bras d'enfants avec tatouages planètes

Programmes, serious games, musées... Bienvenue à l'école du climat

© Kindel Media et Kellie Churchman via Pexels

Le secteur de l'éducation doit adapter programmes et méthodes pédagogiques à une société re-programmée par le numérique et les enjeux environnementaux. L'enseignement devient-il agile ?

Nouveaux contenus, nouvelles approches… L'éducation au dérèglement climatique est en train de devenir une priorité pédagogique dans un nombre croissant de pays. Un effort éducatif de grande ampleur, à destination des plus jeunes, semble nécessaire pour favoriser les comportements durables et accélérer la transition vers un modèle de société bas carbone. Pour autant, le sujet n'est pas vraiment nouveau…

Cela fait maintenant une trentaine d'années que de nombreux gouvernements ont reconnu que l'éducation était un levier essentiel dans le combat pour la préservation de l'environnement. Dès 1992, la Conférence de Rio, organisée par les Nations unies, avait insisté sur ce point, tandis qu'en 2016 l'article 12 de l’Accord de Paris définissait un cadre d'action à l'échelle internationale en précisant que « les parties coopèrent en prenant des mesures pour améliorer l’éducation, la formation, la sensibilisation, la participation du public et l’accès de la population à l’information dans le domaine des changements climatiques ».

Ce qui, à l'époque, tenait de la déclaration d'intention est devenu une urgence éducative. Pour l'école, l'enjeu est désormais de taille. Il s'agit de préparer les jeunes générations à un monde dont le climat est déréglé. Vaste programme qui vient bouleverser les habitudes pédagogiques… Comment cette inflexion influence-t-elle l'enseignement ?

Éducation environnementale

En l'espace de quelques années, le dérèglement climatique est devenu un enjeu majeur de société qui est désormais omniprésent dans notre quotidien… À la télévision, sur Internet, dans la presse, à la radio, dans les entreprises, dans nos esprits et dans les rapports du GIEC… Il ne se passe plus un jour sans que, d'une manière ou d'une autre, le sujet ne soit évoqué sur la place publique. Pourtant, il n'était, jusqu'ici, que peu présent à l'école.

Longtemps, l'alphabétisation climatique a été le parent pauvre des préoccupations éducatives et ne se résumait, la plupart du temps, qu'à quelques sorties dans la nature ou à une initiation sommaire au recyclage. C'est-à-dire trois fois rien. Et certainement pas assez. Cependant, tout est sur le point de changer. À l'initiative de l'Unesco, la sensibilisation des élèves aux enjeux environnementaux passe actuellement la seconde. Tout récemment, dans une note datant d'avril 2021, l'institution internationale rappelait que « l'éducation aide les gens à comprendre les effets de la crise climatique et à lutter contre ces derniers, en les dotant des connaissances, compétences, valeurs et attitudes dont ils ont besoin pour devenir des agents du changement ».

Et, partout, les initiatives allant dans ce sens se multiplient. Au Mexique, mais également dans la plupart des pays d'Amérique latine, l'éducation au développement durable est désormais intégrée à l'enseignement par le biais de jeux éducatifs, de programmes en faveur de la biodiversité, de nouveaux modules mettant l'accent sur la protection de l’environnement, de visites de zones naturelles protégées, ou encore d'une formation spécifique des enseignants pour qu'ils puissent mieux faire cours sur ce sujet.

En Asie, l'institut de coopération DVV International a déployé un réseau d’éducateurs en environnement issus de la société civile, afin de favoriser la compréhension du dérèglement climatique, notamment au Laos, au Cambodge et aux Philippines. DVV est également présent en Afrique, que ce soit en Éthiopie, en Tanzanie, en Ouganda, au Mali, au Maroc, ou encore au Mozambique. En Afrique, toujours, l'association Climate Change poursuit les mêmes objectifs en nouant des partenariats avec les écoles et les universités.

Et récemment, le manifeste Teach4ThePlanet, rédigé en 2021 lors de la semaine de la Terre, a été signé par près de 33 millions d'enseignants à travers le monde. Partout, l'engagement pour l'alphabétisation climatique prend de l'ampleur..

En Europe aussi. Depuis septembre 2020, l'Italie est le premier pays au monde à avoir rendu obligatoire l’enseignement du changement climatique pour les élèves du primaire et du secondaire, sur la base de trente-trois heures de cours annuels. Et la France n'est pas en reste. Le ministère de l'Éducation nationale entend désormais « inscrire la question environnementale au cœur des nouveaux programmes scolaires ». Ce virage pédagogique a été élaboré en concertation avec un comité d'experts regroupant astrophysiciens, géophysiciens, climatologues, glaciologues, naturalistes, paléoclimatologues, économistes, directeurs d’agences environnementales et responsables RSE de grands groupes.

