un homme décrit une oeuvre dans un musée

De l’art pour éviter la prison : à New York, la recette fait ses preuves

© Project Reset

À New York, le projet « Reset » propose aux auteurs de petits délits d’éviter les poursuites judiciaires en participant à des programmes communautaires et artistiques. Une initiative qui contribue à la réduction du taux de récidive depuis 2015.

En février 2019, Assia, 21 ans, est arrêtée par la police pour tentative de vol dans un magasin de Manhattan. Au lieu d’atterrir au poste, cette dernière reçoit une brochure l’informant de son éligibilité au projet « Reset » . « Au début, je pensais que c’était une blague, que les flics se foutaient de moi », raconte la jeune femme au magazine CityLab. Pourtant bien réel, ce programme de déjudiciarisation propose aux auteurs de délits mineurs des alternatives à la comparution devant un tribunal, au casier judiciaire, voire à la prison.

Pour Assia, c’est finalement un cours de trois heures au Swiss Institute (un centre d’art contemporain basé à New York) qui mettra un point final à son interpellation. Une procédure axée sur la tolérance et la réinsertion qui semble aujourd’hui porter ses fruits dans la ville américaine.

De l’art pour réfléchir à soi et prendre du recul sur ses actes

Possession de marijuana, graffitis, vol à l’étalage… seuls les auteurs de délits non violents sont éligibles à ce programme, imaginé par le Center for Court Innovation en 2015.

Selon les quartiers – la procédure concerne déjà Manhattan, Brooklyn et le Bronx – les personnes interpellées peuvent participer à des ateliers artistiques ou à des thérapies « cognitives et comportementales » , deux options censées les aider à prendre conscience de leurs méfaits sans pour autant se considérer uniquement comme des criminels.

Premiers artistes à adhérer au programme, Shaun Leonardo et Derek Fordjour ont participé à son élaboration et animent notamment des partenariats avec le New Museum of Contemporary Art et le Brooklyn Museum. Sur place, les participants y décryptent des peintures – Shifting the Gaze de Titus Kaphar et Judgment de Bob Thompson notamment – avant de prendre part à des ateliers de création.

Initialement limité aux délinquants âgés de 16 à 17 ans, le programme s'adresse désormais à des personnes plus âgées ainsi qu’à des individus ayant déjà eu affaire au système judiciaire. « L’art, dans le cadre d’une conversation avec le système judiciaire, nous aide à percevoir là où une personne peut s’améliorer, rapporte Shaun Leonardo à CityLab. (…) Faire de l’art est un moyen d’y aller plus doucement, de saisir ce qu’il y a au cœur de leur histoire. Car très souvent, c’est ce que cette personne ressent qui manque à la narration. C’est un processus d’humanisation des récits. 

Un effet sur le taux de récidive et sur le nombre d’infractions

Selon les équipes du projet, plus de 1 750 personnes ont participé au programme depuis 2015, évitant ainsi d’avoir un casier judiciaire. 98% des participants l’ont fini jusqu’au bout et 96% d’entre eux le recommandent à d'autres, ce qui a pour effet de diminuer le taux de récidive. En outre, un programme de trois heures permettrait de résoudre ce type d'affaire en moyenne 186 jours plus tôt qu’une poursuite dite « traditionnelle ». Selon Cyrus Vance Jr., procureur de l’État de New York, on recensait 86 000 infractions mineures en 2012. En 2018, ce nombre était divisé par deux (45 000), en grande partie grâce à la mise en place de programmes de déjudiciarisation comme Reset.

Se faire prescrire une visite au musée pour apaiser son stress, analyser des œuvres en équipe pour restaurer la cohésion ou le sens d’une entreprise, s’initier à l’art pour éviter la « case prison » … les vertus de la création artistique n’ont décidément pas fini de nous étonner.

Margaux Dussert

Diplômée en marketing et publicité à l’ISCOM après une Hypokhâgne, Margaux Dussert a rejoint L’ADN en 2017. Elle est en charge des sujets liés à la culture et la créativité.

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