Test PCR tous les deux jours, camps de quarantaine, drones équipés de lecteurs de QRcode… Le compte @songpinganq publie des centaines de vidéos pour dénoncer la politique zéro Covid chinoise.
Inscrit depuis mars 2021 avec plus de 40 000 tweets à son actif, @songpinganq, twittos anonyme, diffuse chaque jour des dizaines de vidéos issues des réseaux sociaux chinois montrant la gestion de l’épidémie de Covid en Chine. Alors que dans beaucoup de pays les restrictions sanitaires ont pratiquement disparu, le pays de Xi Jinping continue d’appliquer une politique zéro Covid très stricte. Elle s’appuie sur un déploiement de technologies de contrôle social et de surveillance, mais aussi de moyens de répression totalitaire dignes d’un film de science-fiction.
Enfants enfermés et robots surveillants
Il est difficile de passer en revue l’ensemble des vidéos publiées sur ce compte tant elles sont nombreuses. Il existe cependant des catégories récurrentes.
On trouve en abondance des images de milliers de personnes courant dans une seule et même direction. Il s’agit de travailleurs, sortant de leurs usines. Ils se rendent le plus rapidement possible dans les zones où ils peuvent passer un test antigénique. Les autorités chinoises les obligent à se soumettre à ces tests tous les deux jours. En cas de manquement, le QR code numérique qu’ils utilisent depuis leur smartphone pour prendre les transports vire à l’orange et perd sa validité. Certaines vidéos de tests brutaux réalisés sur des enfants sont particulièrement pénibles à regarder.
La fabrication et la vie au sein de camps sanitaires dédiés aux quarantaines constituent l’autre catégorie très visible du compte. On y découvre des chantiers gigantesques, des alignements de préfabriqués et de longues queues pour la distribution de nourriture. Les gens enfermés sont bien souvent équipés de téléphones portables et peuvent filmer l’intérieur des cellules. Il n’est pas rare de voir des enfants séparés de leur famille, enfermés seuls pendant plusieurs jours.
La violence des hommes en blouses blanches
Ils sont le bras armé et omniprésent du pouvoir sanitaire et répressif chinois. Les hommes en blouses blanches sont là pour faire appliquer les restrictions sanitaires, tester les gens (ou les légumes) et les emmener de manière souvent brutale en camps d’isolement. Avec la politique zéro Covid, ce sont parfois des immeubles, voire des quartiers entiers qui sont mis sous quarantaine. Une série de vidéos remontant au mois d’avril dernier avait montré la gestion catastrophique de ces enfermements dans la ville de Shangaï. Quand les gens ne sont pas enfermés chez eux, ils sont alors embarqués dans des bus qui défilent jusqu’à leur destination.
Des robots et des drones
L’omniprésence technologique avec l’usage de robots et de drones pour avertir et contrôler la population reste sans doute l’aspect le plus dystopique de ces vidéos. On sent à quel point le système de crédit social mis en place par la Chine depuis plusieurs années est pleinement exploité par les autorités. Pour mieux systématiser les tests, on voit aussi apparaître des cabines robotisées permettant de faire des prélèvements nasopharyngés.
Un travail solitaire et peu recoupé
Ce travail de documentation sur les conditions de vie en Chine est issu d’un seul et même compte. On ne sait pas qui est @songpinganq, tandis que de nombreux médias occidentaux reprennent ses vidéos sans les vérifier. « C’est un compte très bien informé qui visiblement répercute des vidéos issues des réseaux sociaux chinois, un peu sur le modèle des comptes OSINT sur la guerre en Ukraine qui piochent sur Telegram, explique Vincent Glad, journaliste et spécialiste des réseaux sociaux. Mais à l’inverse des vidéos venant d’Ukraine qui sont soumises à l'expertise de tout un écosystème OSINT, il est seul sur son domaine, ce qui complique la vérification de ses informations. Vu son penchant très antichinois et surtout très anti mesures Covid, il y aurait pu y avoir de la manipulation. Mais de mon expérience, à ce que j'ai pu voir, à chaque fois, les vidéos semblaient bel et bien véridiques. » N'hésitant pas lui-même à communiquer avec les twittos qui lui posent des questions, @songpinganq laisse entendre qu’il serait situé en Chine et qu’il utilise des VPN pour « sortir » l’information au-delà de la fameuse grande muraille numérique qui encercle le Web chinois. Faute de mieux, ce compte reste la fenêtre la plus ouverte vers un pays qui a décidé de mener une politique sanitaire radicale.
Participer à la conversation