Par ces temps troubles, l'urgence serait de trouver une alternative au café : grande idée ou petite arnaque ?

Des pois chiches à la chicorée, en passant par les boissons adaptogènes, les alternatives au café, présentées comme de véritables élixirs de santé, pullulent. Superaliments ou simple effet de mode ?  

Insomnies, maux d’estomac, irritabilité, stress voire dépendance, la consommation de café s’accompagne de nombreux effets secondaires. Pour satisfaire les consommateurs tentés de délaisser le traditionnel petit kawa, de nouvelles boissons sont présentées comme des alternatives « plus saines ». Sont-elles à la hauteur de leurs promesses ?

Le café adaptogène, la tendance 2024

Stimulation cérébrale, amélioration de la concentration et de l’humeur, réduction du stress… À en croire les aficionados, les vertus des boissons adaptogènes (ou fonctionnelles) seraient nombreuses. Le terme, introduit pour la première fois en 1950 par le toxicologue soviétique Nikolaï Lazarev, désigne des plantes ou des champignons supposés augmenter la capacité du corps à s’adapter aux différents stress. Initialement, seules quelques plantes, toutes utilisées en médecine traditionnelle, étaient considérées comme adaptogènes. Parmi les plantes les plus couramment utilisées, on retrouve le Ginseng, la Rhodiole ou encore l’Ashwagandha, utilisé en médecine ayurvédique, pour leurs vertus antistress et énergisantes. Côté champignons, le Reishi, le Cordyceps s'invitent dans les tasses. Les premiers sont utilisés depuis longtemps en Asie comme stimulateur de la réponse immunitaire, tandis que le Cordyceps, champignon « zombie » présent dans la médecine traditionnelle chinoise depuis plus de deux millénaires, stimulerait l'énergie et l'endurance. Et si jusqu'à présent, elles étaient réservées aux initiés, selon Home fit training, le café adaptogène est une boisson d’avenir : « La grande tendance nutrition de 2024. ».

Les cafés adaptogènes : une expression marketing fourre-tout ?

Dans la catégorie des cafés dits « fonctionnels », vous avez peut-être croisé une de nombreuses publicités qui vantent les mérites du café à « crinière de lion » . « Atteignez le next level de productivité », « L'alternative au café la plus bluffante » … Les arguments ne manquent pas pour vanter les mérites de ce champignon comestible utilisé en médecine traditionnelle chinoise pour ses propriétés de tonique cérébral. Il est recommandé pour préserver les fonctions cognitives (mémoire et concentration) et nerveuses. On évoque aussi des vertus en réponse à des problématiques comme l’anxiété, le stress ou l’humeur dépressive », indique Laure Martinat, médecin anesthésiste et phytothérapeute.

Faut-il pour autant l'intégrer à sa morning routine ? Avant de vous précipiter, sachez que malgré les grandes allégations, la recherche sur cet étrange champignon à l'apparence velue a jusqu'à présent principalement porté sur les animaux ou les cellules in vitro, plutôt que sur les humains (mis à part une petite étude contrôlée randomisée portant sur la crinière de lion comme traitement de la maladie de Parkinson). La doctoresse Laure Martinat appelle à la prudence : « D'autres études scientifiques sont nécessaires pour confirmer toutes les propriétés de ce champignon. Cela ne veut pas dire que tous les adaptogènes ne fonctionnent pas. Cela signifie que nous ne savons pas encore grand-chose sur les dosages, l'interactivité ou les effets à long terme. » Un avis partagé dans The Guardian par le professeur Michael Heinrich, biologiste pharmaceutique du groupe de recherche en pharmacognosie (étude des substances venant du vivant ayant un intérêt thérapeutique) et en phytothérapie de l'UCL School of Pharmacy de Londres qui estime qu'à l'heure actuelle, bon nombre des allégations concernant les plantes adaptogènes ou fonctionnelles ne peuvent être fondées. « Ce qui m’inquiète, c’est que les adaptogènes deviennent les nouveaux antioxydants – une expression marketing fourre-tout. J'ai entendu dire que les champignons pouvaient soulager l'anxiété, prévenir la formation de rides, stabiliser la tension artérielle et atténuer les bouffées de chaleur. Ce sont des allégations médicales très fortes. Je pense qu’il y a des leçons utiles à tirer d’une utilisation appropriée des adaptogènes, mais pour la plupart d’entre elles, les preuves cliniques sont entre nulles et extrêmement limitées. »

Les cafés adaptogènes sont-ils sans danger ?

