
Alors qu’Instagram et Snapchat misent sur du contenu toujours plus calibré, Yope, un nouveau réseau social basé sur des groupes privés, séduit la Gen Z en misant sur l’authenticité et la confidentialité.
« T’as vu cette nouvelle app ? Tout le monde est dessus. » C’est souvent comme ça que naissent les tendances chez la Gen Z : un bouche-à-oreille ultra rapide, amplifié par les réseaux sociaux. Une nouvelle application de partage photo en groupe privé, Yope, est en train de suivre ce schéma à la lettre. Lancée discrètement en septembre dernier, elle revendique déjà 2,2 millions d’utilisateurs actifs par mois et 800 000 utilisateurs quotidiens. Et ce succès ne passe pas inaperçu : les investisseurs s’emballent, pariant sur « le nouveau Instagram ». Si en apparence, Yope ne révolutionne rien, son concept semble combler un vide laissé par les mastodontes des réseaux sociaux, plus axés sur la performance que sur l’authenticité.
Une app qui mise sur l’entre-soi
Sur Yope, pas de feed public, pas de likes, pas d’algorithmes qui poussent du contenu optimisé pour une audience la plus large possible. L’application fonctionne à l’échelle réduite du cercle proche, un peu comme un mini réseau social sur invitation, loin des sollicitations permanentes d’Instagram ou Snapchat. Pour rejoindre un groupe, il faut être coopté par un membre, un fonctionnement qui rappelle certaines communautés privées sur Discord ou Telegram ou bien le lancement de BlueSky il y a quelques années.
Cette approche séduit une partie de la Gen Z, lassée des mises en scène millimétrées et du contenu ultra-léché des grandes plateformes. C’est d’ailleurs pour ça qu’ils sont nombreux à ne plus poster sur Instagram et privilégient le dark social. Sur Yope, on partage des moments spontanés, sans pression, dans un espace plus intime et sécurisé. Une alternative qui répond à un besoin croissant : reprendre le contrôle sur son cercle social et son image en ligne, dans un écosystème où la viralité est devenue (presque) trop facile.
Des fonctionnalités addictives
Si Yope revendique une expérience plus « authentique », elle n’en reste pas moins pensée pour maximiser l’engagement. L’application reprend des mécaniques déjà éprouvées par d’autres plateformes pour inciter à une utilisation régulière. Un widget directement intégré à l’écran de verrouillage permet d’afficher en un coup d’œil les dernières photos partagées par son groupe, rappelant le concept de l’application Locket. Yope mise aussi sur un système de streaks, popularisé par Snapchat avec son système de flammes, qui encourage les utilisateurs à poster quotidiennement pour maintenir une série ininterrompue d’échanges.
Le recap compile quant à lui automatiquement les images du groupe sous forme de diaporama, façon Google Photos, offrant un condensé des moments partagés. À cela s’ajoute un mur interactif où l’IA assemble et découpe les clichés des membres en une fresque évolutive, un peu comme un scrapbook numérique qui se remplit au fil des publications. Une façon de ne plus simplement faire défiler le contenu, mais de le construire à plusieurs, en temps réel.
Une tendance déjà vue… et déjà oubliée ?
L’idée d’un réseau social centré sur des groupes privés n’est pas nouvelle. Avant Yope, des applications comme Path, lancée en 2010, ou plus récemment Retro et BeReal ont tenté leur chance, avec plus ou moins de succès. Ce dernier, après un boom en 2022, a vu sa croissance ralentir avant d’être racheté par Voodoo. Même Instagram avait lancé Flipside, une fonctionnalité de groupes restreints… avant de l’abandonner après seulement cinq mois.
Alors, pourquoi Yope réussirait là où tant d’autres ont échoué ? Ses fondateurs misent sur une évolution des usages : selon eux, si 99% des photos prises par la Gen Z ne sont jamais postées, c’est faute d’un espace adapté : « Instagram et Snapchat sont devenus des vitrines. Yope, lui, permet de partager du contenu sans filtre, uniquement avec ses proches », explique son CEO, Bahram Ismailau. Reste à voir si la plateforme parviendra à transformer cet engouement en succès durable. Pour l’instant, elle ambitionne d’atteindre 50 millions d’utilisateurs actifs d’ici un an et réfléchit déjà à des pistes de monétisation, notamment via des abonnements. Mais l’histoire des réseaux sociaux nous l’a déjà prouvé : l’ascension fulgurante d’une app ne garantit en rien sa pérennité.
Participer à la conversation