Et le programme pensé à cet effet, qui entrera en vigueur à la rentrée 2022, est particulièrement ambitieux. Avec une approche interdisciplinaire et transversale, il entend accélérer la compréhension des relations entre les questions environnementales, économiques, sociales et culturelles pour aider les élèves à faire des choix informés et responsables. En outre, chaque école devra élaborer un projet en faveur de la biodiversité. Dans le secondaire, les collégiens et les lycéens éliront un « écodélégué » par classe, qui aura pour mission de « sensibiliser ses camarades aux gestes quotidiens qui permettent de lutter contre le réchauffement climatique ».

L'objectif est que tous les élèves, au terme de leur scolarité obligatoire, possèdent les connaissances indispensables sur ces enjeux, et puissent prendre la mesure des risques qui en découlent afin d’agir en conséquence. Il faut former les écocitoyens de demain. Et pour y parvenir, l'école n'est pas isolée. Elle peut même compter sur un allié de poids.

Avec l'aide du numérique

Effet boomerang de la crise sanitaire, Internet est devenu une brique incontournable des stratégies éducatives, et cela vaut pour l'enseignement du dérèglement climatique. Depuis peu, les professeurs peuvent se tourner vers un nombre croissant de ressources en ligne pour parfaire leurs connaissances sur le sujet afin de mieux les transmettre. Plateformes, applications et sites dédiés à cette thématique apportent un soutien déterminant.

Ainsi, United Schools, une plateforme gratuite à destination des élèves et des professeurs du monde entier, qui se définit comme un réseau social écocitoyen entre écoles, permet aux enfants et aux adolescents de 6 à 14 ans de partager leurs initiatives pour protéger l'environnement, tout en donnant la possibilité aux enseignants d'échanger sur leurs méthodes pédagogiques. À ce jour, 34 écoles dans 12 pays y sont connectées, et la plateforme grandit rapidement.

Autre exemple, la plateforme enseignerleclimat.org a pour objectif de favoriser les retours d'expérience entre enseignants pour améliorer les pédagogies socio-écologiques et accélérer l'enseignement du climat. De son côté, le CERDD (Centre ressource du développement durable) propose sur son site une sélection d’outils pédagogiques sur le changement climatique afin de faire progresser la prise de conscience sur ces enjeux.

Last but not least, l'ONU a créé Mission 1.5°, le serious game dans lequel les joueurs luttent contre le changement climatique en se mettant à la place d'un décideur politique qui doit tout faire pour maintenir le réchauffement de la planète en dessous de 1,5 °C. Le jeu a été adopté par l'académie de Montpellier, qui l'a intégré à son programme éducatif.

Tous ces projets vont dans le bon sens. Pour autant, le numérique n'est pas le seul acteur à vouloir compléter les initiatives du système éducatif.

Maillons pédagogiques

Les musées entendent, eux aussi, assumer pleinement leur rôle de passeurs du savoir sur ces questions. Ainsi, la Cité des sciences et de l'industrie a lancé, le 7 juillet 2021, l'exposition Renaissances, qui parle aux plus jeunes, avec un regard décalé, de la pollution, du changement climatique, et de la surconsommation des ressources et de l’énergie, grâce à des « récits à mi-chemin entre réalité et fiction, comme autant d’expériences à vivre pour analyser nos réactions et nos capacités d’adaptation au contexte du xxie siècle ». De son côté, le Palais de la découverte propose le programme Étincelles, des lieux d'exposition écoconçus en forme de tepee qui initient les plus petits à la nature et aux sciences. Même son de cloche au Muséum d'histoire naturelle de Paris qui mise sur les sciences participatives et la découverte de la biodiversité pour sensibiliser les jeunes générations aux défis environnementaux.

Ces évolutions traduisent une réelle nécessité éducative, mais elles sont également l'expression de la très vive inquiétude des élèves et des enseignants. Rappelons que la grève scolaire mondiale pour le climat en 2019 avait fait descendre 1,4 million de jeunes dans la rue.

Alors que nous vivons les premières années d'un monde soumis à l'augmentation des températures et à la multiplication des catastrophes naturelles, l'alphabétisation climatique est appelée à devenir une tendance pédagogique majeure, car l'éducation est certainement l'outil le plus efficace que nous ayons pour faire mentir l'avenir. Elle constitue le meilleur moyen pour inverser le cours des évènements, en accélérant les prises de conscience et en modifiant les comportements.

Cet article est extrait du Livre des Tendances 2022, 20 secteurs-clés de l'économie décryptés.

Arnaud Pagès

Après des débuts à Technikart à la fin des années 90, Arnaud Pagès rejoint la rédaction de Clark Magazine au début des années 2000, puis devient journaliste indépendant pour de nombreux magazines, dont Nova Mag, Konbini, Vice, Usbek & Rica et Slate. Il rejoint L'ADN en 2019 en tant que rédacteur en chef indépendant des Livres de tendances.
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