Ils sont de plus en plus nombreux, nous les aimons toujours davantage et les industriels ne cessent plus d'inventer des produits dédiés à leur confort. C'est la petmania ! Décryptage d'une passion contemporaine.
Aujourd’hui, ils sont hype et hyperconnectés... les animaux de compagnie comme leurs maîtres sont au sommet de la mode. D’ailleurs, c’est simple, Médor et Félix sont devenus des influenceurs comme les autres, des petfluenceurs pourrait-on dire, et une seule photo d'eux ferait exploser votre compteur à followers sur Instagram. Est-ce à dire qu'ils ont changé de statut, dans nos cœurs et nos représentations ? Sans doute, si on se fie à la manière dont on choisit leurs prénoms. En 2022, année du T chez les chiens de race, les Français ont misé sur Tina ou Talya dans le top 3 pour les chiens femelles, des prénoms humains donc. Rien d’étonnant selon Ryan Gass, senior brand manager de la marque Purina. « Les millennials font entrer les animaux de compagnie plus tôt dans leur foyer que les générations précédentes. Ils se marient et font des enfants plus tard, mais ces animaux comblent ce vide », analyse-t-il pour Insider.
On va vous donner les moyens de chouchouter Médor
Cette mutation du marché est aussi un business juteux, et des marques séculaires comme de nouveaux entrants se positionnent. On connaissait déjà les mutuelles et les vins pour chats, les vêtements Shein pour chiens et les croquettes au CBD pour nos amis à quatre pattes... Mais aujourd’hui, le marché va (encore) plus loin. Ici, une appli de traduction de langage de chien. Là, des cuistos étoilés pour nourrir nos animaux de compagnie en mode Top Chef. Les chiens envahissent même le métavers rebaptisé pour l’occasion petavers avec Dogami. Ce projet play-to-earn a levé 6 millions d’euros auprès d’Ubisoft pour que des joueurs puissent élever leur chien virtuel façon Tamagotchi et les habiller de petits vêtements NFT. Enfin, les propriétaires de petfluenceurs n’hésitent pas à cloner leur animal de compagnie pour que leur feed Insta ou TikTok puisse continuer à vivre, même après la mort de leur petit chéri. Voire, idée plus étrange encore, pouvoir vendre des exemplaires « copy cat » au plus fans de leurs followers… Oui, on en est là.
Les 101 Dalmatiens étaient de petits joueurs...
Mais combien sont-ils, nos animaux de compagnie ? Beaucoup ! Selon les données de la FEDIAF, les chiens et les chats représentent les deux tiers des animaux de compagnie recensés dans l'Union européenne. Les petits félins sont les plus nombreux. Ils représentent 80 millions contre 70 millions pour les chiens. Les préférences pour l'un ou l'autre de ces animaux varient selon les pays. Ainsi en France, Belgique, Suède et Allemagne on préfère les chats, les Anglais, Irlandais, Portugais et Espagnols, seraient plutôt chiens. Dans l’Hexagone, d’après l’INSEE, le nombre d’animaux de compagnie a augmenté de 40 % en 20 ans. Et selon le fichier national d’identification des animaux domestiques carnivores I-CAD, les chats (identifiés) ont dépassé les chiens (992 541 individus chats versus 822 701 chiens). Une donnée historique quand on sait que le plus fidèle compagnon de l’homme a toujours caracolé en tête des classements. Mais la réduction des espaces à vivre et l’urbanisation des modes de vie ont poussé les millenials à opter pour des chats, moins encombrants bien qu’ils ne nous comprennent pas aussi bien que les chiens, ou de plus petits chiens comme les Yorkshire, Jack Russel ou Chihuahua ont envahi les villes.
Chiens et chats ont aussi conquis le monde. Pour preuve, aux États-Unis, 70 % des ménages sont propriétaires d’un animal de compagnie, selon Petfood Industry. Un chiffre déjà très édifiant, mais plus surprenant encore, il est plus élevé en Amérique du Sud où le taux de propriétaires d’animaux de compagnie avoisine les 82 % en Argentine, 81 % au Mexique et 76 % au Brésil. Il n’est d’ailleurs pas rare à Mexico, dans le quartier huppé de la Condesa de voir, comme aux États-Unis, des promeneurs avec une dizaine de chiens de races tenus en laisse, pendant que leurs maîtres travaillent. Même l’Afrique, où la part des animaux de compagnie est pourtant minime, commence à voir apparaître une vague chez les plus aisés.
