« Zizmorcore » : mais pourquoi les New-yorkais s’habillent-ils dans des boutiques de souvenirs ?

« Zizmorcore » : mais pourquoi les New-Yorkais s’habillent-ils dans des boutiques de souvenirs ?

© Ferrantraite via Getty Images

Une casquette « I ❤️ NY » sur la tête, un maillot des Knicks sur le dos… Entre nostalgie des années 80, rejet de l’uniformisation et éloge de l’hyper-local, les habitants de la Grosse Pomme ne jurent plus que par l’esthétique kitsch des boutiques de souvenirs et des commerçants de proximité. 

La pandémie aurait-elle entériné la fin du « normcore », ce mode de vie et style vestimentaire qui prône l’indistinction et la neutralité anti-marques ? À New York, on en revisite en tout cas le concept. Plus d’un an après le début de la pandémie, les habitants de la Grosse Pomme sont pris d’une frénésie quasi patriote et remplissent leurs placards de produits dérivés de New York ou de vêtements brandés aux couleurs de leurs commerces de proximité préférés

« Zizmorcore »

C’est The Cut, média spécialisé en mode du New York Magazine, qui a repéré et conceptualisé la tendance en mars dernier. La journaliste Stella Bugbee y raconte comment elle est tombée dans cette étrange forme de nostalgie locale. Son nom ? Le « zizmorcore » , en référence au plus célèbre des dermatologues américains Dr. Jonathan Zizmor. Aujourd’hui retraité, ses publicités kitsch faisant miroiter une peau parfaite ont hanté le métro new-yorkais pendant près de 30 ans dès les années 80.

« Très vite, je me suis surprise à acheter trois chapeaux N.Y. à 10$ pièce chez OK Uniform. Durant l'automne, j'ai commencé à porter une casquette de baseball du musée Frick. Je n’y ai pas mis les pieds depuis des années, mais je l’adore. À Noël, j'ai offert à mon fils un sweat à capuche bleu roi du MoMa que je me suis empressée de lui piquer, raconte cette New-Yorkaise pur jus. Mais que se passait-il ? Pourquoi avais-je ce désir soudain de posséder le t-shirt Russ & Daughters que Jake Gyllenhaal portait durant le Handstand Challenge (vidéo ci-dessous, ndlr) ? En trois décennies de vie à New York, mon placard n’a jamais été aussi rempli de souvenirs. »

Éloge de l’hyper-local

Pour la journaliste, il ne s’agit pas d’une tendance cantonnée à une seule catégorie de population. Après plus d’un an d’isolement, elle le constate elle-même dans les rues. « Partout où je regarde, les gens portent des produits dérivés de New York – du citoyen moyen au hipster de Bed Stuy (un quartier de Brooklyn). »

Du traditionnel t-shirt « I ❤️ NY » au maillot des Knicks, en passant par les chapeaux de l’entreprise ConEd (Consolidated Edison, le plus vieux service énergétique du pays) ou des sacs d’épicerie ou de quincaillerie locales, on soutient la vision que l’on a de sa ville et l’on fait de la pub pour son commerce de proximité.

« Incapables de voyager, mais épargnés par les troupeaux de touristes qui obstruent les trottoirs, les New-Yorkais soutiennent leur quartier en achetant des souvenirs de marque connotés, comme des enfants le feraient lors d’une virée shopping à Times Square. »

Rejet de l’uniformisation

Entre nostalgie et souci de mémoire collective, la tendance fait référence à une époque où petits commerces et entrepreneurs constituaient encore l’âme de la ville. Elle n’est ni glamour, ni sexy, mais rejette l’uniformisation des grandes capitales. Elle revient, après plus d’un an de distanciation physique, à l’essentiel : à la vie d’un quartier, d’un pâté de maisons, à l’atmosphère d’une rue habitée.

« J'imagine que lorsque la vie reprendra peu à peu son cours, le désir d’acquérir ce type de marchandise locale disparaîtra », s’interroge la journaliste. Face à un désir d’ancrage et une défiance croissante envers la mondialisation et les grandes marques, peut-être que sa lame de fond – des marques locales pour la vie locale – subsistera, elle.

Margaux Dussert

Diplômée en marketing et publicité à l’ISCOM après une Hypokhâgne, Margaux Dussert a rejoint L’ADN en 2017. Elle est en charge des sujets liés à la culture et la créativité.

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