Fleuriste avec des pots dans les mains souriant

La revanche des marques locales

Avec W&Cie
© xavierarnau

Le futur sera local, semblent aujourd’hui penser les consommateurs. Dans cette perspective, comment les marques globales peuvent-elles s’adapter pour répondre à ce désir croissant d’ancrage et d’authenticité ?

Il y a quelques jours Elon Musk a demandé aux habitants du Texas, via Twitter, de voter pour ou contre un projet d’implantation d’une Giga Factory dans leur région. Demander directement l’avis du public sur un tel projet de construction surprend et témoigne d’un certain talent pour ce qu’on appelle le personnal branding. Le patron de Tesla et trublion préféré du monde de la tech construit une relation dès le début avec les Texans et cela avant même que ses petites batteries électriques ne sortent de sa future usine. Les grandes marques doivent désormais redoubler d’efforts pour justifier leur expansion, convaincre, séduire dans un contexte marqué par une grandissante défiance envers la mondialisation et ses corollaires directes : les grandes marques. La légendaire résilience des marques globales suffira-t-elle pour s’adapter à ce changement de paradigme ? C’était le thème d’une conférence organisée par L’École de la Marque avec Anaïs Guillemané (Agence W), Brigitte Cachon (ORPEA), Antoine Dubois (AccorHotels) et Élise Hermant (ADP).

Le blues des grandes marques mondiales

Cette année, les annonceurs du SuperBowl, le plus grand rendez-vous publicitaire du monde, ont joué la carte de la nostalgie. À l’instar de la série Stranger Things qui a consacré les grandes marques comme Coca-Cola, Gap, Nike ou encore Levi’s. Vous savez, ces marques emblématiques d'une époque où elles faisaient autorité et où la mondialisation commençait à devenir une réalité. Mais aujourd’hui, les paramètres ne sont plus les mêmes que dans les années 80, qui ont connu une poussée incroyable des marques américaines dans le monde. D’ailleurs, il faudrait d’avantage parler d’américanisation du marché que de mondialisation. « Avant, la notoriété était un gage de qualité. Il y a eu une époque où on était heureux d’accéder à des grands noms de la consommation, à des grandes marques qui signifiaient que l’on faisait partie de cette modernité qui était en train de se dessiner », explique Anaïs Guillemané, responsable du planning stratégique de l’École de la Marque.

« Think local, act local »

Qu’à cela ne tienne ! Les marques ont compris et tentent d’opérer des changements de stratégie – à l’image du PDG de Coca-Cola qui en mars 2000 annonçait à ses équipes la nouvelle philosophie de son groupe : « Pensez local, agissez local » . Plus facile à dire qu’à faire quand la défiance des consommateurs grimpe devant les multiples scandales sanitaires, de corruption ou encore face aux conditions de travail des fournisseurs. « On peut se dire qu’on assiste à un changement de paradigme aujourd’hui, on le voit dans les chiffres. 7 % des consommateurs en France pensent que les marques sont ouvertes et honnêtes, un chiffre en déclin permanent. Il y a une défiance qui s’est généralisée vis-à-vis des marques », rappelle Anaïs Guillemané. Résultat, les consommateurs se tournent vers les marques locales qui jouissent de nombreux atouts face aux grandes enseignes. « Les marques locales donnent l’occasion de savoir, d'accéder à plus de transparence. Elles apparaissent comme un levier de maîtrise dans une consommation extrêmement émiettée et dans laquelle les facteurs de danger sont multiples. Consommer local c’est aussi une façon de se replier et un moyen de savoir d’où vient mon produit et d’avoir un gage de qualité et de sécurité bien supérieur ». Et les chiffres n’ont rien de rassurant pour les grandes marques. 82 % des Français privilégient l’achat de produits d’origine France. Les consommateurs ne regardent pas seulement l’adresse mais aussi l’éthique, comme le rappelle la responsable du planning stratégique : « On peut constater que ce changement de consommation, finalement, c’est une façon de répondre à des enjeux plus larges et à des enjeux qui sont pour le coup locaux ». Des enjeux environnementaux, par exemple ? « On ne peut plus passer à côté du fait écologique, de la pérennité de nos modèles et quand on regarde ce que dit le GIEC, ils disent que 60 à 70 % des solutions pour le climat se trouvent au niveau local », illustre Anaïs Guillemané.

Quand vendre des produits ne suffit plus

Même si les signaux sont au rouge, les marques globales, elles, ont de la ressource ! Saviez-vous que les clients sont moins fidèles aux petites marques ? Et que les jeunes ne sont pas plus méfiants à l’égard des grandes marques ? Puissantes, riches, résilientes… mais quelle stratégie adopter pour relever le challenge du local ? D’abord contribuer ! Nike a lancé « Nike + Run Club », un programme de courses hebdomadaires avec des coureurs locaux. Chez Orpea, spécialiste de la santé des personnes âgées, on mise sur la mobilité interne, comme l’explique Brigitte Cachon, la directrice communication, innovation et RSE du groupe : « Les métiers du soin sont peu valorisés, il y a un vrai ascenseur social dans le groupe puisque 80 % des directeurs viennent du terrain ». Certaines tentent de s’adapter à l’image du groupe AccorHotels, et ce changement de paradigme a des conséquences tangibles. « Les gens réclament des produits locaux pour les petits-déjeuners. C’est une révolution pour nous au niveau sourcing », témoigne Antoine Dubois, vice-président de la stratégie marketing du groupe AccorHotels. Et pourquoi ne pas multiplier les collaborations avec des stylistes locaux, comme le fait la marque du groupe H&M, & Other stories ? Pour se conformer au contexte local, le groupe ADP parie, lui, sur l’expérientiel. « Les aéroports sont en concurrence aujourd’hui, nous travaillons sur le lifestyle français et sur la manière de créer une parisianitée », raconte Élise Hermant, directrice de la communication du groupe ADP. Mais ce n’est pas tout, les marques globales doivent se diversifier localement. On parle ici d’une stratégie « Made in » de la plus globale à la plus spécifique. Et pourquoi pas demain, un « Made in » à l’échelle d’un quartier ?

Le local et l’universel sont les deux faces d’une même pièce, l’une ne peut pas avancer sans l’autre et aucune ne peut ignorer l’importance de l’autre, écrit Andrew Stables, dans son ouvrage New Localism. Les marques qui l’auront saisi, auront probablement un coup d’avance sur les autres, qu’elles soient locales ou globales.

 POUR ALLER PLUS LOIN :

>> Votre marque est-elle à l’épreuve du futur ?  

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Sarah Sabsibo

Après un master de journalisme à l’IICP, Sarah Sabsibo débute sa carrière dans le développement durable, l’industrie automobile et les mobilités. Elle intègre plus tard La Côte Bleue et travaille sur des sujets liés à l'écologie, la finance solidaire et l’innovation sociale. Elle exercera à la communication du Mouvement des entrepreneurs sociaux avant de rejoindre L’ADN Studio.
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