La Fabrique du mensonge, Affaire Lola, chronique d'une récupération

Après un documentaire sur l’affaire Lola, l’extrême droite se crispe sur les réseaux sociaux

© La fabrique du mensonge / France 5

Dans son documentaire Affaire Lola, chronique d'une récupération, France 5 expose comment des personnalités d’extrême droite, notamment Eric Zemmour, ont accolé leurs discours sur l’immigration au meurtre complexe d’une jeune fille de 12 ans. 

Quand l’extrême droite est épinglée pour manipulation de l’opinion, ses militants et soutiens répondent au quart de tour. Quelques heures après la diffusion du documentaire de France 5, Affaire Lola, chronique d’une récupération, dans l'émission La fabrique du mensonge, une pétition est lancée pour le faire retirer, des appels à signaler le documentaire à l’Arcom se multiplient, et le hashtag Lola revient un temps dans les « trending topics » de Twitter. Dans la foulée Eric Zemmour, Cyril Hanouna, CNEWS, et Sud Radio portent leurs critiques virulentes contre l’émission, accusant la chaîne de propagande. Samuel Lafont, responsable de la stratégie numérique d’Eric Zemmour, va jusqu’à dénoncer un « scandale médiatique » sur Twitter. Une riposte s’organise pour tenter d’imposer à nouveau le narratif de l’extrême droite en ligne et discréditer le travail de France 5. 

Que raconte le documentaire ? 

Le documentaire Affaire Lola, chronique d'une récupération raconte comment le meurtre de Lola, enfant de 12 ans dont le corps a été retrouvé dans une malle à Paris en octobre 2022, a été repris par des militants et partis d’extrême droite pour dénoncer le prétendu laxisme de la politique migratoire. Son auteur, le journaliste Félix Seger, expose notamment la mécanique mise en place par les partis, influenceurs et médias d’extrême droite pour faire monter le hashtag « Lola » sur Twitter, afin d’y greffer leur message politique. Reconquête, le parti d’Eric Zemmour, est particulièrement actif dans cette récupération. 

Le meurtre de la jeune fille est décrit dans leurs discours comme la conséquence d’une « immigration incontrôlée ». Car la principale suspecte Dahbia B. est de nationalité algérienne, et soumise à une obligation de quitter le territoire français. Aucun mobile évident n'apparaît. Ces éléments deviennent une raison suffisante pour conclure que son crime est un « francocide ». Ce terme a été mis en avant par Eric Zemmour à l’automne 2022, estimant que comme pour les féminicides, le meurtre de personnes françaises par des personnes étrangères méritait un terme spécifique. Et la mort de Lola devient donc un support pour faire la promotion de cette idée (les deux hashtags Lola et francocide figurent très régulièrement côte à côte). Le documentaire souligne par ailleurs à maintes reprises l’opposition entre ce discours politique et la position de la famille de la victime qui a appelé plusieurs fois à ne pas instrumentaliser l’image de leur fille à des fins politiciennes. 

Outre la diffusion du hashtag Lola en masse sur Twitter, d’autres stratégies sont mises en place pour pousser la vision des faits de l’extrême droite, comme l’achat des noms de domaine « Justice pour Lola » et « Manif pour Lola » par l’association Les amis de Zemmour, l’organisation de plusieurs manifestations hommage où toutes les chapelles d’extrême droite sont réunies ou encore le cyberharcèlement de l’avocate de la famille, qui appelle à arrêter l’instrumentalisation de cette tragédie. 

Parallèles douteux entre l’affaire Lola et le petit Aylan 

L’exposition de ces faits a donc entraîné une réaction en chaîne chez certaines personnalités d’extrême droite, et leurs soutiens médiatiques ces derniers jours. Les arguments contre le documentaire sont souvent les mêmes : France 5, qui de plus est financée par les impôts des Français, serait indigne, car le documentaire ne s’offusque pas du meurtre mais de son traitement politique. La chaîne ferait elle-même dans la propagande et la manipulation d’opinion, de gauche cette fois-ci. La “récupération” de ce fait divers n’en est pas une. Ou alors il faudrait à ce titre appeler “récupération politique” le meurtre de George Floyd par un policier aux États-Unis, ou la mort d’Aylan, petit garçon syrien dont le corps a été retrouvé sur une plage de Turquie. Geoffroy LeJeune, directeur de la rédaction de Valeurs Actuelles, avançait notamment cet argument sur CNEWS le 22 mai. Peu importe encore une fois, que dans le cas de Lola rien ne permette de rapprocher cette affaire d’une supposée systématisation des meurtres de Français, au motif qu’ils sont Français, par des étrangers.

Le 21 mai, Cyril Hanouna va jusqu'à dire à l’antenne de TPMP dans une analyse de l’émission que France 5 s’indigne du traitement « de la présumée meurtrière de Lola » plutôt que d’être estomaquée de la barbarie du meurtre de la petite fille. Il avance aussi vouloir faire payer à la chaîne l’utilisation des images de son émission, les prévenant que la note « allait être salée ». Dans le documentaire, TPMP – c'est aussi le cas pour CNEWS, – est présentée comme un rouage important de l’instrumentalisation du fait divers. Le présentateur apparaît notamment dans une séquence où il demande une justice expéditive en quelques heures pour ce genre de crime, et une autre où il fête son record d’audience le lendemain d’une émission largement consacrée à l’affaire.

Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.
commentaires

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  1. Avatar Anonyme dit :

    Hum hum, hors le fait qu'on essayes de faire passer ça pour un fait divers, le documentaire payé par l'argent des Français sur une chaine PUBLIQUE fait passer de l'idéologie avec des activistes camouflés sous des titres de sociologues.
    Si la récupération par "l'extrème droite" vous choques mais pas le meurtre d'une enfant par une femme sous OQTF ni par la récupération par les autres partis, c'est que c'est vous le problème.
    Mais bon comme d'habitude on attaque sur la forme en prônant une sainte morale pseudo supérieure et un non amalgame parceque sur le fond, ceux que le "documentaire" attaque ont raison et la vérité fait mal !

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