Un bol de soupe avec des pâtes alphabet

Burger vegan, crème végétale... la bataille de l'alimentation se joue sur les mots, pas dans l’assiette

© margouillatphotos via GettyImages

Un steak peut-il être vegan ? Un lait peut-il être végétal ? Bien loin des vraies problématiques, la linguistique est devenue le nouveau cheval de bataille de l'industrie agro-alimentaire.

Depuis quelques années, la guerre est à couteaux tirés entre les viandards proclamés et les vegans convaincus. Bien-être animal, santé humaine et exploitation des ressources, l’alimentation est au cœur des enjeux d’aujourd’hui et de demain. Mais le combat semble désormais se jouer bien plus sur les mots que dans nos assiettes.

Oui, aux saucisses végétales. Non, au yaourt au soja.

Vendredi 23 octobre 2020, l’Union Européenne a tranché. Enfin, presque. Les euro-députés ont rejeté un amendement visant à interdire aux fabricants de « fausse viande » l’utilisation des termes comme steak, burger, saucisse ou escalope. On pourra donc toujours se vanter de manger un hot-dog végétal sur Instagram. En revanche, pour les yaourts et laits végétaux, c’est non. Les termes « yaourt », « fromage » et « crème » seront désormais réservés aux produits contenant du lait animal. Et l’interdiction s’étend aux expressions « goût fromage », « saveur crémeuse » ou « substitut de beurre ». Pour clarifier la situation auprès des consommateurs, c’est raté.

Pourquoi tant de lois ?

À défaut d'avoir vraiment un sens, le débat fait rage. Il faut dire que l’industrie des alternatives aux produits d’origine animale a de quoi faire peur malgré son jeune âge. L’entreprise américaine Beyond Meat, spécialisée dans la viande végétale, a réalisé l’une des plus grosses entrées en bourse de ces 20 dernières années. Pendant le confinement, la consommation de viande d’origine végétale s’est envolée aux États-Unis. Et même avant que le Covid-19 mette le monde à l’arrêt, des experts voyaient déjà l’année 2020 comme un tournant en matière de consommation de viande. À Noël dernier, 15% des repas de fête étaient dépourvus de viande au Royaume-Uni.

Dans l’assiette, le mouvement est déjà en marche. Alors les défenseurs des industries agro-alimentaires traditionnelles jouent sur les mots. En France, les députés avaient déjà légiféré sur la question et décidé d’interdire à la « fausse viande » d’utiliser les mêmes termes que la vraie. Outre-Atlantique, plusieurs États américains ont adopté des mesures similaires. L’entreprise Tofurky, qui produit une alternative au rôti de dinde, et plusieurs associations ont contre-attaqué. La justice leur a donné raison et a invalidé les lois dans l’Arkansas et le Missouri. En Californie, l’idée que les termes comme « lait de soja » ou « lait d’avoine » créent de la confusion auprès des consommateurs a été jugée absurde.

De l’assiette au dico, même combat

Il est à noter que la réglementation adoptée par le Parlement Européen ne concerne pas le « lait de coco » et le « beurre de cacao ». Ces termes sont considérés comme des expressions établies de longue date et donc compréhensibles par les consommateurs. Preuve, si on en doutait encore, que cette obsession du mot juste a moins à voir avec la linguistique que la défense d’un système alimentaire qui arrive à bout de souffle.

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