
Obsession de bobo pour certains, simples annonces politiques pour d'autres, la végétalisation des villes possède en réalité de nombreux avantages pour les urbains.
Article mis à jour le 29 avril 2020.
Après plusieurs semaines de confinement, les villes commencent à s’adapter à l’après, en facilitant notamment les déplacements à vélo. C’est aussi le moment de relancer le débat sur la végétalisation des espaces urbains. Car à en croire le million de Franciliens qui a fui la région pour se mettre au vert à l’annonce du confinement, vivre à proximité de verdure à son importance. Dans les villes ultra-denses comme Paris, la végétalisation est un véritable enjeu pour les citoyens. Pour que le monde post-Covid ne ressemble à celui d’avant, on ferait bien de s’y intéresser.
Des arbres pour être en meilleure santé mentale
Bien avant d'être confiné, le manque de nature à Paris a été un choc pour Hugo Meunier, fondateur de Merci Raymond qui a pour mission de reconnecter les citadins à la nature. À travers sa start-up, celui qui a grandi dans une ferme du Sud-Ouest, travaille désormais à introduire de la verdure dans nos espaces urbains. Il l’affirme : « il n’y a que des bénéfices à avoir de la nature en ville. » Et les études abondent en ce sens.
En 2015, un article publié dans la revue Scientfic Reports mettait en avant les bienfaits des arbres en ville. En étudiant la population urbaine de Toronto, les chercheurs ont montré que la présence d’arbres permettait aux habitants de se sentir mieux. 10 arbres en plus sur un pâté de maisons produisent les mêmes bénéfices, en termes de perception, qu’une augmentation de salaire de 10 000$ annuels. Un arbre bien feuillu aurait donc le même effet qu’un compte en banque bien rempli. Bon à savoir. En 2013, une autre étude canadienne avait déjà montré les liens entre la présence d’espaces verts et la bonne santé mentale des individus.
En juillet 2019, des chercheurs australiens sont également arrivés à la conclusion que les arbres en milieu urbain engendraient une réduction des risques de troubles psychologiques. D’après leur étude, les feuilles vertes procurent un apaisement sensoriel dans « un environnement dominé par les angles droits, les surfaces dures et les publicités. »
Dépolluer l’air des villes avec des arbres ?
Les bienfaits ne sont pas que psychologiques : ils sont également physiques. Alors que l’été 2019 a été marqué par des pics de chaleur dépassant les 40°C, les arbres permettent de créer des îlots de fraîcheur. « Avoir certains types de végétaux en ville permet de dépolluer les espaces publics », explique Hugo Meunier. Les particules en suspension sont réduites de 7 à 24% à proximité des arbres urbains, d’après une étude de l’ONG américaine The Nature Conservancy.
Mais attention, pas n’importe quels arbres. Les platanes, chênes ou peupliers peuvent par exemple aggraver la pollution en émettant des composés volatils organiques, précise la journaliste Carine Mayo.Pour verdir nos villes correctement, il ne suffit pas de promettre des milliers d’arbres à tout va. D’ailleurs, la journaliste rappelle que la capacité de séquestration de la pollution par les arbres n’est mesurée qu’en laboratoire. Des chercheurs de l’université de Southampton ont ainsi estimé que passer de 20% à 30% d’arbres à Londres n’aboutirait qu’à 2,6% de particules en suspension de moins.
De la nature pour reconnecter les citoyens entre eux
En matière de végétalisation des villes, attention aux fausses bonnes idées. Ces fausses solutions, l’architecte Philippe Madec les combat. Pionnier de l’éco-responsabilité dans son domaine, il fustige une réintroduction artificielle de la nature en ville et n’hésite pas à qualifier les murs végétalisés de « greenwashing ». Sur ce point, l’architecte dénonce un « mensonge d’un point de vue écologique » mais reconnaît que l’intérêt de la végétalisation se situe ailleurs : dans les relations sociales des citoyens. Un point sur lequel le rejoint Hugo Meunier.
Pour l’entrepreneur, la végétalisation de l’espace urbain est avant tout une question de lien social. Plus que leur efficacité environnement, il voit dans les jardins partagés des lieux de sociabilisation. Des espaces plus que nécessaires alors que 93% des Français pensent qu’on se sent facilement seul en ville, d’après une étude Ipsos.
Ce ne sont pas les potagers urbains qui vont nous nourrir
Quand on parle de végétalisation de la ville, on arrive inéluctablement au sujet des potagers urbains. Et sur ce point, Philippe Madec n’est pas tendre avec les « petits gestes ».
« Je me moque souvent de ceux qui pensent qu’ils vont changer le monde en plantant des tomates cerises sur leur balcon. La réalité, c’est qu’avec un jardin familial ou partagé, vous ne produisez qu’entre 500 et 600 euros de légumes. Ce n’est pas ça qui va vous faire vivre. », confiait-il à L’ADN. Hugo Meunier ne se fait pas non plus d’illusion sur l’agriculture urbaine. Pourtant défenseur de tout ce qui contribue à rendre la ville plus verte, il reconnaît que « pour nourrir Paris, il faudrait 650 000 hectares à cultiver » et que les estimations de la production locale représentent « seulement 2 à 4% de l’autonomie alimentaire de la ville. » À la tête de l’Observatoire de l'agriculture urbaine et de la biodiversité en Île-de-France, Antoine Lagneau indiquait à France Culture que « l'agriculture urbaine ne contribuera qu'à la marge à l'alimentation des villes ».
Pourtant dans ce domaine, les projets et innovations ne manquent pas. La start-up Agricool vient d’inaugurer sa ferme urbaine à La Courneuve, capable de produire 6 000 barquettes d’herbes aromatiques et de salades par jour. En 2020, le toit du Parc des Expositions de la Porte de Versailles devrait accueillir une ferme de 14 000 m2. Un peu plus loin, à Romainville, on fait pousser la Cité Maraîchère et ses 1 000m2 de culture. Une surface qui reste dérisoire face la population de la ville.
Se reconnecter à la nature via son assiette
Alors à quoi bon s’échiner à faire pousser des fraises sur son balcon ? Pour Hugo Meunier, la réponse est simple : la transition écologique passe aussi par l’alimentation. Ainsi, une personne qui jardine a ainsi plus de chance de consommer 5 fruits et légumes par jour. Et surtout de faire attention à la provenance des aliments et à leur saisonnalité. Les potagers de ville ont donc pour but de reconnecter les habitants à leur assiette plus que de les nourrir. Logique, quand on s’intéresse au contenu de son assiette, on se penche aussi sur son environnement. Pour Hugo Meunier, qui a récemment ouvert un restaurant « de la graine à l’assiette » , c’est évident, l’agriculture urbaine a moins à voir avec l’alimentation que la pédagogie.
D’ailleurs, la pédagogie est au cœur de la végétalisation des villes. « Les arbres et les végétaux ne sont que la partie émergée de l’iceberg », explique l’entrepreneur. Pour verdir nos espaces urbains, il faudra donc faire un peu plus que planter des milliers d’arbres et créer des potagers géants sur les toits. Mais plutôt imaginer des projets qui permettent à tous les citoyens de s’engager et d'effectuer leur retour vers le vivant, même en ville.
Les Balles de Graines (https://balles-de-graines.com) sont un bon moyen pour végétaliser les villes efficacement et tout simplement.