Une ville connectée sécurisée peut-elle servir à garantir les libertés individuelles et la démocratie ? Marko Erman, directeur technique de Thales répond à cette épineuse question.
Une ville du futur connectée ne veut-elle pas dire truffée de vulnérabilités ?
Notre vie et celle de la cité seront nourries par les échanges d’informations véhiculées dans ces artères entre individus et objets. Plus le système est complexe, plus les éléments sont interconnectés et interdépendants, plus l’impact d’un dysfonctionnement local est susceptible de se propager et de déréguler l’ensemble. Les nouveaux usages et services sont apportés par les technologies du numérique qui progressent aujourd’hui à pas de géant, la connectivité, l’analyse du big data, l’intelligence artificielle. Mais pour que ces nouveaux services soient utilisés en toute confiance, il faut que l’ensemble du système soit cybersécurisé.
Comment la cybersécurité peut-elle faire progresser la démocratie ?
Mais les technologies numériques ne sont que des technologies, ni bonnes ni mauvaises. C’est l’usage qu’on en fait qui est clé. Et c’est là que le législateur, mais aussi la société dans son ensemble, doivent décider de l’usage que l’on veut en faire. A condition, bien entendu, que toutes les parties soient correctement informées, et que les décisions soient prises de façon transparentes.
Dans ce contexte, je suis persuadé que la cybersécurité est à même de faire progresser la démocratie en ce sens qu’elle protège et permet aussi d’anonymiser nos données, nos transactions. Elle préserve notre identité, et donc nos libertés.
La sécurité peut-elle aussi réduire les libertés ? Certains spécialistes en cybersécurité avancent le principe : « plus de sécurité aura un coût sur la liberté ».
Liberté d’entreprendre, liberté de circuler, liberté de s’exprimer, de s’informer… Toutes ces libertés auxquelles nous sommes tant attachés, nous ne pouvons les exercer que si nous nous sentons en confiance.
Je ne peux entreprendre que si je sais qu’on ne peut pas me confisquer mon bien du jour au lendemain, je ne peux me faire une opinion sur ce qui se passe dans le monde que si je pense que l’information que je reçois n’est pas totalement biaisée, etc. Je voudrais vous donner l’exemple de la ville de Mexico City dans laquelle Thales a installé un grand système de sécurité urbaine, sans doute le plus avancé au monde. Résultats ? Le taux de criminalité a diminué de 56 %, le temps de réponse à un incident est passé de 12 à moins de 3 minutes, les commerces sont revenus dans le centre de la ville et les primes d’assurance ont diminué de 30 % pour les entreprises locales. La sécurité a de fait permis une plus grande liberté et aussi une meilleure qualité de vie.
Dans la ville de demain, cette notion de confiance sera encore plus fondamentale : je ne pourrais profiter des nouvelles formes de mobilité (véhicules autonomes, services partagés, etc.) que si je sais pouvoir compter sur la fiabilité des systèmes qui les sous-tendent ; de même, je ne pourrais réaliser mes transactions bancaires ou administratives ou communiquer avec autrui que si je suis assuré que les données que j’échange ne seront pas piratées ou utilisées contre mon gré à des fins malveillantes.
A leurs débuts, l’aviation ou l’automobile n’étaient régies que par bien peu de lois et la sécurité ne comptait guère. Au fur et à mesure du développement de ces technologies, il a fallu à la fois édicter des règles et augmenter le niveau de sécurité. Sans toutefois restreindre notre liberté de circuler. Je pense que le numérique va connaître exactement la même évolution, permettant ainsi d’accroître notre niveau de confiance sans limiter nos libertés.
Les hackers ne sont-ils pas les garants de la sécurité des villes de demain, en découvrant des failles ?
L’avènement des objets connectés est-il un avant-goût de la ville connectée ?
Demain, grâce aux technologies numériques, nous serons connectés en permanence et, donc, en capacité d’interagir en permanence avec les autres que ce soit dans la sphère professionnelle ou privée, avec la ville grâce aux informations qu’elle fournira en continu, et aussi avec soi-même, puisque l’on pourra adapter ses projets en fonction des informations reçues.
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L'ADN est partenaire de la Maddy Keynote dont le thème principal est la Cité du futur. Mobilité, bien-être, habitat connecté, la rédaction s'interroge sur ses questions de fond. Véritables signaux de notre quotidien de demain.
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