qui ne leur appartiennent pas.

« Ce site vole des oeuvres d'art »

Pour dénoncer la pratique, des artistes agacés ont mené diverses expériences sur Twitter ces derniers jours. L’illustratrice @Hannahdouken (Nana) est la première à avoir eu l’idée. Elle a posté un dessin portant l’inscription suivante « Poo poo, pee pee, Ce site vend des oeuvres d’art volées, n’achetez pas leurs produits », en demandant à sa communauté de retweeter son dessin avec la mention « J'aimerais un t-shirt avec ce dessin ». Bingo ! Quelques heures plus tard, un bot Twitter lui envoie un lien d’un t-shirt portant son inscription en vente sur le site Moteefe pour la somme de 20,71 euros.

Cette plateforme permet à quiconque de télécharger un design (photo, dessin, inscription, citation), de choisir le type d’articles sur lequel l’imprimer (t-shirt, mug, sweat-shirt, sac en toile…). Moteefe se charge ensuite de les vendre en ligne, d’en faire la promotion sur les réseaux, puis de l’imprimer si quelqu’un l’achète. Le tout en quelques clics et « gratuitement » (la plateforme se rémunère en prenant une commission sur les ventes). Les sites Teezily et Gearbubble font la même chose. 

Le t-shirt portant le dessin volé de Nana s'est également retrouvé en vente sur d’autres sites comme Toucan Style, Teeshirtpublic, Amazon et CopThisTee en moins de 24 heures. Ces marketplaces ont des partenariats avec les plateformes comme Moteefe.

Mickey mêlé à l'affaire 

Un autre twittos designer, @Nirbion, a lui aussi voulu piéger ces bots voleurs de design. Cette fois-ci avec un dessin de Mickey accompagné de la bulle : « Je suis Mickey Mouse et je sens les oeufs pourris ha-ha ». Le personnage est entouré d'inscriptions : « Ceci n’est pas autorisé par la société Walt Disney, ce n’est pas une parodie. Nous ne respectons pas le copyright et voulons être poursuivis par Disney. Nous paierons tous les frais judiciaires. » Ces followers ont retweeté sa publication en indiquant qu’ils « adoreraient avoir ce dessin sur un t-shirt ». Encore bingo ! Le t-shirt était en vente quelques heures plus tard sur Moteefe, Teezyli, GearBubble et d’autres plateformes. Moteefe a retiré le t-shirt peu de temps après. Il est toujours présent sur GearBubble et Teezyli à l’heure où nous écrivons ces lignes.

L'objectif de Nirbion est d'obtenir une réaction de Disney pour que la campagne de dénonciation ait davantage de poids. La marque n’a pour le moment pas réagi.

Les plateformes ne contrôlent pas les vendeurs

La plupart de ces plateformes indiquent sur leur site que commercialiser un design qui enfreint le copyright est interdit. Elle s’engage à retirer un produit de la vente s’il enfreint ce droit, mais certaines précisent ne pas avoir les moyens de vérifier l’origine du design en amont. « Pour le copyright modéré, nous n’avons pas la possibilité de remarquer/savoir qui a créé quoi pour chaque design puisque cette protection ne requiert pas un enregistrement officiel de l’œuvre mais simplement de « l’originalité ». Donc, nous devons nous reposer sur les individus pour nous informer de copyrights. Les auteurs remarquant leur design dans une campagne commercialisée par autrui peuvent nous contacter (...) avec toutes preuves de création », précise par exemple Teezyli.

Pour les créateurs, faire reconnaître leurs droits auprès de ces sites relève bien souvent du parcours du combattant : il faut repérer les plateformes qui vendent illégalement leur design, les contacter et prouver à chaque fois qu’il s’agit bien de leurs créations.

Nous avons contacté Moteefe et Teezyli pour en savoir plus. Nous n’avons, pour le moment, pas de réponse de leur part.

Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.
commentaires

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  1. Avatar Youlpi dit :

    Ces plateformes de t-shirts sont de vraies horreurs qui se jouent des propriétés intellectuelles des artistes.

    Je suis designer graphique et je me fais régulièrement voler par des sites webs où l'on peut lancer des campagnes de t-shirts en utilisant (très facilement) le travail des autres... Cela m'oblige a faire un travail de veille quotidien pour vérifier si l'on me vole ou pas (évidemment ce travail de veille n'est pas rémunéré par ces plateformes bien qu'il soit chronophage alors que c'est au fabricant de s'assurer EN AMONT de bien posséder les droits de diffusion, les droits reproduction avant de produire quoique ce soit...)

    J'imagine qu'il y a pour l'instant un flou juridique qui protège ces sites webs...combiné certainement au manque de réaction des artistes pillés qui se contentent pour la plupart de faire retirer leurs oeuvres volées sans pour autant mener d'action en justice...

    Il serait peut-être temps que les artistes créent un collectif de défense pour mettre fin à ses pratiques douteuses...

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