Au-delà des preuves cliniques, Heinrich émet des doutes quant à la réalité des effets compte tenu des dosages proposés. Pour appuyer son propos, il se réfère à une étude mondiale sur les suppléments à base de Gingko biloba qui avait conclu que de nombreux produits ne contenaient pas ce qu'ils prétendaient ou contenaient d'autres ingrédients potentiellement dangereux. Un risque qu'il faut prendre en compte selon le chercheur : « En ce qui concerne les champignons, nous devons garder à l'esprit qu'ils peuvent accumuler des métaux lourds – les plantes cultivées dans des sols riches ou pollués par des métaux, comme le plomb ou le cadmium, peuvent être nocives pour la santé humaine. » Compte tenu de ces dangers, Heinrich se dit favorable à ce que certains adaptogènes bénéficient d'un statut pharmacologique et soient traités, comme des médicaments plutôt que comme des aliments. « Je pense que l’Ashwagandha, par exemple, devrait être réglementé de manière beaucoup plus stricte. Si la dose est faible, il est peu probable que cela fasse quoi que ce soit, mais il existe des risques d'interaction. »

Les alternatives « healthy » au café

En attendant que les nombreuses études en cours sur les vertus des cafés adaptogènes apportent des réponses, ceux qui souhaitent lever le pied sur le café ou tout simplement arrêter ont de quoi se mettre sous la dent. Vous pouvez tester le café de pois chiches (riche en fibres, potassium, fer, magnésium, sélénium et calcium) ou vous laisser tenter par un café chicorée : « Si vous êtes sensible à la caféine ou si vous souhaitez simplement réduire votre consommation, la chicorée est une très bonne alternative », explique Beth Czerwony, diététicienne. En prime, sa haute teneur en inuline (fibres), facilite la digestion. « C'est un prébiotique qui peut aider vos bactéries intestinales à mieux fonctionner. ». À consommer avec modération, puisqu'elle pourrait aussi entraîner des gaz et des ballonnements. 

Et pourquoi pas un lait doré, aux pouvoirs anti-inflammatoires, qui met le curcuma à l'honneur. Parmi les autres boissons tendances, le latté à la lavande aurait des vertus relaxantes, tandis que le café aux céréales, qui contrairement aux apparences ne contient pas de café, mais un mélange d'orge, de seigle, d'épeautre ou de blé, est souvent recommandé dans les programmes détox. Le Yaupon, (outre sa faible teneur en caféine), est riche en théobromine, molécule que l'on trouve notamment dans le chocolat noir et qui permet de réduire la sensation de fatigue, mais surtout de libérer une quantité importante d’adrénaline. Et pour ceux qui veulent continuer à bénéficier des effets de la caféine, certains matcha ou maté procureraient un effet boost identique à celui du café. Enfin, la gamme « Oleato » de Starbucks, mélange de café, lait d'avoine et huile d'olive, pourrait séduire les plus téméraires. Si selon Howard Schulz, fondateur de Starbucks, l'huile d'olive améliore le goût du café, certains redoutent les effets laxatifs… Le concept est actuellement en phase de test en Californie et en Italie. Affaire à suivre. 

Les alternatives au café : un marché en croissance

Le marché des boissons stimulantes est annoncé comme une nouvelle tendance alimentaire de fond, qui pourrait peser près de 20 milliards de dollars à l'horizon 2032. D'après un rapport du cabinet Fact MR, le marché devrait croître de 4,2 % par an. Compte tenu des opportunités business qu'il représente, rien de surprenant que les cafés adaptogènes soient mis sur le devant de la scène par les marques et les producteurs de café qui comptent bien surfer sur les nouveaux modes de consommation.