Le maître de l'info parodique, c'est le Gorafi. Et depuis, le concept a fait des petits. Problème : plusieurs médias produisent des articles qui peuvent être considérés comme des infox.
« Macron : "Si on a 200€ pour des cadeaux, on n’a pas besoin d’une augmentation." » Le 5 décembre dernier, plus de 343 000 personnes partagent sur leur page Facebook cet article titré avec une citation du président Macron. Dans les commentaires, on s’insurge contre ce qui semble être une nouvelle provocation d’Emmanuel Macron envers les plus démunis. On peut y lire des réactions outrées se demandant « comment en 2019 un président peut parler de cette façon sans aucune décence, sans aucun respect ni compassion ». Le seul hic, c’est que cet article est censé être une parodie venant du site FrancheInfo. Et tout le monde n’y a vu que du feu.
Une fake news bien virale
Le lendemain de la publication, le journaliste Vincent Glad s'étonne de l’ampleur des partages et pointe du doigt d’autres articles du même acabit ayant été repris au premier degré. Pire encore, le journal a même sponsorisé l’un de ses articles sur Facebook afin d’augmenter sa visibilité. Ce dernier fait croire que des blindés sont acheminés vers la capitale afin d’aider les forces de l’ordre à contrôler les manifestations.
Cet article parodique, pris au premier degré par la très grande majorité des lecteurs, connaît une incroyable diffusion sur Facebook. Très rare de voir de tels chiffres.https://t.co/selLwegW8S pic.twitter.com/OuL8AFZdKR
— Vincent Glad (@vincentglad) December 6, 2019
Le site FrancheInfo flirte dangereusement avec les codes des fake news. Non seulement le titre et le logo du média qu’il est censé parodier sont très ressemblants, mais quand on se rend sur le site, on y trouve une copie très poussée de la home page.
En d’autres termes, les lecteurs qui ne se méfient pas peuvent très facilement confondre cette copie avec l'originale. Comme l’indique Guillaume Dandin, journaliste à l’AFP qui a enregistré les différents partages, l’article sur les 200 euros de cadeaux a été massivement partagé sur les groupes Facebook des Gilets Jaunes.
Enorme en effet, et ça a été partagé par de très très nombreux groupes GJ sur Facebook, d'après Crowdtanglehttps://t.co/rs6yEHGO7j pic.twitter.com/TdIqmCGvGn
— Guillaume Daudin (@GuillaumeDaudin) December 6, 2019
Satire versus infox : comment faire la différence ?
Interrogé sur le sujet, Sébastien Liebus, créateur du Gorafi, estime que ce genre de pratique est extrêmement dangereuse. « Les auteurs de cet article ne se rendent pas compte qu’ils font de la fake news, explique-t-il. Ils utilisent des titres qui sont trop vraisemblables et font en sorte de piéger le public », nous explique-t-il.
Connu depuis 2013 comme le site satirique de référence, Le Gorafi est pourtant lui aussi repris au premier degré par plusieurs lecteurs. Mais pour Sébastien Liebus, la ressemblance s’arrête là. « On reprend la musicalité d’un titre d'article, mais on fait toujours en sorte d’introduire un élément dissonant dans la phrase. Notre objectif n’est pas de tromper les lecteur et de profiter du clic (et de l'argent des publicités qui va avec), mais plutôt de susciter une réaction. L’idée c’est qu’on puisse se dire, "c’est drôle ou c’est triste, parce que c’est un peu vrai". »
FrancheInfo n’est d’ailleurs pas le seul média qui compte à jouer sur les fake news. Les sites comme NordPress, Secret News ou BMF News sont bien souvent épinglés pour diffuser des infox reprises au premier degré. Pour Sébastien Liebus ces nouveaux supports peuvent s'avérer dangereux à terme. « Il est possible que les politiques décident de légiférer et d’interdire toute forme de satire sur les réseaux », s’inquiète-t-il. Et à ce moment-là, on ne saura plus s’il faudra rire ou pleurer.
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