une jeune femme blonde en colère qui tourne le dos à un chateau

L'effet Game of Thrones : comment les fans déçus deviennent des tyrans de la pétition

© Game of Thrones, HBO

Quel est le point commun entre Game of Thrones, Les mondes de Ralf 2, Sonic le hérisson ou bien encore Star Wars ? Réponse : des pétitions de millions de fans en colère.

Dans le film Misery (et la nouvelle de Stephen King dont il est adapté), nous suivons le cauchemar de l‘écrivain Paul Sheldon. Ce dernier vient d'avoir un grave accident de voiture et est recueilli par Annie Wilkes une infirmière psychopathe. Bien qu'elle soit sa plus grande admiratrice, cette dernière est mécontente de la manière dont les livres de l’auteur se sont terminés. Elle va donc le séquestrer et l’obliger à réécrire la fin avec quelques coups de maillet bien sentis.

Quand les fans demandent une réécriture

19 ans plus tard, difficile de ne pas faire de parallèle entre cette histoire d’horreur et les relations qu’entretient le public avec certaines œuvres cinématographiques ou télévisuelles cultes. Des communautés de plusieurs centaines de milliers de personnes utilisent les médias sociaux, et notamment Twitter, pour montrer leur mécontentement ou demander des réécritures quand les films ou les séries ne vont pas dans le sens qu'ils souhaitent. Le dernier exemple en date est bien évidemment Game of Thrones. « Choquées et déçues », plus d'un million de personnes ont signé une pétition demandant à la chaîne HBO de « refaire la saison 8 avec des auteurs compétents ».

On est certain que les showrunners apprécieront cette petite attention après huit années de bons et loyaux services ! Sur Rotten Tomatoes, un site de critiques, l’épisode « The Bells » a même remporté la mauvaise note de 48%. Le même site est d’ailleurs souvent utilisé par les fans en colère pour « punir » une œuvre en lui collant de mauvaises critiques. En décembre 2017, c'était le film Star Wars, The last jedi qui subissait lui aussi la colère des fans avec plus de 100 000 signatures pour demander « l'effacement du film ».

Une intervention dès la première bande annonce

Ce genre de polémique touche même les films avant leur sortie officielle. Fin avril 2019, c’était la bande-annonce du film Sonic qui a provoqué la colère sur le web. La raison invoquée ? Le design du personnage n’est pas suffisamment proche du concept original. Plusieurs geeks vont même jusqu’à proposer leur propre concept sur Twitter afin de « prouver » au producteur qu’il s’est planté.

La tactique a d’ailleurs bien fonctionné puisque le réalisateur Jeff Fowler a indiqué que le personnage allait être transformé pour mieux répondre aux exigences des fans.

Accueillie avec plaisir par les fans, cette décision a toutefois fait enrager les professionnels de l’animation. En effet, plusieurs centaines d’infographistes vont devoir travailler d’arrache-pied afin de corriger les nombreux effets spéciaux du film avant sa sortie en novembre 2019.

Finir une série, c'est un peu comme un deuil

Pour David Peyron, maître de conférences en sciences de l'information et de la communication à l'université d'Aix-Marseille et auteur du livre Culture Geek, cette « tyrannie » des fans s'explique de plusieurs manières. « À partir de la popularisation du web vers 2005, l’industrie de l'entertainment s’est rendue compte que les fans se réunissaient sur des forums pour discuter de films et de pop culture. Ils ont commencé à les faire participer à certains projets en les laissant choisir des acteurs pour de seconds rôles ou en leur faisant écrire des dialogues, comme ce fut le cas dans le film Des serpents dans l'avion » (avec le résultat que l'ont connaît).

