Les 1001 tribus de TikTok ou comment les ados forgent leurs identités en ligne

Les 1001 tribus de TikTok, ou comment les ados forgent leurs identités en ligne

© TikTok

Les gothiques d’un côté, les fans d’Harry Potter de l’autre… TikTok n’est pas exempt d’une certaine logique de cour de récré, à la différence que sur la plateforme préférée des ados, les clans et les styles foisonnent et évoluent aussi rapidement qu’une vidéo virale. 

Nostalgie des années 80, photos polaroïds et forêts sombres, créatures légendaires fantasmées… On a du mal à ne pas penser à la série Stranger Things lorsque l’on scrolle les vidéos du hashtag #cryptidcore de TikTok. Dernière tendance de la plateforme, elle met en scène des ados en mal d’aventures qui, à défaut de partir à la recherche du Big Foot ou de Nessie, portent des Doc Martens et des sweaters chauds, des jumelles autour du cou et des sacs à dos. 

Vous n’êtes pas sensible à cette esthétique et cherchez un style en particulier ? Pas de problème. Il y a fort à parier que ce dernier existe sous la forme d’une communauté sur l’application. 

Les styles « claniques » de TikTok

Connue pour ses modes d’expression protéiformes, la plateforme a ouvert la voie à une pluralité d’usages et d’identités comparables à des « tribus » ou des « clans » façon cour de récré. Beaucoup de ces communautés sont nommées à l’aide du suffixe « -core » (cœur, noyau, en français), lequel est attaché à un autre mot pour en appuyer l’esthétique centrale.

En 2020, c’est sûrement la communauté #Cottagecore qui avait le plus fait parler d’elle. Son symbolisme pastoral illustrant la douceur de vivre à la campagne, ses robes en dentelle et ses imprimés vichy, cumulent aujourd’hui plus de 6 milliards de vues sur la plateforme. 

Face aux cours à distance et au délitement des liens sociaux, la tendance #DarkAcademia (près d’un milliard de vues pour une esthétique chargée en jupes plissées, grimoires et bibliothèques poussiéreuses) a aussi connu un vif succès.

Les communautés les plus étranges tirant parfois sur le folklore mythologique ne sont pas en reste. Exemple ? #Goblincore. Ce coin de TikTok, qui rassemble des utilisateurs plus proches du Hobbit que de l’humain, nous projette directement dans la Comté verdoyante du Seigneur des Anneaux.

@rachaelwilsonmusic

Reply to @that_smellysmell Here’s a jolly good repost! 🧚🏻‍♀️ Ig: FreckledZelda 🧚🏻‍♀️✨ #zelda #freckledzelda #legendofzelda #goblincore #bluebird

♬ original sound - Freckled Zelda

Ces esthétiques sont désormais tellement nombreuses que l’encyclopédie du Web Aesthetics Wiki s’est mise à les documenter. Dans la vraie vie, ces dernières vont jusqu’à influencer les tendances mode et provoquer des achats en ligne, notamment sur la plateforme de revente de vêtements Depop.

Entre fantasme et sentiment d’appartenance

Entre besoin d'évasion et nécessité de trouver un exutoire face à la pandémie, la génération Z, qui compose la majorité des utilisateurs de TikTok, aime s'y perdre pour satisfaire un certain besoin d’appartenance. « C’est une génération qui aime se ménager des “safe zones” pour se retrouver entre amis ou membres d’une même tribu », nous racontait le planneur stratégique Eric Briones

Interviewée par GQ, Cassandra Napoli de la maison de tendances WGSN, estime qu’il s’agit aussi d’une façon de s’évader par le fantasme. « La génération Z considère ces esthétiques comme plus que des tendances de mode éphémères. Ce sont des occasions de jouer un rôle, de s'évader dans différents styles de vie qui offrent un sentiment de confort. »

https://www.tiktok.com/@kasperklownn/video/6849691209296841989?lang=fr&is_copy_url=1&is_from_webapp=v1

Il faudrait ici citer la tendance #Clowncore, qui met en scène d’étranges bouffons maquillés à outrance et dont le genre n’est jamais clairement identifiable, car c’est peut-être cette dernière qui révèle le mieux la fluidité identitaire de cette génération : accepter de ne pas savoir totalement qui on est, changer de style et de vie comme on like un post et peut-être, tout recommencer le lendemain. 

Margaux Dussert

Diplômée en marketing et publicité à l’ISCOM après une Hypokhâgne, Margaux Dussert a rejoint L’ADN en 2017. Elle est en charge des sujets liés à la culture et la créativité.
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