
Top des néologismes qui racontent la hausse des prix, l'impossibilité de remplir son caddie et l'esthétisation de la pauvreté.
Couponing, shrinkflation, recessioncore, poverty cosplay... Petit récapitulatif des termes qu'on utilise pour évoquer le fait que nous n'avons plus de thunes.
Shrinkflation
On l'obtient avec la contraction entre le verbe to skrink (se réduire) et inflation. L'expression désigne ce moment pénible où la quantité de chips / céréales / café proposée par les marques dans leur emballage habituel diminue alors que son prix de vente demeure le même. Jusqu'ici épisodique, la pratique se généralise sous le joug de l'inflation. Et la shrinkflation ne touche pas que les industriels avares, puisque les internautes soupçonnent McDonald's d'avoir réduit la taille de son Big Tasty. On ne peut décidément plus compter sur rien.
Wsh mais c'est une dinguerie là ? ???? C'est le mini tasty ça bande d'enfoirés @McDonaldsFrance ! Il a réduit de moitié ptn c'est pas un big tasty ça, mm le deluxe est plus gros! @UFCquechoisir je sais pas pquoi je vous @ mais quand mm pic.twitter.com/e6h0YESpKu
— WynCz (@Milkawyzz) September 3, 2023
Greedflation
C'est la cousine gloutonne de la skrinflation. De l'anglais greed (cupidité), et inflation, la greedflation décrit la propension des marques à tout simplement augmenter à outrance leur prix, en prenant comme excuse la hausse des matières premières. En avril dernier, Le Monde expliquait que la hausse des prix s’élevait à 10,7 % pour Unilever et Nestlé, et 0,3 % pour Danone. Autrement dit, trois points de plus que l’inflation moyenne en Europe. Nul besoin donc d'aller pleurer pour les marges du secteur agroalimentaire. D'après Le Monde encore, les entreprises alimentent l’inflation en augmentant leurs marges. Il y a peut-être quelque chose réconfortant dans le fait que le capitalisme ne nous décevra jamais.
Poverty cosplay
Juxtaposant les termes poverty (pauvreté) et cosplay (le fait d'incarner IRL un personnage de manga pour s'amuser), l'expression poverty cosplay décrit une pratique de mauvais goût consistant à s'emparer des marqueurs identitaires des classes populaires et à le publiciser. Sur les réseaux par exemple. Quelques exemples : porter un bleu de travail pour se rendre à son open-space où l'on occupe un emploi rémunéré 3500 euros nets mensuels, se prendre en photo en train de manger un kebab dans un quartier on l'on ne met habituellement jamais les pieds, aller danser pieds nus une semaine à Burning Man. Et le poverty cosplay frappe encore avec l’émergence d'une nouvelle esthétique : le squattorcore, qui glorifie une version largement fantasmée du squat et des squatteurs. (Pensez peinture écaillée, pull déchiré et ossature saillante. Et si c'est Kylie Jenner, milliardaire vingtenaire qui incarne la tendance, c'est encore mieux.)
Recessioncore
Née sur TikTok, l’étiquette compte déjà plus de 18 millions de vues. Sous le hashtag #recessioncore sur TikTok, un pot-pourri de contenus : partage de conseils pour faire des économies et arnaquer les marques, étalage de tickets de caisse Aldi, réflexions anti-consuméristes, critique de la grande distribution et analyse de l'évolution des styles vestimentaires qui survient lorsque l'argent vient à manquer. La longueur des jupes va-t-elle raccourcir ? Rallonger ? Les internautes ont envie de savoir.
Couponing
Sur TikTok, plus de 2,7 milliards de vues sont associées au #couponing. Encore une fois, on échange ici ses trucs pour mettre la main sur des coupons (des bons de réduction), en écumant par exemple les journaux gratuits que ses voisins laissent végéter près de la boite aux lettres. Entre deux vidéos haul où l'on montre ses achats réalisés en grande surface, on relaie aussi les opérations promotionnelles de chez Walmart et Lidl. Aux États-Unis, on recense aussi ce que l'on peut acheter avec ses food stamps (chèques alimentaires). C'est-à-dire de moins en moins de choses. Dans son ouvrage à paraitre Mangez les riches (Éditions Nouriturfu), la journaliste essayiste Nora Bouazzouni explique que différents États entendent légiférer pour affiner la liste des produits éligibles aux fameux chèques alimentaires américains. En 2015, Arthur Delaney, sénateur républicain du Missouri, s'étranglait de voir des pauvres « se payer des filets de bœuf et des pattes de crabe » et suggérait d'exclure des produits accessibles cookies, chips, jus de fruits, sodas, steaks, coquillages et crustacés. « Une réaction classiste et infantilisante, mue par l’idée tenace que les pauvres ne sauraient pas correctement dépenser leur argent. Humiliés, privés de leur agentivité, les plus précaires se sentent violemment exclus d’une société où consommer, c’est exister », écrit Nora Bouazzouni.
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