« Les fans ont cru qu’ils avaient gagné du pouvoir et même si c'était surtout du marketing, ils ont finalement gardé une forte influence sur l'industrie. » S'ajoute à cela, l'importance de la pop culture dans la vie du grand public. « On vit dans une société en manque de repères et les grandes sagas comme Game of Thrones viennent prendre le relais, poursuit David Peyron. On suit des personnages et une histoire sur de longues périodes, parfois plus de 10 ans. Quand la fin arrive, nombreux sont ceux qui le vivent comme un deuil. Ils ressentent de la colère ou bien le besoin de marchander auprès de la production. C’est aussi pour cette raison que l’on a toujours des spin-off ou des suites qui n’en finissent pas. »  

TV Show IMDb User Rating Trajectories [OC] from r/dataisbeautiful

Signer pour mieux mettre la pression

L’autre raison de la multiplication de ces pétitions réside aussi dans la popularisation de ce type d’outil. « Quand une oeuvre ne satisfaisait pas les fans, les plus motivés d’entre eux écrivaient des fan fictions, poursuit David Peyron. il s’agit de récits qui continuent l’histoire ou en imaginent de nouvelles. C'est une tendance toujours présente, mais noyée dans la masse. Aujourd'hui, il est plus facile de participer en signant une pétition. »

Cette facilité de mettre la pression sur des choix artistiques n'est pas réservée qu’aux geeks. Les internautes profitent aussi de ce nouveau super-pouvoir pour défendre le féminisme ou l’antiracisme sur Twitter, notamment auprès de Disney lors de la sortie du film Les mondes de Ralf 2 en 2018. Lors de la sortie du trailer, la princesse Tiana était en effet représentée avec un nez fin et une couleur de peau plus claire. Après un coup de sang sur les réseaux, et l’intervention de l’actrice Anika Noni Rose qui interprète le personnage, ce dernier a été légèrement redessiné afin de mieux correspondre aux standards de la communauté. « Sur Twitter, les groupes constitués autour de luttes vont plus facilement se remobiliser pour peser ensuite, poursuit David Peyron. Il s'agit surtout de gamers qui luttent beaucoup face aux attaques sur la dangerosité du média, et des féministes qui luttent pour l'égalité des sexes. »

Qu'en pensent les équipes ?

Ces caprices de fans posent toutefois la question de la place de l’auteur. Après tout, le réalisateur n’est-il pas tout puissant sur son oeuvre ? On se souvient des équipes de How I Met Your Mother qui, face à la vindicte populaire, avaient fini par sortir une deuxième version de l'épisode final pour ravir les fans. 

Pour David Peyron, les choses sont plus compliquées que ça. « Les gros projets de pop culture sont moins portés par des réalisateurs et plus par des producteurs, explique-t-il. Et ces derniers ont pour premier objectif de rendre une franchise rentable. Pour ça ils doivent plaire aux fans, mais surtout, ils doivent savoir jouer avec eux pour susciter de l’envie et combler leurs attentes. »

À ce petit jeu, c’est surtout J. J. Abrams, réalisateur de Star Wars IX entre autres, qui connaît la formule magique pour parler à l’oreille des fans. « Il sait comment instaurer un dialogue avec eux, poursuit notre spécialiste. Il va créer de nombreux mystères tout en donnant des indices qui satisfont le public le plus investi. C’est notamment à cause de lui que nous sommes obsédés par les spoilers. La surprise permet de repousser toute forme de critique de la part des fans. Ils ne peuvent pas vraiment juger un film sur une bande-annonce et sont obligés d’aller le voir pour se faire un avis et éviter de se faire divulgâcher. »  

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David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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commentaires

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  1. Avatar Thom dit :

    Article incomplet et indigeste, car à charge et unilatéral. Quid des réalisateurs qui ne s'entendent pas pour créer une oeuvre commune, cohérente, mais au contraire imposent leur propre vision au détriment du travail passé, comme c'est le cas de Star Wars 8 par rapport au 7 ? Quid des réalisateurs qui ne connaissent rien à leur sujet de film, comme c'est le cas pour Dragon Ball Evolution ? La colère des fans n'est que la juste réaction face à un jemenfoutisme décomplexé de l'industrie cinématographique qui, en piochant au hasard dans la pop culture, est assurée d'un bénéfice sans avoir à assurer la qualité. Allons, L'ADN, vous nous avez habitué à plus de perspicacité...

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