Un bâtiment et des arbres

« Pour réussir pleinement la transition, nous avons besoin d'une bascule culturelle »

Avec Produrable
© Victor / Unsplash
portrait de femme


Réunir les acteurs de la transition écologique pour mettre en avant les solutions en faveur de l'économie durable : telle est l'ambition de Produrable, dont la 16e édition aura lieu les 12 et 13 septembre. Entretien avec Danielle Deruy, la directrice générale du groupe de presse professionnelle AEF info, qui organise l'évènement.

« La bascule de notre société sera culturelle », pose votre programme. Quels liens entre développement durable, transition écologique et culture ?

Danielle Deruy : Cette année, le fil rouge des conférences questionne en effet notre mindset, notre manière de penser, la façon dont, collectivement, nous appréhendons le monde et rendons possible la transformation écologique et sociétale. Sans aller jusqu’à la « révolution culturelle », nous avons besoin d’une véritable « bascule », de passer d’une culture productiviste à une nouvelle façon d’interagir avec le monde. De nouvelles notions apparaissent, qui questionnent non seulement nos pratiques mais aussi nos valeurs et notre culture : limites planétaires, économie d’usage et de fonctionnalité, circularité…

Pour réussir pleinement et collectivement la transition, nous allons sortir de la sensation de perte, de la fin de l’abondance, de la culpabilité, pour passer à de nouveaux récits, ce que certains nomment « des imaginaires positifs d’une société post-carbone enviable ». Ce sont ces récits qui pourront embarquer le grand public, construire un imaginaire collectif pour qu’il puisse s’approprier des solutions nouvelles, une nouvelle culture à la hauteur de nos nouveaux enjeux.

Vous n'hésitez pas à aborder la question des limites planétaires. Mais comment parler de décroissance quand on est une entreprise et qu’on est soumis à des objectifs de rentabilité ?

D.D. : Nous sommes bien convaincus que face à l’urgence du réchauffement climatique, notre modèle de société, fondé sur l’exploitation illimitée des ressources et une hyperconsommation, est caduque. Le mot « décroissance » ne doit pas être tabou. Il doit nous amener à réfléchir sur la façon de changer notre modèle économique. Personnellement en tant que chef d’entreprise, je n’aime pas le mot « décroissance » que je trouve négatif et régressif. Je préfère celui d’économie durable, renouvelable, soutenable… Ma mission en tant qu’entrepreneur c’est de créer des emplois durables. C’est aussi d’aller plus loin. C’est ainsi que depuis dix ans, AEF info a fait du concept souvent vague « d’inclusion » une réalité. Nous aidons les jeunes en précarité, en particulier ceux des QPV à s’insérer durablement dans le monde du travail.  C’est la lettre S dans RSE.  Mais en même temps, il n’est plus pensable de faire faire 800 000 kilomètres aux composants pour fabriquer un smartphone ! Il faut don provoquer, faire prendre conscience que la situation actuelle n’est plus tenable. C’est la raison pour laquelle Timothée Parrique, Cyril Dion ou encore Emma Haziza – ont tous leur place à Produrable. 

En tant toujours que chef d’entreprise, je suis également tout à fait consciente qu’il faut passer d’une hyper-production et d’une hyper-consommation à une économie durable et soutenable, notamment par la circularité, la sobriété, etc. Nous parlerons d’économie de post-croissance. Nous ne pouvons plus croître dans un monde où les ressources sont limitées, mais nous pouvons ralentir le gaspillage et l’inefficience, pour faire croître l’économie pour la santé et le bien-être des citoyens. Nous devons nous questionner pour inventer collectivement ces nouveaux modèles, adapter les usages et les productions, changer de « mindset ». 

Ce seront les entreprises qui seront en avant-poste de cette transformation. Ne les stigmatisons pas. Elles sont contraintes à une perpétuelle adaptation, de leur culture, de leur organisation, de leur business model. Elles doivent bouger vite, dans un monde complexe, bousculé par les crises climatiques et écologiques. Ce sont des acteurs clés de la transformation écologique et sociétale : elles doivent répondre aux injonctions, modifier leurs supply chains, accompagner leurs propres clients vers la sobriété désirable, révolutionner les business models, rester rentables tout en nourrissant de nouveaux récits avec un nouveau marketing. Les entreprises accompagneront de façon structurante le changement de culture pour régénérer la croissance de valeur grâce à la sobriété et l’impact positif. 

L'un des problèmes auxquelles les marques sont confrontées, c'est qu'elles se font accuser de greenwashing lorsqu'elles communiquent autour de leur stratégie RSE. Vous aborderez également ce sujet ?

D.D. : Il y a une évidente ambiguïté, un soupçon de « greenwashing » à l’égard de toute communication en matière de développement durable et de RSE. Nous avons bien sûr un devoir de vigilance et de responsabilité en la matière. Et en même temps… le marketing et la publicité ne sont-ils pas, pour partie, des parties prenantes créatrices de cette nouvelle culture que nous appelons de nos vœux. Ne rendent-ils pas – à leur façon - désirable cette nouvelle sobriété que la société peine à mettre en œuvre ? En retravaillant « en positif » des nécessités souvent vécues sous la forme de privation (un avenir « sans » viande, sans voyage en avions, etc.), les marques contribuent aussi à l’invention d’un récit collectif et permettront peut-être d’inspirer le plus grand nombre.

Pourquoi, en 2023, organiser un salon comme Produrable ?

D.D. : Depuis plus de 15 ans, notre groupe a développé une activité événementielle, BtoB et BtoC qui représente aujourd’hui la moitié de son activité, à travers une cinquantaine d’évènements par an. En tant que média tiers de confiance pour nos abonnés, nous avons aussi pour mission de mieux comprendre leur environnement, de les faire interagir en multipliant les occasions de se rencontrer, de leur donner un temps d’avance, en les aidant à anticiper les courants de fond, sociaux ou sociétaux. C'est ce que propose Produrable, en mettant toujours le fond avant la forme.

Depuis 16 ans, Produrable forme à la fois une communauté, plus de 50 000 professionnels, et partage des services et les solutions concrètes mise en oeuvre par les entreprises – et plus généralement les institutions. Plus de 250 exposants, 650 speakers, de très nombreux décideurs et 10 000 professionnels partagent chaque année l’envie de faire bouger les choses et d’agir ensemble. 

Produrable prouve que la performance économique peut être compatible avec la résolution des enjeux climatiques et sociétaux : c’est notre spécificité et c’est pourquoi il est incontournable pour les entreprises.

commentaires

Participer à la conversation

Laisser un commentaire