La data est partout : entre les quatre murs du bureau et son open space jusque dans les médias. Elle est la face cachée de la société, façon numérique. En somme : elle est un sujet incontournable. Mais son utilisation l’est-elle également ?
Utilisée à foison en publicité et marketing, qu’elle soit programmatique, personnalisée ou segmentée, la data n’est pas une injonction absolue. Pour démystifier l’utilisation des données, Artefact et L’ADN ont réuni à l’occasion du petit-déjeuner/conférence « Stop au data-washing » Élisabeth Moët (directrice marketing Mattel France et Belgique), Julien Levêque (title manager Netflix) et François Brogi (vice-président création Artefact).
Cibler les yeux fermés ?
L’utilisation de la data pour cibler des consommateurs, faire des panels de pré-campagne est monnaie courante. Mais doit-on vraiment « l’utiliser pour l’utiliser » ? Dans quel cas est-elle pertinente pour la marque ? « Lors de la campagne Fisher-Price, la data nous a aidé à comprendre le marché, grâce aux données qualitatives et quantitatives, sans interroger les données comportementales à proprement parler, explique François Brogi. Nous regardions tout de même les visites de sites, les consultations des pages et les réactions des consommateurs sur les réseaux sociaux. » Pour Élisabeth Moët permet aussi d’affiner le ciblage : « Nous avons besoin d’aller cibler des mamans ayant des enfants appartenant à certaines tranches d’âge et donc d’identifier au mieux avec un minimum de déperdition cette cible en rapport aux produits vendus et aux besoins. »
Pas question donc de cibler n’importe qui. La segmentation, comprendre le découpage du marché par individus et groupes de consommateurs, a été importante. « Nous avions décidé d’abandonner les campagnes télévisées, faisant des burst lourds et massifs. Qui n’auraient servi à rien. Nous avions la volonté de toucher les tranches d’âges pour le mobile ou le trotteur par exemple, qui n'ont pas la même cible ».
Et la créativité dans tout ça ?
La data créative : deux salles, une ambiance
Cela a beau être des chiffres, il y a un être humain derrière chaque donnée. « Tout le marché va vers une segmentation pointue et une base de données aiguisée. Dans un monde où tout devient fonction, il faut réfléchir à ce que l’on veut être comme marque. Il faut quand même de la magie, et la magie c’est la créativité », tempère Julien Levêque.
Burger King au Mexique en est l’exemple : la campagne Traffic Jam Whopper initiée en mai 2019 a été un franc succès. L’idée ? Utiliser la data pour livrer des repas aux conducteurs affamés coincés dans les bouchons de Mexico City, ville la plus embouteillée du monde. Résultat : 63 % d’augmentation des commandes. Autre exemple d’utilisation de data créative : la collaboration &OtherStories avec la designeuse Giorgia Lupi qui utilise la data pour créer des impressions sur tissus et créer chemises et pulls originaux.
La data est-elle toujours pertinente ?
La data permet de segmenter et de comprendre un marché. Mais comme tout sujet, il y a des inconnues qui peuvent faire irruption. D’ailleurs, François Brogi en a fait l’expérience lors de la campagne Total Spring, qui concentrait son offre sur l’énergie verte. « Nous nous étions basés, grâce aux données, sur certains freins que peuvent avoir les consommateurs vis-à-vis d’un changement de fournisseur d’électricité : la peur de l’administratif et la peur que le service ne fonctionne pas. D’autres, comme le coût de l’énergie entraient également en compte. Nous avions naturellement ciblé notre campagne sur ces leviers. Toutefois ce n’était pas suffisant, car la marque n’avait pas de notoriété dans le secteur de l’énergie verte. »
L’enjeu était donc de miser sur la notoriété, plutôt que l’ultra-ciblage.
Et l’éthique dans tout ça ?
Depuis l’entrée en vigueur du RGPD le 25 mai 2018, 70 % des Français se disent aujourd'hui plus sensibles aux problématiques de protection des données, selon l’Ifop. N’y a-t-il pas aujourd’hui une ligne rouge à ne pas franchir dans l’utilisation des datas pour garder la confiance des utilisateurs ? « Aujourd’hui le RGPD est un atout dans le ciblage des consommateurs. Les Internautes donnent leur accord dans l’utilisation de leurs données. Rien n’est obscur ni illégal. Pour Fisher-Price, la question s’est posée pour le ciblage des jeunes mamans ou des femmes enceintes, mais nous sommes restés sur de l’investissement média. Avec une politique CRM (customer relationship management) cela aurait été différent. », rassure François Brogi. « Dans les faits nous répondons aux besoins et aux questions des parents, et à des recherches qu’ils peuvent effectuer sur Internet pour répondre à une situation donnée », ajoute Élisabeth Moët.
En somme, conclut Julien Levêque, « la micro-segmentation a des vertus mais ne peut pas être l’alpha et l’omega du marketing. Il est important d’avoir un discours qui touchera les gens et qui raconte une histoire, dans un monde où la data est un prérequis ». Et Élisabeth Moët de s’étonner : « certains disent que le CMO (chief marketing officer) est mort, à l’heure où les consommateurs sont en recherche de sens et d’histoire de marque. Mais il sera là encore pendant quelque temps. »
Rgpd a probablement acté le bon sens en matière de marketing : chercher à être écouté plutot que de forcer les gens à vous entendre
— Artefact 3000 (@Artefact_3000) November 19, 2019
Notre vision de la data a quelque chose de colbertiste
— Artefact 3000 (@Artefact_3000) November 19, 2019
Ça fait du bien d'admettre que les gens qui prédisent la fin des cmo n'y connaissent rien au métier
— Artefact 3000 (@Artefact_3000) November 19, 2019
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