« Pet tech », « pet care » et grosses pépettes
La petmania, cet amour et cette fascination pour nos animaux de compagnie, n’a pas échappé aux grands — et moins grands — industriels. Au global, selon une étude publiée par Edge by Ascential, le marché du pet care (distribution, pet food, services et assurance) représentera 203 milliards de dollars en 2023, soit une hausse de 28 % par rapport à 2019. Aux États-Unis le marché devrait atteindre 281 milliards de dollars ; 384 milliards de dollars en Asie-Pacifique, où les propriétaires dépensent le plus pour leur animal de compagnie. Pour un chiffre total de 868 milliards dans le monde. Rien que dans l'Hexagone, ce marché pèse 5 milliards d’euros et affiche une croissance de 2,5 % à 3 % par an. Selon une étude Xerfi, c’est 48% de plus en 10 ans. Une manne faramineuse attribuée, selon Edge, « à la tendance à l'humanisation des animaux de compagnie, que les consommateurs considèrent de plus en plus comme des membres de la famille ».
Avec les trois quarts des ventes attribués à la pet food, les géants de l’agroalimentaire raflent la mise. Comme Pedigree du groupe Mars ou Purina de Nestlé. Sauf qu’en 2018 déjà, le Wall Street Journal avait noté que les ventes d'aliments traditionnels pour animaux de compagnie, comme d’autres, avaient chuté. Les propriétaires d'animaux avaient préféré s’orienter vers des options plus gourmandes et premium pour leurs compagnons. Il est donc possible aujourd’hui de nourrir son animal de croquettes sans céréales au poulet, à la courge et aux myrtilles de la marque Franklin, de frozen yogurt à la banane et au beurre de cacahouète pour chiens grâce à Boss Dog, ou de trinquer avec du vin sans alcool (Pinot meow et Catbernet) à base d’herbe à chat pour les apprentis Grumpy Cat. Et parce qu’ils ont aussi parfois une vie stressante, Botaneo propose une gamme de produits pour chiens et chats infusés au cannabidiol (CBD) afin d’aider notre animal à « retrouver durablement la sérénité et l’équilibre intérieur ».
Beaucoup d’amour, mais gros désastres écologiques
Gregory Okin, chercheur à l’UCLA, a mené l'enquête pour calculer l’impact écologique de l’alimentation des animaux aux États-Unis. Il en ressort qu’elle représente entre 25% et 30% de la consommation totale de viande aux États-Unis. Ce qui équivaut à un rejet moyen de 64 millions de tonnes de dioxyde de carbone. Gloups. Le chercheur réfute l’argument selon lequel l’alimentation des chiens et des chats est majoritairement issue d’éléments carnés non consommés par l’homme. En gros, non ils ne mangent pas les restes des abattoirs. Ça la fout mal, d’autant que l’on a aussi retrouvé des restes de requins dans de la pet food…
Sans compter que chats et chiens sont aussi des prédateurs. Et leur prolifération est devenue une sérieuse menace pour la vie sauvage, principalement en raison de la prédation des chiens et des chats errants. Selon une étude citée par le Washington Post et publiée en 2013, les chats errants seraient responsables de la mort d’entre 1,4 et 3,7 milliards d’oiseaux chats années, et jusqu’à 21 milliards de petits mammifères. Selon une autre, publiée en 2016, les chats auraient causé l'extinction de 63 espèces de mammifères, d’oiseaux et de reptiles dans le monde ces 500 dernières années. En France où la population de chats a doublé depuis 2012, les matous ne s’attaquent pourtant pas aux rats de la capitale. Dommage, eux aussi prolifèrent et nous les aimons moins.
Que faire alors ? Relâcher votre Loulou de Poméranie en forêt comme Blanche Gardin dans sa série sur Canal + La Meilleure Version de Moi-même ? On vous le déconseille, il ne survivrait pas. Gregory Okin suggère, pour le bien de la planète, que nous fassions très attention à l'alimentation de nos animaux de compagnie et suggère même, de passer à la transition animale et d'adopter des êtres moins carnivores. Nous baladerons-nous demain avec nos Cochons d'Inde et nos poissons rouges ? Quoi qu’il en soit, derrière leurs jolies frimousses, nos animaux de compagnie posent des problèmes écologiques, économiques et politiques.
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