Un cerveau rose entouré de fumée et connecté à une tablette est en feu à l'intérieur

« Brain Rot » : une expression qui en dit long sur l’état de nos cerveaux

© FB via Midjourney

Le terme « brain rot » (pourrissement du cerveau) qui désigne les effets néfastes des contenus abrutissants des réseaux sociaux sur nos cerveaux, a été sacré mot de l'année 2024 par l'université d'Oxford.

Chaque année, Oxford consacre un mot ou une expression dans l’air du temps. Celui de 2024 qui désigne « l'impact de la consommation excessive de contenus en ligne de mauvaise qualité » va parler aux accros aux réseaux sociaux. Plus qu'une expression, le terme reflète le malaise collectif d’une époque saturée par le numérique et ses dérives.

« Brain rot », le mot de l'année de l'université d'Oxford

Comment résumer l’année écoulée ? Entre crises économique et climatique, montée des populismes et conflits mondiaux, l'université d'Oxford nous a gratifié d'un mot peu porteur d’optimisme : « brain rot ». Face à des candidats comme « romantasy », genre littéraire qui combine romance et fantaisie, « slop », qui décrit les contenus médiocres générés par les IA, ou encore « demure », expression qui a cartonné sur les réseaux sociaux, « pourrissement du cerveau » l'a emporté. Rien de surprenant selon Casper Grathwohl, président d’Oxford Languages, pour qui « brain rot » évoque l’un des dangers de la vie virtuelle et la manière dont nous utilisons notre temps libre. Il s’agit d’un nouveau chapitre de la conversation culturelle sur l’humanité et la technologie. Il n’est pas surprenant qu’un si grand nombre de votants aient adopté le terme et l’aient choisi cette année. » Signe que notre époque inspire des mots qui interrogent nos pratiques d'Homo connecticus, la fréquence d’utilisation du terme aurait augmenté de 230 % entre 2023 et 2024.

Quand le doomscrolling rabougrit nos cerveaux

Le concept de « brain rot » prend racine dans des comportements bien connus tels que le « doomscrolling ». Un terme qui désigne le fait de faire défiler du contenu anxiogène ou insipide sans fin sur son portable. Si le scroll infini ne figure pas encore dans les manuels médicaux, ses effets nocifs sur notre santé mentale commencent à être documentés. Au cours de la dernière décennie, de nombreuses études ont révélé que l'hyperconsommation de réseaux sociaux pouvait réduire la matière grise dans les régions préfrontales du cerveau (zones essentielles à la prise de décision et à la gestion émotionnelle), diminuer les capacités d’attention, affecter les capacités de mémorisation, ou encore déformer les fonctions cognitives de base. Des altérations particulièrement préoccupantes chez les adolescents, pour qui ces modifications neuronales coïncident avec des troubles dans des processus critiques tels que la formation de l’identité et la cognition sociale, des éléments essentiels durant cette période de développement. Michoel Moshel, chercheur à l'université Macquarie, va jusqu'à comparer l'effet des réseaux sociaux à ceux observés chez les personnes dépendantes aux drogues dures.

La suspicion de crétinerie collective traverse les époques

Bien avant l’avènement des réseaux sociaux, l’idée de « pourriture cérébrale » hantait déjà les esprits. Elle aurait été utilisée pour la première fois par le philosophe naturaliste Henry David Thoreau, en 1854 dans son livre Walden. L'auteur y dénonçait dans ses conclusions la tendance de la société à dévaloriser les idées complexes, au profit des idées simples, et pointait déjà le signe d'un déclin général de l'effort mental et intellectuel : « Tandis que l'Angleterre s'efforce de guérir la pourriture de la pomme de terre, personne ne s’efforcera-t-il de guérir la pourriture du cerveau – qui sévit bien plus largement et de manière mortelle ? »

Notons que l'université de Cambridge a, quant à elle, fait le choix d'une vision plus optimiste. C'est le terme « manifest » qui a été choisi comme mot de l’année. Une tendance bien-être qui consiste à imaginer la réalisation d’un objectif dans l’espoir qu’il aura plus de chances de se produire.

Peggy Baron

Chaque jour je m'installe à la terrasse de l'actu et je regarde le monde en effervescence. J'écris aussi bien sur les cafards cyborg que sur le monde du travail, sans oublier l'environnement et les tendances conso.

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