
Faute de technologies (recyclage, réparation…), 80 % des textiles collectés en France sont exportés. Face à cette réalité, le contrôle et le traitement des déchets textiles deviennent des enjeux cruciaux.
Entre 2000 et 2014, la consommation de vêtements par habitants a augmenté de 60 % au niveau mondial, selon l'Ademe. On conservait également ses vêtements deux fois plus longtemps en l'an 2000 qu'en 2014. Des habitudes de consommations liées à l'essor de la « fast fashion » qui entraîne dans son sillage une hausse des déchets textiles usagés. Afin d'identifier des solutions pour réduire l’impact environnemental et social de l’export de textiles usagés, Paris Good Fashion a lancé fin 2022 avec Vestiaire Collective et le soutien de l’IFM un groupe de travail. Reçus à Bruxelles par la Direction Environnement de la commission européenne début octobre, ils ont exposé 6 propositions concrètes pour l’encadrement des exportations des déchets textiles. Objectif : donner jour à une gestion responsable et circulaire des textiles usagés au sein de l’Union européenne et dans le monde.
Pour une gestion responsable des déchets textile
En 20 ans, les quantités de textiles usagés exportées en Europe ont triplé pour atteindre près de 1,7 million de tonnes en 2019. Quantité, qualité incertaine, insuffisance des infrastructures locales de gestion des déchets... Autant d'éléments qui entraînent souvent leur dépôt dans des décharges à ciel ouvert, exerçant une pression considérable sur l'environnement et les communautés concernées, majoritairement en Asie et en Afrique. Mais, au-delà des questions de volume et de qualité, le groupe de travail insiste sur la nécessité de contrôler et d’accompagner la filière. Comment ? En définissant précisément ce qu’est un déchet textile et en promouvant une plus grande traçabilité.
Hiérarchie et statut des déchets
L’ensemble des politiques et des législations européennes relatives à la gestion des déchets sont fondés sur le principe de hiérarchie, qui encourage et privilégie la réutilisation par rapport au recyclage. Un principe qui s’applique également aux textiles usagés. Selon le rapport Position Paper proposé par le groupe de travail, donner la priorité à la réutilisation sans évaluer les impacts environnementaux associés, est susceptible de générer des conséquences environnementales et sociales négatives. C'est le cas par exemple au marché de Kantamanto, situé à Accra au Ghana où, selon The Or Foundation, environ 40 % des 15 millions de vêtements usagés importés chaque semaine finissent abandonnés dans la nature. Face au devenir plus qu’incertain de ces textiles, Paris Good Fashion et Vestiaire Collective proposent de repenser la hiérarchie des déchets par le biais d'une évaluation de l'impact environnemental et social.
Établir des critères pour la réutilisation et le recyclage
Actuellement, les textiles usagés sont souvent étiquetés comme « aptes à la réutilisation » alors que leur qualité et leur état ne permettent pas une réutilisation effective. Afin d'améliorer la qualité et l'homogénéité, le groupe propose d'établir des critères cohérents à l'échelle de l'UE pour la classification du statut de déchet. Ainsi, chaque article collecté passant par les processus de tri devrait faire l'objet d'une vérification avant de déterminer s'il peut être réutilisé ou s'il devrait être recyclé. Le groupe de travail propose que les organisations en charge de la REP (Responsabilité Élargie du Producteur) financent le dispositif jusqu'à la levée du statut de déchet, après réparation ou validation de la qualité par le revendeur final. Ceci, afin d'améliorer la traçabilité en aval et de favoriser une gestion responsable des déchets, comme l'exige le principe du pollueur-payeur.
Des standards pour définir la qualité des textiles
Il n'existe à ce jour aucune norme concernant la composition des balles de textile exportées. Résultat : un grand nombre de vêtements sans aucune valeur marchande, inutilisables (abîmés, souillés...) ou ne correspondant pas aux attentes des clients importateurs (style, besoins...) se retrouvent refourgués à l'autre bout du monde. Pour résoudre ce problème, le groupe recommande une collaboration étroite entre les clients des pays destinataires et les exportateurs de textiles usagés. En outre, il réclame des standards définissant la qualité des textiles composant les balles de textile (excluant les articles tachés ou déchirés par exemple) et des audits réguliers pour en vérifier la conformité.
Promouvoir une plus grande traçabilité
Au-delà des demandes de contrôle et d'accompagnement de la filière textile, le groupe de travail a également fait trois autres recommandations. Tout d'abord, imposer une plus grande traçabilité des installations de tri, par le biais de la mise en place d'accréditations et contrôles des performances. Ensuite, s'assurer d'avoir l'autorisation des pays où seront exportés les déchets et de leur capacité à les traiter de manière durable. Enfin, tirer parti des organisations en charge de la REP textile pour soutenir le développement de filières dans les pays qui ne disposent pas d’infrastructures de gestion des déchets textiles.
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