Depuis le début de la guerre qu'elle a entamée, la Russie est soumise à des sanctions économiques d'une ampleur inégalée. Quel arsenal a été déployé et quels sont ses effets sur l’économie russe ?
L’économie russe est pilonnée par un arsenal de mesures répressives, ce qui place la Russie en tête des pays les plus sanctionnés de l'Histoire devant l'Iran, la Syrie et la Corée du Nord. Cette vague de représailles économiques à spectre large aura un fort impact sur la vie quotidienne de millions de Russes.
Le rouble fortement déprécié
Quoi ? Pendant que Vladimir Poutine lançait ses chars contre l’Ukraine, le cours de la monnaie russe chutait brutalement. Le rouble a perdu près de la moitié de sa valeur depuis le 25 février : 1 euro vaut aujourd’hui 150 roubles (contre 93 mi-février) quand 1 dollar vaut 138 roubles (contre 83 mi-février). En clair, l’argent russe ne vaut plus grand-chose. La Banque centrale russe tente depuis deux semaines de limiter les dégâts. Elle a relevé son taux directeur de 20 % de manière à empêcher les Occidentaux d’acheter des devises russes. D’autres mesures visent à fortement soutenir la monnaie nationale. Les exportateurs russes sont obligés de convertir les recettes tirées de leurs exports en roubles. Le marché des capitaux est fortement encadré, ainsi les résidents russes ont l’interdiction de transférer leurs fonds à l’étranger. Le président Poutine a également invité ses compatriotes et les entreprises russes à ne pas honorer leurs dettes vis-à-vis des créanciers étrangers, ce qui pourrait se traduire par un défaut sur la dette externe russe de 478 milliards de dollars. En conséquence, les banques européennes qui détiennent des titres de dette russe voient leur cours dévisser, c’est le cas de la Société Générale.
Quelles conséquences ? La dépréciation du rouble va entraîner une forte inflation, c'est-à-dire que les prix des produits et services du quotidien vont augmenter sur la durée. Triste répétition de l'histoire, le peuple russe devra très certainement se serrer la ceinture. Il est possible que la situation accélère l’adoption des cryptomonnaies, puisque celles-ci bénéficient de leur caractère non-étatique et jouent à plein leur rôle de réserve de valeur. En parallèle, les analystes prévoient déjà une contraction du PIB de 15 %, deux fois plus qu’après la crise financière de 2009 qui avait fortement touché le pays. La perspective de ce choc économique semble toutefois avoir peu d’impact sur la popularité du président Poutine.
L’exclusion de plusieurs banques russes du système SWIFT
Quoi ? Cette mesure représente une frappe chirurgicale. Il s’agit d’exclure les principales institutions financières russes du système de paiement SWIFT, qui est devenu une norme en matière de transactions internationales. À ce jour, cette mesure ne concerne pas les deux banques systémiques Sberbank et Gazprombank [mise à jour : Ursula Von Der Leyen a annoncé le bannissement de la banque Sberbank le 4 mai 2022, ndlr], c'est-à-dire les institutions financières liées aux intérêts énergétiques russes.
Quelles conséquences ? Sans SWIFT, pas de communication sécurisée sur les virements à l’international. Les entreprises russes doivent compter sur leurs propres moyens pour envoyer les ordres de virement, ce qui les entrave pour le commerce à l’international. En conséquence, certaines se tournent déjà vers des alternatives, comme le système chinois CPIS. À terme la relation commerciale Chine-Russie pourrait se trouver considérablement renforcée.
Mastercard, Visa et American Express suspendent leurs opérations en Russie
Quoi ? Cette décision doit empêcher les cartes russes de fonctionner à l’étranger et les cartes étrangères de fonctionner en Russie.
Quelles conséquences ? L’isolement de l’économie russe se confirme. À eux deux, les géants américains Mastercard et Visa représentent 74 % des paiements en Russie. Les transactions quotidiennes seront donc fortement entravées. Certaines banques russes ont d’ores et déjà annoncé se tourner vers le système de paiement chinois UnionPay pour émettre des cartes. Entre la Chine et la Russie, une nouvelle alternative monétaire est en train de se dessiner.
Les exportations en direction de la Russie fortement entravées
Quoi ? Matériel technologique de pointe, informatique, composants électroniques, éléments destinés à la fabrication de systèmes énergétiques… Les exportations vers la Russie sont désormais interdites. Les pays occidentaux ne pourront « même plus vendre une brosse à dents à l’armée russe ».
Quelles conséquences ? Les sanctions qui visent les exportations sont destinées à fortement isoler l’économie russe tout en s’assurant qu’aucun produit manufacturé à l’Ouest ne vient soutenir l’effort militaire de l’armée de Vladimir Poutine.
Le gel des avoirs des oligarques
Quoi ? Sport, médias, économie, politique… L’argent russe coule à flots en Europe, que l’on parle de yachts dans le port de Cannes, de villas Art déco à Biarritz, de comptes en banque en Suisse ou de clubs de foot en Angleterre. Le gel des avoirs des oligarques constitue donc un volet important de sanctions qui visent le portefeuille de l’élite économique russe. Mais, en pratique, la mise en œuvre de ces sanctions est difficile car ces investissements passent le plus souvent par des sociétés écrans. En France, le ministère de l’économie a constitué une « task force » pour faire appliquer les sanctions.
Quelles conséquences ? Ces sanctions frappent les intérêts russes au portefeuille. À terme, l’enjeu est de parvenir à limiter les fuites de capitaux et le blanchiment d’argent. Mais, pour l’économiste spécialiste de la taxation du capital Gabriel Zucman, ces sanctions sont trop ponctuelles et n’auront que peu d’effets. Il défend l’idée de mesures structurelles allant dans le sens d’une vraie taxation des richesses.
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